Plastifrance (Gémenos, 13) a su adapter la ventilation de ses locaux aux situations de travail. Présentation de trois types d’installations de captages localisés. Objectif : réduire l’exposition des salariés au risque chimique lié au dégagement de fomaldéhyde et autres gaz issus de la transformation de matières plastiques.

Avec le rachat en 2003 de l’activité injection plastique de Gemalto, son voisin sur la zone d’activité de Gémenos, Plastifrance a relancé son activité. Chaque année, 400 millions de supports plastiques pour cartes SIM sortent de l’usine. Fort de 7 000 références au catalogue, l’entreprise fabrique également des composants plastiques standards (bouchons plastiques…), des pièces plastiques pour le secteur alimentaire (capsules de café), des pièces industrielles, et plus récemment des composants plastiques pour le secteur médical  avec l’ouverture d’une salle « blanche » de 250 m2. Plastifrance est certifiée ISO9001, ISO 14001 ainsi que ISO13485.

Le formaldéhyde, un produit dangereux

Classé ICPE (Installation classée pour la protection de l’environnement), ce parc industriel de 10 000 m2 est soumis à autorisation préfectorale et fait régulièrement l’objet d’inspections de la DREAL : mesure des COV (Composés Organiques Volatils) canalisés, mesure des COV rejetés à l'extérieur du bâtiment… 400 000 euros ont été investis dans le dispositif de sécurité incendie afin de réduire les risques de pollution.

La transformation de matières plastiques à une température comprise entre 150 et 300 °C dégage du fomaldéhyde, une « substance cancérogène avérée chez l’homme » (groupe 1 d’après le Centre International de Recherche sur le Cancer et classé 1B dans le nouveau règlement CLP) susceptible d'induire des anomalies génétiques. Toxique par inhalation, par contact cutané ou par ingestion, la concentration de ce gaz incolore, à l’odeur piquante, fait l’objet de valeurs limites d'exposition professionnelle (VLEP) réglementées dans les locaux de travail.

Les valeurs limites d'exposition professionnelle (VLEP)

La valeur limite d’exposition professionnelle au formaldéhyde (sur 8h) est fixée à 0,6 mg/m3. La valeur limite à court terme (15 minutes au maximum) est de 1,23 mg/m3 (circulaire du 12 juillet 1993). « Ces valeurs sont indicatives et susceptibles d’évoluer dans le temps, précise Thierry Moussy, contrôleur de sécurité à la Carsat Sud-Est. L’objectif est de maintenir les niveaux d’exposition aussi bas que techniquement possible ».

Par ailleurs, un cancérogène n’a pas d’effet de seuil.

Les premiers prélèvements du LIRC

n21 reportage photo1« L’atelier de fabrication des cartes plastiques, d’une surface de 1 800 m2, est l’espace le plus confiné au sein de notre parc industriel, indique Anne-Laure Segond, responsable HSE (Hygiène Sécurité Environnement) en charge du contrôle qualité et de la métrologie. La production haute cadence concentre plus d’une vingtaine de presses à injecter qui fonctionnent en continu 7 jours/7. Au total, une quinzaine d’opérateurs travaillent en 3X8. « L’exposition au formaldéhyde est légèrement plus importante que dans les autres ateliers ».

En 2013, le Laboratoire Interégional de Chimie de la Carsat Sud-Est (LIRC) effectue des prélèvements d’atmosphère. Les résultats sont compris entre 1 et 3,7% de la VLEP en fonctionnement normal. Par contre, les mesures permettent l’identification d’une phase particulièrement exposante pour l’opérateur, lors de la purge, dont la concentration mesurée représente alors 30,5% de la VLEP (8h).

Signature d’un contrat de prévention avec la Carsat Sud-Est

n21 reportage photo2Incitée par la DIRECCTE PACA et la Carsat Sud-Est, Anne-Laure Segond a fait établir, dès 2008, des devis chez différents fournisseurs afin de mettre en place un système de captation des COV. « Les montants sont élevés, c’est un investissement important pour le Groupe », se souvient Anne-Laure Segond, qui en informe l’Inspection du travail.

« L’Inspection du travail avait connaissance du suivi réalisé par la Carsat Sud-Est. Ce type de collaboration a l’avantage de coordonner nos actions », observe Thierry Moussy.

En septembre 2014, la Fédération de la Plasturgie et des Composites signe une Convention Nationale d'Objectifs (CNO) avec la CNAM-TS pour accompagner financièrement les entreprises dans leur politique de prévention. C’est l’élément déclencheur. En juillet 2015, Plastifrance signe un contrat de prévention des risques professionnels avec la Carsat Sud-Est. D’une durée de 2 ans, il prévoit la mise en place d’un système de captation des COV dans l’atelier de fabrication des cartes plastiques et d’une hotte de confinement et de captation des COV dans le local du laboratoire de contrôle.

La méthode d’évaluation de la réalisation financée par la Carsat Sud-Est repose sur la déclaration CE de conformité et la  fourniture du dossier d’installation incluant la notice d’utilisation, la notice de maintenance et le relevé des mesures de vitesse d’air de référence (vitesse supérieure à 0,5 m/s au point d’émission des polluants et rejet des gaz captés à l’extérieur des bâtiments).

« Toutes les solutions techniques que nous préconisons sont validées par le LIRC et vérifiées au moment de l’installation. » Thierry MOUSSY attire l’attention sur l’importance de disposer d’un dossier d’installation complet remis par le fournisseur au moment de la phase de vérification des performances des ventilations. En effet, « grâce aux données contenues dans ce dossier initial, l’entreprise pourra suivre les critères d’efficacité durant toute le vie de l’installation et réagir rapidement si cela est nécessaire ».

1. Système de captation des COV dans l’atelier de fabrication de cartes plastiques

Une commande a été passée en novembre 2015 pour la mise en place de deux gaines collectrices sur toute la longueur de l’atelier de fabrication des cartes plastiques, installation des bras aspirants, du système électrique, filtration par charbon actif et rejet à l’extérieur… Le fournisseur doit faire intervenir plusieurs équipes. L’installation est effective depuis le mois d’avril 2016.

n21 reportage photo4Sur la photo ci-contre, prise avant installation des presses à injecter, nous observons les bras aspirants reliés à la gaine collectrice qui rejette l’air aspiré à l’extérieur du bâtiment. Au total, 20 bras aspirants équipent l’atelier.

Placée au-dessus de la buse d’injection, la bras de captage aspire la fumée toxique au plus près du point d’émission à une vitesse supérieure ou égale à 0,5 m/s.

« Ce système d’aspiration fonctionne 24h/24 et 7j/7, ce qui assure une ventilation permanente de l’atelier », observe Thierry Moussy. En effet, des pièces fraîchement moulées peuvent émettre des émissions résiduelles de polluants.

n21 reportage photo6La purge. Sur la photo, Choukri Ferchichi, chef d’atelier, contrôle la purge à distance depuis son tableau de bord. Le captage à la source est particulièrement adapté pour évacuer l’intégralité des émissions pendant cette phase.

« En cas d’arrêt prolongé de la presse à injecter, la matière plastique chauffe à l'intérieur de la vis sans fin, ce qui peut engendrer une dégradation de la matière, explique Anne-Laure Segond. La purge consiste à écouler la matière plastique dégradée à l’extérieur de la vis. Cette opération ne dure que quelques secondes, mais de la fumée peut se dégager en quantité un peu plus importante » .

n21 reportage photo8À l’extérieur du local, une turbine aspire l’air qui est filtré par des filtres au charbon avant d’être rejeté à l’extérieur à hauteur de la toiture du bâtiment.

La turbine, de taille modeste, est facilement remplaçable en cas de panne. La maintenance porte essentiellement sur le remplacement des filtres qui s’encrassent dans le module de filtration.

A noter que les installations techniques sont placées au sol afin de supprimer le risque de chute de hauteur lors des opérations de maintenance correctives et préventives.

2. Hotte de confinement dans le local de contrôle qualité

n21 reportage photo9Ce local est destiné à contrôler les matières premières. Le contrôle consiste à déterminer la fluidité de la matière plastique. Les deux machines (au fond) sont placées dans le plan de travail délimité par un rideau à lanières. Les polluants remontent par effet ascendant  dans la hotte aspirante située au-dessus des machines. Cette hotte de confinement garantit une vitesse d’aspiration minimum de 0.5 m/s.

« Ce système de captation a été adapté au poste de travail, commente Anne-Laure Segond. Il n'y a pas de présence humaine dans le plan de travail ». L’opérateur introduit la matière plastique en granulés puis il la récupère après refroidissement pour la peser. À aucun moment, l’opérateur ne risque de se trouver entre les points d’émission et d’aspiration des fumées.

Le LIRC confirme l’efficacité des dispositifs de captage

n21 reportage photo10Au moment de la réception des installations à la mi-mai 2016, le LIRC a effectué des prélèvements d’atmosphère en présence du fournisseur.

À l’atelier de cartes plastiques, les résultats sont à la hauteur des attentes. Toutes les mesures (air ambiant, opérateur presse, purge) sont inférieures à 10% de la VLEP. Les résultats sont uniformes et varient de 0,003 à 0,015 mg/m3, soit entre 0,5 et 2,7% de la VLEP sur 8h.

Lors de la phase de purge, identifiée comme étant particulièrement exposante pour l’opérateur, les résultats affichent 0,015 mg/m3 (contre 0,183 mg/m3 en 2013). Soit une réduction notable d’un facteur 10.

Dans la salle de contrôle qualité, l’aspiration a été contrôlée par un test fumigène et des mesures de la vitesse de l’air à l’aide d’un anémomètre à fil chaud. Les résultats sont satisfaisants selon les critères du LIRC : pas de volume mort, la vitesse moyenne est supérieure à 0,5 m/s. La valeur du prélèvement d’atmosphère en formaldéhyde confirme les contrôles aérauliques satisfaisants : 0,016 mg/m3.

La formation des opérateurs

n21 reportage photo11« Le fournisseur nous a remis le DOE (Dossier des Ouvrages Exécutés). Nous allons l’étudier de près et dans les prochains mois proposer aux opérateurs une formation spécifique sur l’utilisation de cette installation », précise Anne-Laure Segond. Pour être efficaces, les mesures de prévention collectives doivent être correctement mises en œuvre par l’opérateur, en particulier lors des purges. Ce dernier ne doit pas se trouver entre l’émission et l’aspiration des fumées. Il faut éviter tout contact du produit avec la peau et les yeux.

3. Hotte aspirante dans la salle de lavage

En 2013, une hotte aspirante avait été installée sur le poste de nettoyage des bacs. La hotte est installée frontalement devant le poste de travail, raccordée à une gaine qui rejette les poussières et polluants à l’extérieur du bâtiment après filtration. Encore un exemple de ventilation adaptée au poste de travail, de dimension plus petite.

« Travaillons au plus près de l’émission des polluants. Les systèmes de captage localisés s’avèrent plus efficaces qu’une ventilation générale et moins onéreux à terme, avec une maintenance plus légère. » Thierry Moussy, contrôleur de sécurité, Carsat Sud-Est.

€ Investissement : Plastifrance, Gémenos (13881)

Secteur plasturgie, 70 salariés, surface bâtiment 12 500 m² dont 10 000 m2  d’atelier sur 25 000 m² de terrain, chiffre d'affaires 2015 : 12 millions d’euro.

Système de captation des COV dans l’atelier cartes plastiques (1 800 m2) : 80 000 €

Hotte de confinement dans le laboratoire de contrôle : 9 000 €

Maintenance (système électrique et filtres) : environ 3 500 € /an

Aide de la Carsat Sud-Est : 25% de l’investissement global (contrat de prévention des risques professionnels)

Durée du chantier : 6 mois

En savoir plus :

Le dossier d’installation de ventilation, guide INRS ED 6008, 2007.

Atelier de plasturgie, guide INRS ED 6146, 2013.