En entrant dans les menuiseries Grosjean à Valréas et Navarro à Cavalaire-sur-Mer, on est immédiatement saisi par la propreté ambiante. Ateliers, sol… où sont donc passées les poussières de bois ?
Les tuyaux qui parcourent les plafonds des ateliers donnent un élément de réponse, témoignant de la présence d’un dispositif d’aspiration centralisée. Le passage à la haute dépression pour l’outillage électroportatif a ensuite permis de réduire au maximum la pollution aux poussières de bois. Focus sur ces menuiseries qui ont décidé de s’attaquer d’une main ferme au danger parfois sous-estimé de ce polluant.
Un risque peu visible, des effets à long terme
Loïc D’AUBARÈDE, qui a racheté l’entreprise Grosjean en 2012, a conservé les valeurs de cette menuiserie plaçant la sécurité et le bien-être des équipes au centre de ses priorités. Parmi elles, la prévention du risque des poussières de bois : « Le bois, c’est un peu comme l’amiante ou le bruit. On se rend compte des problèmes seulement plusieurs années après… J’ai mieux pris conscience de ce risque au travers d’échanges, d’abord avec le service de santé au travail puis avec la Carsat qui m’a permis d’aller plus loin dans la réflexion. »
Didier COURTIAL, contrôleur Carsat Sud-Est, a perçu cette sensibilité aux risques professionnels dès sa première rencontre avec le chef d’entreprise. C’est en voyant l’intérêt que ce dernier portait à l’aspiration centralisée que le préventeur a senti « un fil à tirer de ce côté-là ».
Suivant d’autres voies, M. NAVARRO, dirigeant de l’entreprise familiale fondée en 1923, est arrivé aux mêmes conclusions : « Avant, les conditions étaient impossibles… On ne se protégeait pas et au final, on a tous souffert ! Alors, quand on a déménagé ici en 2000, on a voulu faire les choses bien. On a intégré un maximum de mesures de prévention dès la conception ». Cette démarche fait aujourd'hui partie intégrante du fonctionnement et de l’organisation de l’entreprise.
Ainsi se sont dessinés les contours d’un contrat de prévention avec la Carsat Sud-Est pour Grosjean (2020) et Navarro (2019). Ciblant l’amélioration des conditions de travail en lien avec les poussières de bois, cet accompagnement a apporté de l’expertise technique dans le choix des équipements et une aide financière. Chacun a aussi pu s’appuyer sur un guide édité par l’INRS et destiné aux chefs d'entreprises pour la rédaction du cahier des charges relatif aux installations d'aspiration de poussières pour des machines à bois portatives (Référence INRS ED 6052).
Les investissements au fil de l’eau améliorent la qualité de l’air
Les investissements ont été réalisés de manière relativement similaire, graduellement, dans les deux menuiseries : après des années de ponçage électrique sans protection ou presque (de simples masques), la basse dépression a constitué une première avancée notable concernant la qualité de l’air en atelier. Les aspirateurs mobiles, dont il fallait vider les sacs, restaient cependant lourds et encombrants.
C'est l’arrivée de la haute dépression (photo), initiée par la collaboration avec la Carsat, qui a permis d’assurer une prévention maximale des risques liés aux poussières de bois.
Certains employés ont connu ces évolutions. Ils racontent comment leurs conditions de travail se sont améliorées.
La santé et la sécurité des travailleurs, piliers des deux ateliers
Julien SIREROL, directeur opérationnel, travaille chez Navarro (photo) depuis plus de 20 ans : « Avant, avec les ponceuses électriques, il y avait de la poussière partout. Parfois, on s’arrêtait de travailler car on en avait dans les yeux ou il fallait se moucher… Je toussais souvent le soir ». L’arrivée des machines reliée à une aspiration haute dépression a donc changé beaucoup de choses. Frédéric ESPINOSA, menuisier, ajoute : « Le problème des aspirateurs portatifs, c’est qu’il fallait les chercher partout et que personne ne vidait les sacs. Avec la haute dépression, on a l’aspiration directement derrière nous, on a juste à ouvrir la trappe et tout part à l’extérieur. Elle ne tombe pas en panne et nécessite moins de nettoyage, on gagne beaucoup de temps. En plus, on peut brancher tout type de machine, ce qui n’était pas le cas avant ! ».
Le système d’aspiration à haute dépression pour l’électroportatif a ainsi résolu les problèmes qui n’avaient pas trouvé de solution technique jusqu’alors. Des coffrets multiénergies (air comprimé, électricité et aspiration centralisée) ont ensuite été mis en place pour raccorder directement l’outillage électroportatif. Ils ont été soit fixés au mur (photo ci-contre) soit déportés via un bras (satellite). Les copeaux sont même aujourd'hui envoyés et brûlés directement dans l’immense chaudière de l’entreprise placée à l’extérieur, à proximité de la centrale.
Patrick BONALDI, employé chez Grosjean, a connu des évolutions semblables. Le gain principal pour lui réside dans la diminution du bruit et de la chaleur auparavant émis par la centrale basse dépression.
Pour Alexis CHAMBOUVET, jeune menuisier, le coffret multiénergies contribue grandement à l’amélioration des performances (photos ci-dessous).
Satellite multiénergies : le plus pour aspirer à la source
L’entreprise Grosjean a acquis un satellite multiénergies, coffret mobile muni de deux bras articulés de six mètres. Deux postes de travail peuvent y être directement raccordés, ce qui évite les déplacements fastidieux. De plus, des prolongateurs de gaine connectés au réseau haute dépression et facilement manipulables peuvent être utilisés sur d’autres postes pour le nettoyage général de l'atelier.
« Les satellites sont très pratiques. On libère le sol, tout est en haut. Les puissances électriques et air comprimé sont à disposition, et ça sert même de support pour les outils. En plus ça se déplace au-dessus de la tête… Le taux de poussières général dans l'atelier a drastiquement diminué avec ce dispositif ! », souligne M. D’AUBAREDE.
L’aspiration haute dépression sur poste fixe ou mobile présente donc de nombreux avantages qui ne sont pas toujours directement perçus.
Les avantages en résumé
Des impacts directs :
- La nouvelle installation diminue l'exposition aux poussières de bois dont le captage à la source est amélioré. Le risque des maladies respiratoires et de cancer est grandement diminué.
- La purge automatique permet de ne plus avoir à vider les sacs, manipulation fastidieuse et générant de nouveaux dépôts de poussière.
- Les ponceuses orbitales utilisées en tant que matériel électroportatif sont plus légères. Le travail est moins pénible, les risques de TMS diminué.
- Les dispositifs permettant de suspendre les flexibles et les câbles apportent une meilleure ergonomie et maniabilité des outils, la manutention s’en retrouve facilitée.
- Le risque de heurts et de chutes de plain-pied diminue du fait de l'installation définitive suspendue qui réduit l’encombrement de l’atelier au sol.
- La possibilité de raccorder au réseau haute dépression une gaine de faible diamètre pour assurer le nettoyage de l’atelier.
Et indirects…
- La bonne réputation en matière de conditions de travail constitue un véritable atout pour conserver et recruter du personnel qualifié.
- La propreté visible des ateliers contribue à fidéliser et à développer la clientèle.
- Les nuisances secondaires dues au bruit ou à la chaleur sont aussi réduites.
- Un gain financier est réalisé par la facilitation des manutentions, la diminution des arrêts de travail, l’utilisation pour le chauffage…
Virginie SERRIERE, contrôleuse Carsat Sud-Est, souligne pour finir que les efforts réalisés sur les postes fixes sont en partie perdus si les postes annexes très émissifs ne sont pas captés. Une centrale haute dépression associée à des espaces dédiés au ponçage et des satellites résout ce problème et profite ainsi à tout l’atelier. Des équipements très efficaces, d’autant que, selon M. SIREROL, « à la portée de beaucoup d’entreprises vu le faible investissement nécessaire… ».
En savoir plus :
Documentation de l’INRS
Dossier risques
Prévenir les risques liés aux poussières de bois : Ce qu'il faut retenir
Outils - Brochures
L’essentiel sur les poussières de bois - Des outils pour agir en prévention
Poussières de bois. Protégeons-nous (ED 6192)
Pourquoi mesurer l'exposition aux poussières de bois (ED 6220)
Poussières de bois, prévenir les risques (ED 974)
Poussières de bois. Guide de bonnes pratiques en deuxième transformation (ED 978)
Les installations d’aspiration des poussières de bois et le nettoyage :
Installations d’aspiration de poussières pour machines à bois fixes (ED 6101)
Conception des dispositifs de captage sur machines à bois (ED 6330)
Installations d’aspiration de poussières pour des machines à bois portatives et pour le nettoyage (ED 6052)
Guide de ventilation N°12 : Seconde transformation du bois (ED 750)
Articles de la publication de l'INRS "Travail & sécurité"
Les poussières de bois - Travail et sécurité n° 752
Vidéo
Documentation Carsat Sud-Est
Les menuiseries modernes : l’amour du travail bien fait
L'économie circulaire s'invite chez Bois et Béton
Documentation Ameli, fédérations, etc.