Dans le domaine de la prévention des risques professionnels, il existe toute une panoplie d’aides financières réservées aux salons de coiffure de moins de 50 salariés. Stephan Infantino a bénéficié de 3 aides : TMS Pros Diagnostic, TMS Pros Actions et PRECISEO. Chez lui, l’ergonomie est haute en couleurs !

Situé à la Destrousse (13112), un village au Pays d'Aubagne et de l'Etoile, le salon Infantino va bientôt fêter son 10ème anniversaire. Coiffeur visagiste depuis 27 ans, Stephan et son équipe (4 coiffeuses et 1 coiffeur) proposent des techniques exclusives qu’ils développent au fil des formations : coupes, couleurs et lissages, massages.

L’organisation du travail

n26 bp photo1Les temps de travail sont aménagés. À l’image de Bouddha qui trône à l’entrée du salon, Stephan met un point d’honneur à dégager des temps de respiration à ses salariés. « 35 heures réparties sur 3 jours et demi par semaine, ce qui laisse 1 jour et demi de repos auquel s’ajoutent les deux jours de congés. » 3 jours et demi pour faire autre chose : s’aérer la tête, penser à soi, se reposer les membres.

« Mes salariés et moi-même sommes tous polyvalents. » En fonction des clients et du planning, ils passent successivement sur les postes de lavage, technique, coiffure et accueil.

L’apprentissage est permanent. « Nous suivons des formations adaptées aux évolutions du métier. » Dernièrement Myriam et Stephan ont validé un stage de maître coloriste. « 3 x 3 jours à Paris sur 3 mois. C’est indispensable pour rester au top ! »

Quand il forme ses apprentis, Stephan leur apprend « les règles de posture : j’ai eu la chance d’avoir un bon maître d’apprentissage qui me les a appris. Malheureusement, les risques TMS ne sont plus pris en compte aujourd'hui dans la formation des jeunes. »

Une profession durement touchée par les TMS

En région PACA, environ 5 400 salons de coiffure sont répertoriés au régime général. Dans le département des Bouches-du-Rhône, 30 % des maladies professionnelles reconnues chez les coiffeurs sont dues aux eczémas et 70% aux TMS. Les jours perdus à cause des accidents de travail représentent la fermeture de 5 salons de 5 salariés pendant 1 an ! En cause : les postures contraignantes (bras au-dessus de l’épaule), souvent maintenues, des gestes répétitifs, très précis, des matériels mal adaptés, auxquels s’ajoutent des facteurs de stress et de fatigue liés à des rythmes intensifs ou à l’ancienneté...

Anne-Marie Passoni, contrôleur de prévention à la Carsat Sud-Est, a conseillé Stephan Infantino en 2015 pour qu’il adopte une démarche de prévention globale et qu’il investisse en particulier dans des équipements ergonomiques pour réduire les risques de survenance de TMS.

Le diagnostic de prévention des TMS

n26 bp photo2La première phase a consisté à réaliser un diagnostic. Pour cela, Stephan a fait appel aux services d’une consultante en ergonomie. « Son étude s’est étalée sur une dizaine de séances d’1 heure sur un mois. Elle m’a remis un diagnostic complet qui vise à identifier et à maîtriser les facteurs de risques de TMS. » Son rapport examine les caractéristiques des employés, l’espace et le matériel, l’organisation du travail. 5 postes de travail sont identifiés : l’accueil, le lavage, la technique, le coiffage, auxquels s’ajoute en arrière-salle un local de stockage des produits et de préparation des couleurs. Le plan d’actions est axé sur les facteurs de risques biomécaniques, organisationnels et psychosociaux. Il inclut une évaluation financière.

L’aide financière TMS Pros Diagnostic

Cette première étape du projet a reçu une Aide Financière Simplifiée de la Carsat Sud-Est. Plafonnée à 25 000 €, cette aide finance 70% du montant H.T. des prestations relatives au diagnostic : soit la formation d’une personne ressource en interne pour mettre en œuvre un projet de prévention des TMS, soit une prestation ergonomique. Ce diagnostic est une condition indispensable pour faire ensuite une demande d’aide TMS Pros Actions (voir conditions en fin d’article).

Ne pas pénaliser les salariés pendant les travaux

« Nous avons mis en œuvre quasiment toutes les préconisations », indique Stephan Infantino. Les travaux de rénovation ont duré 3 semaines en octobre 2016. Afin de ne pas pénaliser financièrement ses salariés, l’intégralité des salaires a été maintenue durant la fermeture, avec une indemnisation au chômage technique partagée entre l’employeur et la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE).

AVANT / APRES

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La photo de gauche a été prise par l’ergonome (copyright Opera Ergonomie). La photo de droite est le résultat après rénovation. Totalement relooké, le nouveau local a gagné en surface utile. Des équipements ergonomiques ont remplacé les fauteuils clients (3 de plus) et les bacs de lavage. Dans la zone de coiffage, il y a plus de place entre les fauteuils et des tiroirs ont été aménagés. Le coiffeur est plus à l'aise pour travailler. La zone technique a été déplacée au centre et reconfigurée en un espace convivial. Le dispositif d’éclairage a été totalement repensé ainsi que la ventilation, la climatisation et l’absorption du bruit.

Une vision à long terme

n26 bp photo4Stephan Infantino nous offre le café sur son canapé vintage club Chesterfield. « Aujourd'hui les coiffeurs doivent prendre un virage, technique mais aussi sociétal. Les modes de consommation changent. Les façons de travailler aussi. Nous sommes des passionnés et voulons le rester. Il faut aller vers les produits biologiques et préserver absolument la masse salariale en diminuant les arrêts de travail pour un mal de dos ou une tendinite. Le travail doit être synonyme de bien-être et de plaisir. L’esthétique est primordiale. »

PAROLE DU PROFESSIONNEL « Mes salariés sont ici chez eux. En investissant dans du matériel de pointe qui dure longtemps, j’ai voulu stabiliser toute mon équipe pour qu’elle se sente bien sur son lieu de travail. » Stephan Infantino, coiffeur

Les équipements ergonomiques

« Sans les aides de la Carsat Sud-Est, je n’aurais probablement pas pu investir dans du matériel aussi adapté. C’est du matériel professionnel, et donc très coûteux. Un seul fauteuil réglable en hauteur coûte 800 euros HT. Nous en avons acheté 12. J’ai investi dans des bacs de lavage à 2 400 euros HT l’unité. C’est le double d’un fauteuil non ergonomique ! »

Bacs de lavage réglables en hauteur

n26 bp photo5 bLes bacs non réglables en hauteur génèrent des contraintes posturales. Sur la photo, les 2 premiers bacs de lavage sont ergonomiques. Ils se soulèvent jusqu’à une hauteur de 25 cm. Les deux autres bacs (dans le fond), non réglables en hauteur, sont dédiés au massage. « Preciseo ne prend pas en compte l’option massage des bacs », regrette Stephan.

L’Aide Financière Simplifiée PRECISEO permet de financer 50% H.T. de l’investissement dans du matériel ergonomique jusqu'à 10 000 euros d’achat : bacs de lavage, mais aussi sèche-cheveux ou ciseaux ergonomiques. (voir conditions en fin d’article).

Zone de coupe : des fauteuils clients réglables en hauteur

n26 bp photo6Stephan a investi dans 12 fauteuils clients réglables en hauteur (45/69cm) par pédale : 6 dans la zone de coiffage, 6 dans la zone technique.

Pour l’une des coiffeuses, « c’est un vrai confort de travail. Grâce à ces fauteuils à pompe, le client est à la bonne hauteur. On se tortille moins le dos. Le bras reste en dessous du niveau de l’épaule... »

Ils sont complétés par 5 tabourets réglables en hauteur et mobiles. « Dans la pratique, on ne l’utilise pas toujours, quand on coupe sur le dessus du crâne par exemple. Mais quand on fait la nuque, on s’assoit sur le tabouret et c’est bien reposant. »

Des tiroirs de rangement fixes ont également été installés à chaque poste de coiffure. « Auparavant, on mettait tous les ustensiles sur un chariot mobile personnel. À présent, on les range dans ces tiroirs, ils ne sont plus éparpillés et on évite les allées-et-venues et les manutentions du chariot. »

Des bouches d’aspiration pour le ménage

n26 bp photo7 bAu pied des postes de coiffure, une centrale d’aspiration a été mise en place dans un conduit. Le coiffeur ouvre le clapet au sol avec le pied et il n’a plus qu’à rapprocher les cheveux qui sont aspirés à proximité de l’ouverture. Ces bouches d'aspiration évitent de se baisser pour ramasser les cheveux au sol avec la balayette.

Une zone technique plus conviviale

n26 bp photo8 bLa zone technique est réservée aux colorations et aux permanentes. Une table en bois a été installée en plein milieu du salon. Outre les 6 fauteuils clients et les tabourets mobiles réglables en hauteur, les miroirs fixes, jugés inutiles, ont été retirés, ce qui supprime les reflets lumineux et dégage l’espace. En cas de besoin, un miroir mobile reste à disposition. Cette nouvelle configuration a permis de gagner 2 places assises supplémentaires.

L'éclairage

n26 bp photo9 bUn éclairage adapté évite au coiffeur de se rapprocher trop près du client lors des gestes techniques. Les zones d’ombres doivent être supprimées, les reflets sur les miroirs sont à éviter, le mixe avec la lumière du jour doit être pensé en globalité, notamment pour le rendu des couleurs. Au total, 45 spots led sont encastrés dans le plafond et 3 spots sont suspendus au-dessus des bacs. Ce savant dosage des sources lumineuses (blanches, jaunes, lumière d’appoint) crée une température de couleurs de 4500 degrés Kelvin, proche de la lumière du jour.

Bruit et climatisation

La rénovation du plafonnier a été l’occasion d’installer un piège à bruit. Sur la photo ci-dessus, ces dalles de faux-plafond acoustiques (200 mm de laine avec allèges sur périphéries) absorbent les bruits de conversation et les nuisances sonores, notamment celles produites par le séchoir.

La climatisation réversible gainable permet une meilleure diffusion de l’air, chaud ou froid. Les courants d’air froid sont supprimés.

Aération/ventilation

n26 bp photo10Certains produits sont allergisants et peuvent provoquer des eczémas, d’autres des irritations respiratoires,  comme l’ammoniaque par exemple, utilisée pour les permanentes.

Une ventilation adaptée est une priorité dans un salon de coiffure. Stephan a fait le choix d’une ventilation mécanique contrôlée (VMC), « avec une bouche d'extraction de 120 mm de diamètre. » L’odeur d’ammoniaque a disparu.

Le risque chimique est réel dans la coiffure. Les colorations, certains shampoings ou laques peuvent contenir des produits toxiques voire cancérogènes : diaminophénol, dicholorométhane (laques), formaldéhyde (shampoings), mais encore toluène, résorcinol, PPD (p-Phénylènediamine). À force d’être utilisés, ils pénètrent dans le sang par les pores des mains, pouvant à terme provoquer des cancers de la vessie.

Dans le local de préparation des couleurs, une centrale d’aspiration à la source a été prévue. « Pour l’instant, la gaine n’a pas encore été fixée, explique Myriam (en photo). On la  pose manuellement au-dessus de la balance lors des mélanges. » Très innovant dans le monde de la coiffure, ce dispositif permet de réduire l’inhalation des produits chimiques.

Les pratiques évoluent. « La touche d’essai a longtemps été obligatoire, aujourd'hui elle ne l’est plus », regrette Myriam. Nous appliquons une crème protectrice autour du visage de la cliente. Pour les cuirs chevelus sensibles, nous rajoutons des gouttes dans la couleur. » L’usage des gants est obligatoire.

À partir du mois d’avril, Stephan a pris la décision d’utiliser des colorations végétales. « Le procédé de substitution est de loin la meilleure solution pour lutter contre les produits CMR (cancérogènes mutagènes reprotoxiques) », estime Anne-Marie Passoni.

L’aide financière TMS Pro Actions a permis de financer ces équipements (sauf le plafond acoustique qui n’est pas pris en compte). Plafonnée à 25 000 €, cette aide finance à hauteur de 50 % de l’investissement H.T. l’achat de matériel et/ou d’équipements visant à réduire les contraintes physiques, en particulier lors de manutentions manuelles de charges, d’efforts répétitifs ou de postures contraignantes. Un diagnostic et un plan d’actions doivent être fournis au préalable. (voir conditions en fin d’article).

INVESTISSEMENTS Infantino, La Destrousse (13112)

Coiffure, 5 salariés, date de création : 2006

TMS Pros Diagnostic : compter entre 2 000 et 3 000 € pour un diagnostic externe

PRECISEO : 2 bacs de lavage ergonomiques : 2 400 € HT l’unité

TMS Pros :

12 fauteuils à hauteur réglable : 800 € HT l’unité

Aspiration centralisée : environ 1 500 HT €

Éclairage et faux plafond : environ 13 000 € HT

4 tabourets coiffeur : 200 € HT l’unité

Coût global : 21 000 €

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Sur les risques professionnels dans la coiffure : Vidéo INRS