Vos salariés sont-ils exposés à des risques chimiques ? Le LIRC peut vous proposer des mesures de prévention concrètes basées sur des prélèvements et des analyses validés. Un travail d’expert qui nécessite des techniques de pointe. Le LIRC ouvre ses portes.

Créé en 1959, le « laboratoire de contrôle des nuisances industrielles » de Marseille a été rebaptisé Laboratoire Interrégional de Chimie (LIRC) dans les années quatre vingt. À l’exception de l’amiante, le LIRC prélève et analyse tous types de polluants sous forme de gaz, vapeurs, fumées, aérosols, poussières...

En PACA-Corse, sa mission première est de répondre aux contrôleurs de sécurité sur des problématiques de chimie. Il intervient dans tous les secteurs d'activité, comme la métallurgie, la pétrochimie, les matériaux composites, le nautisme, les pressings….

Véronique Tricoche (assistante du laboratoire) gère l’ensemble des demandes d’intervention. Organisé en Interrégion pour mutualiser son parc d’appareils analytiques, le LIRC effectue des analyses chimiques pour le Centre Interrégional de Mesures Physiques de la Carsat Languedoc-Roussillon (CIMP). Doté de matériels d’analyse performants (chromatographes, spectromètre ICP…), son équipe d’analystes maîtrise les techniques de chimie analytique.

Prévention des agents cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques : une priorité.

« 80% de notre activité porte sur les agents CMR », indique Jean-Luc Soler, responsable du laboratoire. À ce titre, Bénédicte Tonnellier, ingénieur conseil, anime trois programmes prioritaires nationaux :

  • Fumées de soudage : elles contiennent un mélange de particules métalliques et de gaz (nickel, cadmium, plomb, chrome VI, monoxyde de carbone…). L'équipe du LIRC propose des mesures de prévention adaptées aux situations de travail des entreprises (torches aspirantes, bras aspirants, casques ventilés, etc.).
  • Pressings : le perchloroéthylène utilisé comme solvant de nettoyage est classé cancérogène possible. Son interdiction progressive dans les pressings qui ont des locaux contigus à des locaux occupés par des tiers au plus tard le 1er janvier 2022 implique de passer à des techniques alternatives dont l’aquanettoyage. « 40% de l’activité pressing en PACA est déjà passée à un procédé à l’eau ! » affirme Jean-Luc Soler.
  • Styrène : l’activité composite utilise des résines polyester, dont l’un des composants est le styrène, classé cancérogène possible en France et cancérogène avéré aux Etats-Unis depuis 2011. « Le risque chimique lié au styrène est pris en charge à 99% par le LIRC. Aujourd'hui en PACA, nous sommes très en avance sur l’utilisation de résines à basse teneur en styrène. » Dans le secteur de la réparation navale, Roland Nieri, contrôleur de sécurité au LIRC propose des mesures de prévention adéquates.
  • Le LIRC répond également à des problématiques plus spécifiques sur demande des ingénieurs et des contrôleurs de sécurité de la Direction des Risques Professionnels de la CARSAT sud-est, des médecins du travail ou des chefs d'entreprise dans le cadre d’une démarche volontaire. Dans ce dernier cas, l’employeur doit faire une demande auprès du contrôleur de sécurité de son secteur géographique (lien en fin d’article).

Les substances chimiques présentes dans l’air respiré par les salariés sous forme de gaz ou de particules peuvent être à l’origine de réactions allergiques, d’intoxications, de pathologies professionnelles, d’incendies ou d’explosions. Le Code du travail fixe les règles relatives à l'aération et l'assainissement des locaux de travail aux articles R. 4222-1 à R. 4222-17. Toute pollution doit être évacuée à l’extérieur.

« Nous sommes des femmes et des hommes de terrain au service de la prévention dans les entreprises. » Jean-Luc Soler, responsable du LIRC.

n22 reportage photo1Le Laboratoire comprend 5 intervenants en entreprise, ingénieurs conseils ou contrôleurs de sécurité. « Les préventeurs de la DRP font appel à nous essentiellement pour des problématiques de risque chimique ou de ventilation », indique Laurent Fina, contrôleur de sécurité au LIRC. Plutôt que de ventiler tout l’atelier, une solution coûteuse et peu efficace, l’employeur a tout intérêt à capter les polluants à la source. « Pour cela, il faut déterminer les zones polluantes des machines. Grâce aux prélèvements atmosphériques, on va apporter une solution technique adaptée aux zones et aux tâches polluantes. »

Sur la photo, Laurent Fina mesure la vitesse d’air dans le plan d’ouverture d’une sorbonne de laboratoire à l’aide d’un anénomètre à fil chaud. Une intervention-type du LIRC se déroule en 5 étapes :

  1. Pré-visite d’observation sur les produits utilisés et l’exposition des salariés à leur poste de travail. « À l’issue de cette visite effectuée en binôme avec le préventeur de secteur, une stratégie de prélèvement est élaborée en collaboration avec les analystes du laboratoire. »
  2. Prélèvements sur site : rendez-vous est pris le jour d’une production normale ou dans une phase exceptionnelle afin d’effectuer des mesures précises des risques (exposition individuelle ou air ambiant). L’objectif est de détecter et quantifier les nuisances chimiques auxquelles le personnel est potentiellement exposé grâce à des supports de prélèvement adaptés.
  3. Analyses au LIRC : les supports de prélèvements sont transmis au laboratoire pour analyse.
  4. Rapport d’intervention et solutions : Sur la base des résultats, l’intervenant du LIRC rédige  un rapport d’intervention adressé à l’entreprise où il propose des solutions adaptées.
  5. Contrôle de l’efficacité des mesures. Après mise en œuvre des mesures de prévention, des contrôles peuvent être effectués par le LIRC, afin d'assurer que l’exposition des salariés aux risques chimiques a été nettement diminuée, voire supprimée.

« La vraie plus-value de notre travail, c’est de proposer des solutions efficaces, techniquement et économiquement viables à l’employeur. » Laurent Fina, contrôleur de sécurité au LIRC.

Le rôle de l’intervenant en entreprise est de trouver des leviers de prévention pour progresser dans la gestion du risque chimique. Pour cela, il peut s’aider de la documentation INRS, de la métrologie, du Code du Travail, de sa propre connaissance du risque chimique et de toutes les compétences du laboratoire. « C’est un travail collaboratif. Les échanges de bons procédés avec les collègues sont indispensables, car tout évolue : les process en entreprises, les fournisseurs de matériel de captage et la réglementation. »

Les solutions proposées sont de trois ordres et souvent combinées :

  • suppression ou substitution des produits chimiques dangereux par des produits moins dangereux,
  • modification d’un process,
  • mise en place d’une ventilation adaptée.

Dans le BTP aussi…

Depuis 2013, Isabelle LACASSAGNE, contrôleur de sécurité, mène une étude sur les produits de décoffrage utilisés sur les chantiers du BTP.

Plus de 100 échantillons de produits prélevés sur les chantiers par les contrôleurs de secteur ont été analysés à la recherche d’agents cancérogènes (Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques). Grâce à ces analyses et aux actions de communication vers les entreprises du BTP, les produits dangereux identifiés ont pu être substitués et les salariés soustraits à l’exposition à un agent CMR.

Du prélèvement à l'analyse

n22 reportage photo2Situé au siège de la CARSAT Sud-Est (13005), le bâtiment scientifique renferme des trésors de technologie. C’est Patricia Mardelle qui anime la partie analytique du laboratoire et qui a la responsabilité des résultats rendus. L’équipe comprend 4 personnes qui gèrent ensemble de la préparation des supports des prélèvements à l’analyse en passant par l’entretien du parc des appareils analytiques.

Sur la photo, Patricia est équipée d’une pompe qui prélève l’air respiré par le salarié. Chaque intervention nécessite le choix de supports adaptés à la pollution présente sur le lieu de travail et aux méthodes analytiques référencées.

On utilise par exemple un « cyclone » pour sélectionner la fraction alvéolaire des poussières, du « charbon actif » pour piéger les Composés Organiques Volatils (COV), un filtre « microfibres de quartz » pour déterminer la quantité de poussières inhalables et de métaux présents dans une atmosphère de travail. On peut également utiliser des lingettes pour déterminer la quantité de métaux présents sur une surface donnée. « C’est ainsi que dans un centre de tir, le préventeur a fait un prélèvement sur les chaussures des salariés pour démontrer qu’ils ramenaient tous les soirs des poussières de plomb dans leur foyer ! »

Des techniques de pointe

Les supports sont ensuite analysés en laboratoire.

« Les techniques de chimie analytique nous permettent de qualifier et/ou quantifier les polluants présents sur les supports prélevés. A partir des résultats obtenus, nous pouvons calculer les quantités de polluants atmosphériques respirées par le salarié. » Patricia Mardelle, responsable des analyses au LIRC.

Chaque technicien est polyvalent et référent dans une technique spécifique, les techniques mises en œuvre sont choisies en fonction du polluant ciblé.

n22 reportage photo3Gabi Moudombi, analyste référent Spectrométrie d’émission atomique ICP

« Cette technique permet d’analyser la teneur en métaux. L’analyse se déroule en deux phases : une première dite «  qualitative » pour connaître l’identité des métaux présents sur le support et une deuxième dite « de dosage » pour déterminer leur quantité.

On peut au préalable faire une mesure d’empoussièrement par pesée sur une balance de précision. C’est alors la technique de gravimétrie qui est mise en œuvre. »

n22 reportage photo4Yannick Audureau, analyste référent Chromatographie liquide et chromatographie ionique

Cette technique permet la quantification de certains polluants organiques comme par exemple le formaldéhyde une substance CMR dégagée en plasturgie ou dans les matériaux de construction et d'ameublement.

« Le formaldéhyde est très volatil et peut facilement polluer les atmosphères quand il est présent dans un lieu »

La même technique couplée à un détecteur à fluorescence permet le dosage des hydrocarbures aromatiques polycycliques notamment le benzo(a)pyrène qui est un cancerogène avéré.

La chromatographie ionique est très utilisée pour l’analyse du chrome VI notamment dans les fumées de soudage des aciers inoxydables.

n22 reportage photo5Jean Talmon, analyste référent Chromatographie en phase gazeuse / Spectrométrie de masse

« La plupart des composés organiques volatils que nous recherchons sont analysables par la technique de chromatographie gazeuse couplée à différents détecteurs ou injecteurs par exemple les composés aromatiques comme le benzène ou le toluène que l’on peut retrouver en pétrochimie ou en plasturgie, les composés chlorés comme le perchloroéthylène utilisé par les pressings. Grâce au passeur automatique, les appareils peuvent fonctionner la nuit. »

Nous utilisons aussi un spectromètre de masse qui permet d’identifier de multiples COV à partir d’une bibliothèque qui contient plusieurs milliers de corps référencés. Lorsque la technique est couplée à un désorbeur thermique, des prélèvements effectués sur tubes multiphases permettent d’obtenir un screening intégral de la pollution, très utile quand on ne connaît pas les polluants à analyser : par exemple lors de l’ouverture des conteneurs maritimes, les travailleurs peuvent être exposés à des substances dangereuses sous forme de vapeurs ou de gaz dont on ne connaît pas toujours la composition.

Du matériel récent

Le matériel d’analyse est moderne et renouvelé en moyenne tous les dix ans. Des maintenances et étalonnages sont réalisés régulièrement. De plus, le LIRC participe à des essais comparatifs interlaboratoires permettant de vérifier l’exactitude des résultats dans chaque technique analytique. « Tous les résultats de ces essais circulaires sont satisfaisants voire très satisfaisants », se félicite Jean-Luc Soler.

Les appareils de mesure utilisés en entreprise apportent les mêmes garanties. « Ils sont certifiés chaque année et étalonnés à minima une fois par an. Nos anémomètres mesurent la vitesse d’air à +/- 0,02 m/s. ». Le laboratoire assure une veille technologique et investit régulièrement pour maintenir son parc d’appareils. « Ainsi, sur trois ans, le parc de pompes de prélèvements a été renouvelé afin de répondre à l’intégralité des méthodes de prélèvements. »

Des protocoles validés

Les méthodes utilisées sont élaborées par l’INRS, en collaboration avec les référents (chimistes analystes ou préleveurs) du réseau des CARSAT. Elles sont répertoriées dans une base de données nommée METROPOL (pour métrologie des polluants) en accès libre sur le site de l’INRS.

« La traçabilité de tous nos résultats est assurée par l’alimentation d’une base de données nationale confidentielle « COLCHIC ». Cette base regroupe les données de prélèvements et d’analyses de toutes les interventions des CARSAT et de L’INRS depuis 1986. »

Du travail en réseau

Nous travaillons en réseau avec nos collègues des laboratoires des autres CARSAT (8 pour couvrir le territoire) et avec l’INRS. Certaines techniques sont mutualisées comme la chromatographie ionique pour le dosage du chrome VI ou encore la technique de diffraction des rayons X pour l'analyse de la silice. Les échanges ont une grande valeur ajoutée : « cela facilite le transfert analytique des méthodes en région » Au moindre questionnement, Patricia n’hésite pas à interroger ses homologues des CARSAT ou de l’INRS. « Le but est d’harmoniser nos pratiques professionnelles et de partager notre expérience ».

Formation et sensibilisation dans le domaine du risque chimique

Jean-Luc Soler évoque ce fabricant d’arômes qui utilisait des produits CMR. « Avec le soutien de l’ingénieur HSE, nous avons testé des dizaines de formulations en supprimant systématiquement les CMR. Il s’est avéré que ces CMR ne servaient strictement à rien ! C’est un cas typique de chimie empirique. »

La transmission du savoir est déterminante en matière de prévention. Le LIRC dispense des modules de formation dans trois cursus : la licence professionnelle composite, le diplôme universitaire de santé au travail des infirmières à la Timone et le Master 1 Environnement & Hygiène industrielle, en collaboration avec le MASE Méditerranée GIPHISE. Le LIRC maintient une collaboration étroite avec le MASE, point d’entrée obligé pour tous les sous-traitants du bassin pétrochimique de Martigues-Fos-Berre l’Etang.

« Nous intervenons en particulier au Comité Technique du Groupement Hygiène Industrielle », précise Jean-Luc Soler.  Par ailleurs, le LIRC cherche à se rapprocher de spécialistes comme par exemple l’Institut de Soudure à Port-de-Bouc, un organisme accrédité pour former les ingénieurs soudeurs. Dans le cadre de plan d’action Styrène, des liens sont développés avec les OPCA, organismes de formation des branches professionnelles, la branche nautique ou encore Allizé-Plasturgie PACA-Corse.

« L’action Styrène sera terminée en 2017, mais comme toutes les autres actions prioritaires de la DRP, nous souhaitons qu’elle se poursuive dans les entreprises et que toutes les démarches de prévention que nous avons accompagnées portent leurs fruits. »

Le LIRC en chiffres

  • 5 intervenants en entreprise, 4 analystes, 1 assistante.
  • 500 interventions en entreprises par an.
  • 3 000 résultats rendus.

En savoir plus

Pour prendre rendez-vous avec le LIRC, contactez le préventeur de votre secteur géographique.

Risques chimiques. Dossier INRS, 2014.

VLEP : Valeurs Limites d'Exposition Professionnelle aux agents chimiques en France, aide-mémoire technique, INRS, 2012.

METROPOL : MétroPol est le recueil des méthodes d'évaluation de l'exposition professionnelle validées par l'INRS, pour le prélèvement et l'analyse d’agents chimiques et biologiques déposés sur les surfaces ou présents dans l'air et dans certains matériaux.

ECHA : Agence Européenne des produits CHimiques, elle permet de vérifier l’étiquetage d’un produit et de son autorisation d’utilisation en Europe.

Seirich : Système d'Evaluation et d'Information sur les RIsques CHimiques en milieu professionnel.