Une bonne collaboration entre le maître d'ouvrage et le gros œuvre permet d’anticiper les risques professionnels dès la phase de conception. Surtout si le gros œuvre a mis en place une démarche globale de santé et sécurité au travail.

Le programme de logements sociaux des Canissons à Cavalaire-sur-Mer a débuté en mars 2016 : 66 appartements, répartis dans 2 bâtiments en U, sur 3 étages, avec parkings en sous-sol et à l'extérieur. Linkcity Sud-Est a choisi l’entreprise générale Bouygues Bâtiment Sud-Est. La fin du gros œuvre est prévue en décembre, la livraison à mi-2017.

L’organisation du chantier

n23 bp photo1« Chez Linkcity Sud-Est, nous avons la chance de travailler exclusivement avec Bouygues Bâtiment Sud-Est, affirme Xavier Gondran, maîtrise d’ouvrage d’exécution chez Linkcity. Dès la conception, nous nous sommes appropriés les problématiques de risques professionnels sur le chantier en identifiant toutes les possibilités de mutualiser les moyens, que ce soit pour le levage, les translations horizontales ou verticales. »

Cette collaboration entre le MOA (maîtrise d'ouvrage) et l’entreprise générale s’est concrétisée par deux mesures essentielles aux yeux de David Bottreau, contrôleur de sécurité à la Carsat Sud-Est : « la mutualisation des échafaudages pour prévenir les risques de chute de hauteur, et la mise en service anticipée des ascenseurs pour réduire les manutentions manuelles et la pénibilité au travail. »

  • La mutualisation des échafaudages : « Cela se prévoit dès la rédaction du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché, précise Xavier Gondran. Une pratique qui est entrée dans les mœurs chez Linkcity. Elle permet d’éviter les montages / démontages inutiles. Des conventions de prêt de matériels seront signées. L'échafaudage de façade sera mis à disposition de toutes les personnes intervenantes. Toutes les entreprises de second œuvre vont travailler une seule fois avec un seul matériel. »
  • La mise en service anticipée des ascenseurs : ils seront montés dès la fin du gros œuvre, en décembre 2016, et mis en service pour l’ensemble des corps de métier. Les manutentions manuelles seront réduites et le gain de temps est évident. « Les matériaux ont été dimensionnés pour passer entre les portes de l’ascenseur. Un responsable logistique s’occupe d’approvisionner et de dispatcher toutes les livraisons des sous-traitants. Elles sont organisées par logement de façon à optimiser les translations horizontales et verticales. »

Un approvisionnement raisonné

n23 bp photo2Julien Galmiche est ingénieur travaux chez Bouygues Bâtiment Sud-Est : « La logistique est centralisée par l’entreprise générale. Nous avons ciblé les lots carrelage, plomberie et menuiserie intérieure, car ils nécessitent des volumes importants et des charges lourdes. » Les équipes de Bouygues réceptionnent les marchandises des sous-traitants, les reconditionnent par appartement et les redispatchent dans le bâtiment par différents moyens mécaniques : chariots électriques, transpalettes électriques ou la grue à tour. « Les matériaux qui ne passent pas par les ascenseurs sont anticipés en phase gros œuvre pour un approvisionnement via la grue à tour, ou éventuellement par des monte-matériaux extérieurs. » Sur certains chantiers plus importants, Bouygues externalise toute cette logistique d’approvisionnement.

L’approvisionnement des menuiseries extérieures sous plancher. Jesse Boudret, chef de chantier gros œuvre aux Canissons : « Avant le coffrage du plancher haut de l’étage, toutes les fenêtres sont déjà à l'intérieur des pièces. On coffre autour de la palette, ce qui évite, après-coup, de monter les menuiseries à la main ou de les tirer à l'extérieur avec la grue. »

Une démarche de prévention globale

« Ces pratiques s’inscrivent dans une démarche plus globale de sécurité et santé au travail qui est partagée au niveau du groupe Bouygues Construction », indique Xavier Schwartz, responsable Prévention Santé Sécurité chez Bouygues Bâtiment Sud-Est. Cette démarche s’articule notamment autour de pratiques et de matériels innovants :

  • les 10 règles d’or de l’ergonomie (affiche ci-dessous) ;
  • le développement de matériels allégés et ergonomiques, pour réduire les manutentions manuelles et lutter contre les troubles musculo-squelettiques (TMS) ;
  • le « 5 à 11 » : un point Sécurité de 5 minutes à 11h00 ;
  • l’autonomie des équipes : sur la base d’un support évolutif « le plan d’installation de chantier », un debriefing par le chef d’équipe ou le chef de file permet d’expliquer aux compagnons les tâches de la journée, le matériel dont ils ont besoin, afin qu’ils puissent organiser leur travail, se l’approprier et se responsabiliser dans leur poste.

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« Les 10 règles d’or de l’ergonomie » incluent le respect des restrictions médicales, l’échauffement musculaire, le juste nécessaire au poste de travail, la sécurisation des circulations aux postes de travail et des accès en tout point de stockage, une exposition aux vibrations limitée à 2 heure/jour/compagnon, la mécanisation obligatoire pour toute charge supérieure à 15 kg ou si les manutentions deviennent répétitives, la mise à disposition du matériel nécessaire sur chariot roulants et compartimentés pour faciliter le tri et éviter les déplacements.

L’échauffement musculaire

Avant leur prise de poste, les compagnons se réunissent à 7h30 sur la pelouse des Canissons pour dix minutes d’échauffement. Joël, aide-coffreur (au centre de l’image), est l’un des 2 coachs qui animent ces séances quotidiennes : « Nous avons le choix entre 12 séries de mouvements qui sont structurées en 4 phases : activation articulaire, musculaire et neuromusculaire, étirements activo-dynamiques. J’ai été formé par un coach sportif prestataire. Il se rend sur site une fois par mois  pour veiller à l’application des bonnes pratiques. »

n23 bp photo4Jesse Boudret, chef de chantier gros œuvre (2ème à g. sur la photo) : « Cette séance est comptabilisée sur les horaires de travail. Attention, ce n’est pas une activité sportive. Son objectif est de huiler les articulations et bien préparer le corps à une activité physique normale. Les embauchés comme les intérimaires en bénéficient. Au début, ça les fait un peu sourire, mais très vite, ils en voient l’intérêt. »

Expérimentée dès 2006 au sein de Bouygues Bâtiment Sud-Est, cette pratique a été plébiscitée par l’ensemble des compagnons. « Elle est devenue obligatoire sur tous nos chantiers à partir de 2009 », note Xavier Schwartz. Les résultats sont là : « une enquête menée au sein du Groupe en 2013 indique que certains compagnons ont retrouvé de la souplesse, certaines douleurs articulaires ont disparu, leur vigilance s’est améliorée le matin, le nombre de petites blessures a baissé... » Les sous-traitants sont également invités à rejoindre les compagnons. « Ils trouvent un sens à cette pratique. C’est aussi un moment de convivialité, qui crée de la cohésion dans les équipes. »

Des vues en 3D pour compléter la formation au poste de travail

Si la formation au poste reste une obligation réglementaire, l’entreprise va plus loin. « Tous nos chantiers de construction sont modélisés en 3D. Des vues en sont extraites pour que les compagnons puissent visualiser les modes opératoires et les procédures de sécurité à leur poste de travail. »

Ci-contre, une modélisation de la pose d’une équerre aluminium depuis une plate-forme individuelle roulante (PIR). C’est un bureau d’étude interne à Bouygues Bâtiment Sud-Est qui redessine une maquette 3D des plans d’architecture. Le service Méthodes l’utilise ensuite pour modéliser toutes les procédures de sécurité. « Pour l’instant, ce sont des images fixes. Demain, ce sera de l’animation. Nous éditerons une séquence vidéo pour chaque mode opératoire », annonce Xavier Schwartz.

Par ailleurs, chaque compagnon reçoit une formation initiale. Intitulée « Le permis de construire », elle est reconduite quelques années après sous le titre « Renouvellement du permis de construire ». Depuis peu, cette formation intègre « une chasse aux risques virtuelle, avec mise en situation sur un chantier, identification et choix de la meilleure solution de prévention des risques. »

Focus sur 5 matériels allégés et ergonomiques

n23 bp photo6Boîtiers de décompression (photo ci-contre) : un coup de clé suffit pour desserrer l’écrou de la tige de coffrage après coulage. Ce système permet d’éviter les postures contraignantes et de gagner du temps.

Attaches AVRI (Attache Volante Récupérable de l'Intérieur) pour la mise en place des consoles. Elles s’installent de l’intérieur par un seul compagnon, afin de garantir sécurité et rapidité. Traditionnellement elles s’installaient par deux personnes depuis l’extérieur et se boulonnaient à l’intérieur.

Racks à hauteur d’homme. Élément permettant de stocker les fagots de barre métallique de façon ordonnée.

Équerres aluminium pour pose de balcon. Il suffit de les boulonner sur les murs et d’installer deux étais. Facilite la manutention et permet de gagner du temps.

Mannequins de fenêtre en aluminium aimanté. Un mannequin en bois pesait entre 50 et 60 kg. Les mannequins en aluminium sont 5 fois plus légers (entre 11 et 16 kg) !

Programme d’aménagement des Canissons, Cavalaire-sur-Mer (83240)

Lot de 66 logements sociaux : R+3, sous-sol et garages extérieurs

Caractéristiques chantier : 3 800 m3 de béton coulé - 200 tonnes d’acier

Durée du chantier : mars 2016 à juin 2017.

Maître d'ouvrage : Linkcity Sud-Est. Entreprise générale : Bouygues Bâtiment Sud-Est.

En savoir plus :

Formation MOA « Rôle et responsabilité des maîtres d’ouvrages, assistants et délégataires du BTP, et intégration des bonnes pratiques autour du socle commun de prévention. » 1 jour, Carsat Sud-Est.

Prévention des risques de chutes de hauteur, guide ED6110, INRS 2012.

Recommandation R 408 : prévention des risques liés au montage, à l'utilisation et démontage des échafaudages de pied. Cnamts 2005.

Recommandation R 477 : mécanisation du transport vertical des personnes et des charges sur les chantiers (construction, réhabilitation, entretien d’ouvrages). Cnamts 2015.

Recommandation R 441 : risques liés à la manutention des armatures métalliques pour le béton armé. Cnamts 2010.

Les TMS dans le BTP. Dossier OPPBTP.