L’été dernier, l’Atelier conservation-restauration du Musée départemental Arles antique s’est doté d’une cabine de ventilation à flux horizontal. L’objectif ? Protéger les travailleurs des poussières dangereuses émises lors des interventions de conservation-restauration. Un projet poussé depuis 2011 par Aurélie MARTIN, conservatrice-restauratrice de l’Atelier.

Un métier qui sort de l’ombre et de la poussière

MDAA photo 1Sur la photo ci-contre, le détail d’une mosaïque qui présente des phases de nettoyage par micro-sablage avant partie inférieure et après partie supérieure. (© MDAA)

Le métier de Mme Martin, peu connu du grand public, comporte deux activités principales : la conservation, consistant à stopper les dégradations des œuvres, et la restauration, intervenant sur leur mise en valeur. Dans les deux cas, des activités de nettoyage, chimiques puis mécaniques, sont nécessaires. « On essaie de donner de la lisibilité aux objets conservés tout en les laissant au maximum dans leur jus archéologique et historique. Le micro-sablage, donne par exemple l’impression d’enlever un voile ! », explique la conservatrice-restauratrice. Actuellement, l’équipe de l’atelier restaure une mosaïque provenant du site de la Verrerie à Arles (photos ci-dessous).

Les poussières, émises en fraction inhalable et/ou alvéolaire lors du nettoyage, sont aussi spécifiques au métier (silice, chaux, terre cuite, corindon, brome et chrome présents en grandes quantités dans les ciments anciens, etc.). Elles représentent des risques majeurs et un enjeu pour la santé encore trop peu pris en considération par les professionnels et institutions.

Persévérer malgré les nombreux obstacles

MDAA photo 2Quand Mme MARTIN est entrée en 2003 au sein de l’atelier du Musée départemental Arles antique (MDAA), la passion l’emportait largement sur la notion de sécurité. « Après les formations dispensées à l’équipe au fil du temps (gestes et postures, manutention, CACES...), j’ai suivi une formation d’assistant prévention. Mais elle ne répondait pas suffisamment aux besoins spécifiques du métier », indique-t-elle.

Des travaux et des découvertes autour du Musée sont finalement venus bousculer la manière de travailler et les consciences en matière de risques. Des formations animées de manière plus dynamique ont par exemple été mises en place au niveau du département. Pour Mme MARTIN, l’intervention de la Carsat Sud-Est suite à la déclaration des travaux « a été l’étincelle ! ». Le programme européen JOCONDA permettant notamment d'identifier les risques encourus par les professionnels du secteur de la conservation-restauration et de proposer des solutions de prévention, (description détaillée ci-dessous) a aussi renforcé la collaboration entre ces deux structures.

Ainsi, les visites sur site de Virginie SERRIERE et Claudie MEYER, contrôleuses de sécurité Carsat Sud-Est, ont permis de relever deux points noirs : les postes « mélanges résines et solvants » et « poussières ». La recherche d’un dispositif pour limiter ce deuxième risque chimique, initiée en 2011, ne s’est pourtant concrétisée qu’en 2022. En cause ? La difficulté à convaincre les décideurs et à trouver un prestataire capable de s’adapter aux besoins spécifiques du marché, les solutions existantes ne convenant pas. Le choix s’est finalement porté sur Provence Aéraulique Environnement, entreprise identifiée par la Carsat Sud-Est grâce au réseau de professionnels qu’elle accompagne. À force de persévérance, l'innovation porte aujourd'hui ses fruits.

Le sur-mesure comme unique solution

MDAA photo 3Auparavant, les opérations de nettoyage comme le micro-sablage s’effectuaient dans une cour ou une tente en extérieur (photo ci-contre). Les EPI (équipement de protection individuelle) étaient lourds et encombrants. Le risque s’étendait aussi à d’autres collaborateurs, les poussières circulant autour de la tente et remontant dans les étages. Il devenait urgent de trouver une solution pour prévenir ces risques chimiques et de troubles musculosquelettiques (TMS). Certains salariés, dont Michel MARQUE, présents dès le départ, ont pu mesurer la différence depuis l’installation de la nouvelle cabine : « L’aspiration très rapide des poussières nous permet aujourd'hui de ne plus porter les anciens EPI qui faisaient mal à la nuque. Ça transforme totalement notre façon de travailler ! ».

Les objectifs de la nouvelle structure ont été transmis au fournisseur dans un cahier des charges défini avec la Carsat Sud-Est :

  • extraire rapidement les poussières de l’intérieur et les filtrer avant de rejeter l’air ainsi épuré vers l’extérieur ;
  • garantir les critères d’efficacité de la ventilation (vitesses d’air d’extraction, compensation en air neuf, débits des moteurs) ;
  • intégrer deux postes de travail simultanément ;
  • accueillir différents volumes d’œuvres en évitant les postures contraignantes ;
  • s’intégrer parfaitement à l’architecture à ciel ouvert.

Les besoins sur les dimensionnements aérauliques ont ensuite été affinés par l’ingénieur de l’entreprise. À l’été 2022, la nouvelle cabine ventilée, réalisée sur-mesure, a donc été installée en tant qu’extension de l’atelier. Des mesures à la réception puis réalisées récemment par la Carsat Sud-Est en ont démontré l’efficacité. La maintenance, l’entretien et les vérifications annuelles seront à l’avenir les garants de cette sécurité. Les filtres qui captent les poussières, répartis sur trois niveaux de rideaux, doivent par exemple être changés dès qu’ils sont saturés (mesure par nanomètre). Financée par le Conseil départemental 13 à hauteur de 110 000 € environ, cette innovation suscite déjà l’engouement de nombreux professionnels du secteur.

Une innovation aux nombreux avantages

MDAA photo 4Cette innovation technique dans la prévention des risques concerne de multiples acteurs, au-delà du secteur concerné :

  • Salariés : amélioration de la santé et des conditions de travail sur les risques TMS et chimiques ; gain en précision grâce à une meilleure visibilité (poussières abrasives qui impactaient la visière) ; gain en temps et en énergie (possibilité d’accueil de plusieurs postes).
  • Professionnels du secteur : utilisation de l’enceinte par des prestataires privés ; travaux réalisés pour d’autres musées ; nouvelle solution disponible sur le marché pour les restaurateurs.
  • MDAA et le Département : augmentation de la productivité (gain de précision, d’énergie et de temps) ; possibilité de répondre à davantage d’appels d’offres.
  • Autres secteurs : outil pouvant être exporté dans d’autres secteurs d’activité. La Carsat Sud-Est a identifié un prestataire supplémentaire en capacité de répondre à un cahier des charges technique, spécifique et en adéquation avec les besoins de l’entreprise.

Ce projet est venu donner du sens et faire lien avec le programme JOCONDA en matière de déploiement de pratiques de prévention auprès du secteur de la restauration-conservation. Aujourd'hui abouti, il pourrait être le précurseur de grandes améliorations des conditions de travail dans toute la filière. Le Département envisage d’ailleurs de louer cette cabine à des entreprises extérieures lorsqu’elle ne sera pas utilisée. De quoi enterrer quelques vestiges de pratiques professionnelles du secteur.

Pour en savoir plus :

Documentation Carsat Sud-Est

Brochures - guides

Guide Troubles Musculo-Squelettiques

Info Flash Prévention : Silice Cristalline

Reportage

En PACA, des menuiseries qui respirent la santé !

Documentation de l’INRS

Dossiers

Poussières

Risques chimiques

Troubles musculosquelettiques (TMS)

Brochures

Le dossier d'installation de ventilation

Principes généraux de ventilation

Réceptionner et contrôler une installation de ventilation

Evaluer l'efficacité des systèmes de ventilation et participer à leur conception

Vidéo

Ventilation

Documentation Ameli

Reconnaissance de la maladie professionnelle : les principes clés

Les troubles musculosquelettiques

Documentation partenaires

Le projet Joconda : Laboratoire de Conservation, Restauration et Recherches de Draguignan

Santé et sécurité au travail dans le secteur de la conservation du patrimoine à travers l’expérience du programme Joconda – La lettre de l’OCIM

Fédération française des conservateurs-restaurateurs