L’hôtellerie est une activité phare dans les Alpes-Maritimes. L’un de ses fleurons, le Hyatt Regency Nice Palais de la Méditerranée, s’est engagé depuis 2011 dans un vaste plan d'investissement sur du matériel et de la formation pour améliorer la prévention des risques professionnels. Les Anges de la Baie peuvent sourire.
Ce qui frappe lorsqu’on parcourt les 9 étages feutrés du Hyatt Regency Nice Palais de la Méditerranée, c’est le sourire du personnel. De la lingère au réceptionniste, de la femme de chambre au voiturier bagagiste (en photo ci-contre), du room service au personnel en cuisine, tous les visages vous accueillent avec sympathie. On pourrait penser en première approche que c’est un devoir dans ce luxueux complexe hôtelier qui comprend 187 chambres (du 4ème au 9ème étage), un restaurant, une piscine solarium, une salle de spectacle et des salles de réunion. On se dit que c’est un exploit quand on sait que le taux d’occupation annuel de l’hôtel tourne autour de 76%, avec des pics à 100% pendant la saison d’avril à octobre.
Derrière sa façade Art déco, le Hyatt Regency Nice Palais de la Méditerranée abrite un effectif d’environ 200 personnes qui travaillent jour et nuit, dont plus de la moitié en contrat à durée indéterminée. Le turn-over est faible sur l’effectif CDI, mais l’exigence est forte : 5 étoiles, une qualité de service irréprochable, de la réactivité, de la disponibilité, qui en font un lieu de prestige. « Les accidents du travail sont essentiellement des chutes de plain-pied ou liés aux manutentions manuelles. Les lésions se situent surtout au niveau du dos et des membres supérieurs », indique Emmanuelle Ghizzo, DRH. Alors pourquoi ces sourires ? La réponse tient peut-être en « un engagement en faveur de l’amélioration des conditions de travail ».
Sinistralité dans le secteur Hôtellerie. 410 000 journées perdues en 2013 : 43% d’accidents du travail liés aux manutentions manuelles, 36% de chutes de plain-pied ou de hauteur, 13% liés à l’outillage à main. Les gestes répétitifs, les postures contraignantes sont à l’origine de troubles musculo-squelettiques (95% des maladies professionnelles déclarées en 2011). Source : CNAMTS
L’accord relatif à la prévention de la pénibilité et à l’amélioration des conditions de travail
« Tout a commencé en 2011 par la signature d’un accord pénibilité entre la direction et les partenaires sociaux », se souvient Mme Ghizzo. Il s’agissait de « définir des actions concrètes, favorables à la prévention de la pénibilité, et cohérentes avec l’activité de l’entreprise ».
PAROLE DU PROFESSIONNEL « L’amélioration des conditions et de l’organisation du travail doit permettre aux collaborateurs de poursuivre leur activité plus longtemps, tout en préservant leur santé et en gérant mieux leur parcours professionnel. » Emmanuelle Ghizzo, DRH, Hyatt Regency Nice
Jean-Denis Clary, ingénieur conseil à la Carsat Sud-Est, est invité aux réunions trimestrielles du CHSCT depuis 2011. Il confirme : « Le Hyatt Regency Nice Palais de la Méditerranée gère la prévention sur les champs humains, techniques et organisationnels, trois thèmes qui se retrouvent dans les analyses d’accidents du travail systématiquement transmises au CHSCT. »
Formation et sensibilisation continues
Le dispositif de formation a été renforcé sur les parties hébergement et restauration. Formation à l’accueil des nouveaux embauchés, formation sur le poste de travail. Les procédures d’intégration sont multiples : sécurité incendie, gestes et postures, collecte des déchets à risques infectieux (seringues, produits sanguins,…), utilisation de la mandoline en cuisine, etc.
Gestion renforcée des produits d’entretien. Les produits d’entretien ont fait l’objet d’une importante évaluation dès 2011. Tri des produits, formation à l’utilisation, au stockage, à la lecture de l’étiquetage des produits. Installation d’armoires de sécurité, de bacs de rétention, ventilation dans certains locaux de stockage. Affichage de l’information. « Nous avons favorisé les centrales de dilution des produits d’entretien. Réduction et substitution par des produits moins dangereux.
La co-construction est au cœur de la démarche. « La formation gestes et postures, si elle ne s’accompagne pas d’autres mesures, est généralement insuffisante pour prévenir les troubles musculo-squelettiques. » Pour impliquer les salariés dans la mise en œuvre concrète des actions de prévention, une formation « d’animateurs de prévention » a été déployée durant trois années de suite, visant à :
- développer les compétences internes de façon à rendre les collaborateurs autonomes pour le diagnostic et l’analyse des situations à risque ;
- rechercher les solutions les plus pertinentes en fonction du métier ;
- être à l’écoute de leurs propositions d’amélioration des situations de travail ;
- les associer au choix et à la mise en oeuvre des solutions retenues ;
- sensibiliser et entraîner l’adhésion de leurs collègues de travail.
Des initiatives à moindre coût ont pu être proposées, tel ce podium en bois qui surélève les machines à laver.
Philippine, lingère (sur la photo) : « Cela nous évite d’avoir le dos courbé au moment du chargement/déchargement du linge. »
Les analyses d’accidents du travail. Tous les accidents sont répertoriés avec un récit circonstancié. Réalisées par le chef de service ou le témoin de l’accident aux ressources humaines, les analyses d’AT sont transmises systématiquement au CHSCT.
« Cette démarche participative va dans le sens de l’amélioration des conditions de travail. C’est un cercle vertueux qui allie la sécurité, la qualité de vie au travail et la productivité. » Jean-Denis Clary, ingénieur conseil, Carsat Sud-Est
Mutualisation à tous les étages
Un nouveau logiciel de gestion. En 2015, la réception et tous les services des étages ont été équipés d’un logiciel de gestion mutualisé. Grâce à leurs ipods, les femmes de chambre sont informées en temps réel de la disponibilité des chambres. « Le système est interfacé avec le Service technique et la Réception », précise Philippe Roux, Directeur Technique de l’établissement. « Une ampoule grillée, et nous intervenons. » Gain de temps, efficacité, fluidité de la gestion et des échanges, ont pour effet de réduire le stress et la pénibilité, et de gagner du temps. Dès qu’une chambre est prête, l’information est aussitôt envoyée à la réception qui peut gérer ses priorités.
Marie Louisa (sur la photo), femme de chambre depuis 11 ans : « Avant, on gérait le service avec un téléphone et du papier. On était tout le temps dérangées. Avec l’ipod, on peut tout suivre en direct. On sait tout de suite quel client a quitté une chambre ou demande le service. C'est très pratique et beaucoup plus rapide. »
Les équipements techniques aux étages
« Au tout début de l’accord pénibilité, nous avons fait une étude sur l’équipement progressif des chambres en lève-lits afin de limiter l’effort physique et les postures contraignantes », note la DRH.
- 180 chambres sont équipées de lève-lits. Les développements menés avec le fabricant ont permis d’affiner le réglage (à deux niveaux) pour adapter la hauteur et équiper l’ensemble des chambres.
- Des chariots motorisés remplacent progressivement les chariots manuels.
- « Les tests ont duré un an, notamment pour régler la vitesse, précise M. Roux. Sur avis des femmes de chambre, un modèle plus maniable et plus esthétique a été retenu. Les deux boutons poussoirs arrêt d’urgence et anti-écrasement répondent aux normes de sécurité. » Trois nouveaux chariots sont prévus en 2016. À terme, toutes les femmes de chambres en poste fixe bénéficieront d’un chariot motorisé.
Marie Louisa (sur la photo) « En 11 ans, j’ai vu toutes les améliorations. Ce chariot motorisé nous facilite la vie. En plus, la poignée est amovible ! »
Certains tests demeurent sans suite. Ainsi un timon motorisé a été testé sur les chariots des équipiers qui récupèrent le linge. Mais la circulation s’est avérée difficile dans les couloirs et les ascenseurs. Le projet a été abandonné. En revanche, le revêtement du sol a été remplacé sur le quai de livraison, pour faciliter la conduite des chariots chargés de linge lors de la remise au prestataire extérieur assurant le nettoyage du linge.
PAROLE DU PROFESSIONNEL « L’équipement est progressif. Des tests préalables sont réalisés par les salariés, en collaboration avec le Service technique. Le matériel est amélioré et adapté aux besoins du personnel et de l’organisation. » Philippe Roux, Directeur Technique, Hyatt Regency Nice
La partie restauration
- Le room service – Chariot du mini-bar motorisé.
Richard (sur la photo) approvisionne les mini-bars dans les chambres. « Sans le moteur, le chariot avançait en zig-zag sur la moquette. On avait mal au dos et aux bras. Grâce au moteur, le chariot se manœuvre très facilement. À la fin de la journée, on est moins fatigué. » La batterie doit être rechargée tous les trois jours.
- Plonge : séchage par vapeur d'eau surchauffée.
Dans la partie restauration, l’accord pénibilité préconisait la diminution des expositions au bruit, à la chaleur et à l’humidité. Toute la plonge centrale a été renouvelée. Cette machine est désormais dotée d’une isolation phonique et thermique. Le séchage est assuré par vapeur d'eau surchauffée.
Samba, plongeur (sur la photo) : « Grâce à cette machine, il n'y a plus de vapeur. Les couverts sortent quasiment secs. Tout l’espace cuisine est climatisé. »
- Des panneaux LED ont été installés en cuisine. En plus de la lumière du jour qui filtre par les baies vitrées, les postes de travail bénéficient d’une luminosité excellente, très proche d’une lumière naturelle.
- Une autolaveuse a été acquise en 2012. Cet équipement ergonomique, compact, plus léger et surtout autotracté, permet de laver les sols en limitant la manutention et les efforts physiques.
- Réaménagement de l’espace petit-déjeuner. Afin d’éviter les allées-et-venues du personnel de la cuisine vers la salle petit-déjeuner, un espace dédié a été spécialement aménagé à proximité, avec une partie back-office et une partie cuisine.
Ergonomie
Dès le départ, les femmes de chambre ont reçu des équipements à manche télescopique et inclinable pour accéder sans torsion aux surfaces à dépoussiérer.
Les voituriers bagagistes et les réceptionnistes ont été équipés de sièges assis-debout afin d’éviter les troubles veineux liés à la station debout prolongée.
Plus récemment, le poste de la réception a été équipé de scanners (au premier plan) pour éviter les allers-retours en back-office. Dans les bureaux administratifs, des équipements ergonomiques ont également été installés : repose-pieds, fauteuils ergonomiques, double écrans, etc.
Qualité de vie au travail
Parallèlement à l’accord pénibilité, d’autres actions ont été menées pour améliorer le bien-être au travail.
- Une fois par mois, la salle de restaurant petit-déjeuner clients est réservée pour le personnel où un déjeuner à thème est organisé successivement par chaque service. Cette initiative est le résultat d’un groupe de travail issu de la formation « Hyatthinking » « Lors de ce module développé par Hyatt, nous associons des salariés de tous les services aux projets », explique la DRH. « Des groupes de travail se mettent en place, pour que les salariés réfléchissent et définissent eux-mêmes les projets. »
- L’espace de pause reflète bien cet état d’esprit : des tables convenablement aménagées, fontaine à eau, distributeur de boissons et de repas, avec vue sur le solarium par la baie vitrée.
Sécurité incendie
Le service technique s’est doté d’un palan motorisé dans les locaux techniques pour supprimer les manutentions de charges lourdes. En 2015, de lourds investissements ont été consacrés à la protection incendie dans tout le Hyatt Regency Nice Palais de la Méditerranée. Chaque chambre est équipée d’un détecteur incendie et d’une sirène d’évacuation.
Un système d’extinction automatique a été installé dans les 9 étages du Hyatt Regency Nice (espaces de circulation, chambres et locaux). « Plus performant que les systèmes traditionnels, le système de brumisation à haute pression Hi-Fog déclenche un brouillard d'eau constant de 140 bars sur signal du détecteur de chaleur, précise M. Roux. La quantité d’eau est fortement diminuée pour un résultat meilleur. » En plus, les têtes sprinkleur sont très discrètes. « Un procédé utilisé sur les bateaux de croisière. »
En 2016, les investissements vont se poursuivre avec l’achat de trois nouveaux chariots motorisés pour les étages et le remplacement progressif des lits supplémentaires sur roulettes (difficiles à manutentionner) par des chauffeuses convertibles en lit. Jean-Denis Clary préconise également l’usage de fixacouettes dans les chambres. « Cet outil auto-serrant permet de changer les housses en travaillant le dos droit et les bras vers le bas.Il réduit les risques de TMS et la pénibilité. » Très intéressée par la démonstration réalisée par le fournisseur, la direction souhaite réaliser des tests, pour concrétiser un possible investissement. Avec l'aide des Anges de la Baie...
Le conseil + du préventeur
Depuis janvier 2016, les entreprises de moins de 200 salariés dans l’activité hôtellerie peuvent bénéficier d'une aide financière pour réaliser leurs projets de prévention, à travers un contrat de prévention établi avec la Carsat Sud-Est. Plafonnée à 50 000 euros, cette aide se situe entre 15 et 70% de l’investissement sur une période de trois ans. Plus d’informations dans la Convention Nationale d'Objectifs signée entre la Cnamts et les organisations professionnelles le 4 janvier 2016, valable jusqu’au 30 août 2019 (lien en fin d’article).
€ Investissements du Hyatt Regency Nice Palais de la Méditerranée
Activité hôtellerie-restauration, effectif : 200 personnes.
- 7 chariots motorisés pour les étages, coût total : 31 500 €
- Aménagement d’une salle dédiée pour les petits-déjeuners : 160 000 €
- 1 chariot motorisé pour le Mini-Bar : 4 000 €
- 180 chambres équipées en lève-lits, coût total : 110 000 €
- Renouvellement de la plonge centrale et autolaveuse : 50 000 €
- Panneaux LED, coût total : 1 680 €
- Palan motorisé pour le service Technique : 8 000 €
- Réfection du sol du quai de livraison : 34 890 €
En savoir plus :
Convention nationale d'objectifs D043 : Activités de restauration traditionnelle et d'hôtellerie, CNAMTS, janvier 2016.
Femme de chambre et valet dans l’hôtellerie, INRS 2012, ED991.
Lingère, linger et équipier dans l’hôtellerie, INRS 2008, ED6033.
Réceptionniste en hôtellerie, INRS 2010, ED6081.
Encadrant d'équipe d'étage, gouvernant, gouvernante dans l'hôtellerie, INRS 2013, ED6149.
Rénovation des hôtels, repères pour la sécurité au travail et la santé du personnel, INRS 2010, ED6082.
La restauration traditionnelle, prévention des risques professionnels, INRS 2012, ED880.