Faire monter en compétence les Coordonnateurs SPS sur le risque d'ensevelissement et les missions géotechniques, tel était l'objectif de la Carsat Sud-Est qui est intervenue le 16 mars dans le cadre du club CSPS PACA-Corse sous l'égide de l'OPPBTP PACA-Corse.
Une recrudescence d'accidents du travail
Un talus vertical qui s'effondre lors du terrassement, une paroi rocheuse qui s'éboule lors des travaux, des fouilles mal talutées, ou non protégées... Pire, un sol marneux qui menace l'ouvrage fini de s'effondrer. Ces situations très concrètes ont fait réagir les CSPS venus en nombre ce vendredi 16 mars au CFA BTP d'Aix-les-Milles pour partager les bonnes pratiques.
Stéphanie Buco, ingénieure de prévention adjointe au directeur, OPPBTP PACA-Corse : « Beaucoup de situations dangereuses ont été recensées en région Paca, plusieurs accidents du travail, dont 1 ensevelissement mortel. Une étude géotechnique en phase conception et un suivi en phase réalisation permettent d’appréhender ce risque d’ensevelissement. »
« Les problèmes se situent surtout au niveau des constructions à proximité des talus, de l'absence de blindage dans les fouilles, voire du manque de coordination entre les préconisations des CSPS et des géotechniciens avec les choix techniques du MOE et du MOA. »
En cause : la sous-estimation du risque
Si l’enveloppe financière de l'ouvrage prévoit la construction du bâti, elle anticipe trop rarement les aléas du terrain. Sol argileux, sensible à la sécheresse, risque d'éboulement sur route en pied de falaise, cavités dans les sols ou dans les roches, zone à risque de gypse (une roche saline qui se dissout dans l'eau)... Certains secteurs sont connus en région PACA pour des risques de glissements de terrain, liés aux matériaux, à la topographie, etc.
Didier Dozas, ingénieur conseil régional adjoint, Carsat Sud-Est : « Le rôle du CSPS est déterminant pour anticiper, avec le maître d'ouvrage et les entreprises, le risque d'ensevelissement sur chantier. Nous leur avons apporté des réponses, en montrant l'importance de l'enchaînement des missions géotechniques, depuis la phase amont de préparation de chantier jusqu'à la phase aval de réalisation. »
Une obligation et des recommandations
Alain Montalti, ingénieur conseil, Carsat Sud-Est : « Conformément au code du travail, le maître d’ouvrage d’une opération de bâtiment ou de génie civil désigne dès le début de la phase d’élaboration de l’avant-projet sommaire, ou son équivalent, un coordonnateur SPS et lui donne par contrat l’autorité et les moyens pour réaliser sa mission. Cette désignation passe par un marché qui doit faire l’objet d’un règlement de consultation établi sous la responsabilité exclusive du maître d’ouvrage. »
- Les principes généraux de prévention de la réglementation précisent bien que l'employeur a obligation d'évaluer les risques : cette obligation concerne le maître d’ouvrage qui doit définir une mission géotechnique adaptée, et missionner un CSPS le plus en amont possible afin de prévenir les risques. (art. L.4121-2 du Code du travail)
- Norme NF P94-500 - novembre 2013 : le géotechnicien s'appuie sur cette norme pour mener à bien ses missions. « Avant de couvrir les risques, l'assureur décennal du projet demande l'application de cette norme », précise Didier Dozas. Et de plus en plus, l'attestation d'étude géotechnique est demandée par la commune pour délivrer un permis de construire.
Maîtrise du budget et des délais : faire intervenir géotechniciens et CSPS le plus en amont du projet
Les conséquences d'une mauvaise anticipation sont humaines, économiques, juridiques et techniques. Tous les acteurs sont impactés : salariés, employeurs, MOA, MOE, CSPS et entreprises.
Fréderic Tenenhaus, contrôleur de sécurité, Carsat Sud-Est : « La mise en place de moyens techniques permettant la stabilisation de talus peut s’avérer extrêmement onéreuse. Nous avons l’exemple dans la région au travers de la demande de la Carsat de faire intervenir un cabinet géotechnique suite à un constat de présence de talus de grande hauteur. Le rapport du géotechnicien conclura par la mise en place d’un géotextile adaptée, couplée à du tressage de câbles. Coût : 20 000 €. Sur un autre chantier, l'effondrement d'une paroi (verticale) a stoppé 4 mois le chantier. La stabilisation nécessitera la mise en place de parois clouées à l’aide de béton projeté (gunitage). Coût : exorbitant. La continuité de toutes les missions géotechniques de la norme sont essentielles sur l’aspect sécuritaire, mais impactent également les aspects financiers d’un projet. »
Autre exemple de situation catastrophique avec ce soutènement qui craque, entraînant la destruction de l'activité voisine, la démolition et reconstruction de l'ouvrage... et une expertise judiciaire !
Une mission géotechnique et une mission CSPS sont complémentaires, dans un triple objectif :
-
diminuer la sinistralité et respecter les délais,
-
optimiser l’organisation de l’opération (ordonnancement, planification, mise en commun de moyens) et les interventions ultérieures sur l’ouvrage,
-
prévenir le risque pénal inhérent aux obligations réglementaires du maître d’ouvrage.
De la norme à la pratique : respecter l'enchaînement des missions géotechniques
Mayalen Ayçoberry, ingénieure géotechnicienne chez SOL-ESSAIS (Aix-en-Provence), a présenté les 3 grandes étapes de ses missions.
« Le maître d'ouvrage est garant de l'enchaînement de toutes les missions recommandées dans la norme NF P94-500. » Les géotechniciens n’ont qu’un rôle de conseil auprès des intervenants ayant autorité dans le cadre d’un projet (MOA, MOE).
Étape 1 : études géotechniques préalables (G1*), en phase d'esquisse ou d'avant-projet sommaire :
- premières investigations géotechniques,
- identification des risques majeurs,
- élaboration d'un modèle géologique préliminaire,
- Principes Généraux de Construction.
« C'est une aide à la décision sur l'emprise du projet et l'adaptation au sol. »
Étape 2 : études géotechniques de conception (G2*) :
- réalisation d'investigations,
- phase Avant-Projet : hypothèses géotechniques, ébauche dimensionnelle,
- phase Projet (G2 PRO) pour modèle géotechnique et dimensionnement,
- phase DCE/ACT : plans, CCTP, bordereau de prix, planning puis analyse technique des offres.
La mission G2 est indivisible, une phase ne peut en aucun cas être assimilée à la mission complète.
« La G2 définit entre autre un mode de fondation, de terrassement (avec ou sans soutènement provisoire), de drainage, elle dimensionne des ouvrages géotechniques (fondations, soutènement, talus) et définit les sujétions d’exécution particulières relatives à l’ensemble de ces ouvrages (méthodologies d’exécution), et enfin décrit si nécessaire une méthode observationnelle. »
Étape 3 : études géotechniques de réalisation (G3, G4)
- G3** : étude et suivi d'exécution du chantier : établit les notes de calcul, méthodologies d'exécution, plans destinés aux entreprises avant le début des travaux et assure le suivi en continu pour vérifier l'adéquation des travaux avec les plans. « Les entreprises peuvent proposer des variantes qui doivent être justifiées par l’étude G3. »
- G4* : supervision de l'étude et du suivi d'exécution, pour avis sur l'étude d'exécution et suivi ponctuel sur chantier. « Le géotechnicien vérifies la conformité des hypothèses avec la réalité sur chantier et le respect des préconisations. »
Le diagnostic géotechnique (G5) intervient dans 2 cas :
- sur un projet, pour étudier des points spécifiques non abordés par l’étude G2 ;
- sur un ouvrage existant, en cas de sinistre ou de désordre.
* Les missions G1, G2 et G4 sont à la charge du MOA et peuvent être confiées au même bureau d'étude géotechnique.
** La mission G3 est à la charge de l’entreprise et confiée à un prestataire différent de celui de la G4.
En savoir plus :
Brochure Prévention des risques d’ensevelissement et d’éboulement, SP 1181. Carsat Rhône-Alpes, Février 2016.
Norme NF P94-500 : Missions d'ingénierie géotechnique - Classification et spécifications. Novembre 2013.
Norme NF P99-600 dite norme CSPS.
Coordination SPS, une obligation du maître d’ouvrage pour les opérations de BTP. Dossier INRS.