Abdelali SEGMANI dirige depuis 2006 l’Ehpad Canto Maï, à Ollioules dans le Var. À son arrivée, il constate un nombre très important d’arrêts de travail. « En 2007, j’avais relevé 1060 jours d’arrêt de travail pour un effectif de 36 salariés, pour cause de lombalgie, ou de stress généré par le turnover du personnel et l’évolution de la dépendance dans la plupart des cas. Un cercle vicieux qu’il fallait enrayer.

Par ailleurs, à la même époque, nous avions décidé, pour répondre aux besoins de la population, d’accueillir davantage de personnes très dépendantes et délicates à mobiliser. Nous devions donc trouver une solution pour réduire les risques et les arrêts de travail qui en résultent. Je me suis alors intéressé aux rails de transfert.

23 fois moins d’AT en deux ans

En 2008, avec l’accord des résidents et des familles concernés, j’ai installé des rails dans deux chambres. Nous avions bien sûr des lève-malades, mais les dimensions de certaines chambres et des salles de bain ne permettaient pas de les utiliser aisément pour la toilette.

Avec les rails et les harnais, les résidents pourraient passer du lit à la douche confortablement pour eux et sans effort pour le personnel. Je craignais toutefois les résistances et j’ai donc désigné une jeune aide-soignante, dénuée d’a priori sur les moyens de manutention, pour utiliser ces nouveaux matériels.

Elle a tout de suite apprécié le dispositif et en a si bien parlé à ses collègues qu’elle les a convaincus de l’intérêt du système. J’ai donc décidé d’investir, avec l’aide de l’Agence Régionale de Santé, dans vingt rails supplémentaires. En 2009, nous étions redescendus à 45 jours d’arrêt pour cause de lombalgie ou de TMS.

Pionnier du rail

Entre 2009 et 2010, j’ai fait installer quarante rails de plus. Soixante de nos chambres sont maintenant équipées. Naturellement, seuls les résidents physiquement dépendants ou difficiles à mobiliser sont déplacés avec le rail, et nous entretenons soigneusement l’autonomie des seniors encore valides. »

En parallèle à ces investissements dans les rails de transfert, l’établissement a instauré une politique de prévention globale qui se concrétise par la tenue de tables rondes hebdomadaires, par l’intervention et les conseils de spécialistes et par la création récente d’un poste de Référent-Prévention.

Témoignage de Patricia COUADIER, Référente-Prévention de l’Ehpad Canto Maï, à Ollioules, dans le Var.

Des outils de levage, et une réflexion globale sur le travail

« J’étais aide-soignante. L’établissement dans lequel j’exerçais n’était pas équipé de moyens de levage des résidents. Au fil du temps, avec mon petit gabarit, je me suis abîmée le dos, et n’ai plus pu exercer. Je me suis reconvertie, et l’état de mes lombaires constitue un bon argument pour inciter les nouvelles recrues à utiliser les outils de manutention !

Cependant, la politique de prévention de Canto Maï dépasse la question des moyens techniques.

Partager l’information

Chaque vendredi, une table ronde de trente minutes rassemble tous les salariés de l’Ehpad, aides-soignants, médecins, logisticiens, cadres et directeur. Chacun raconte ce qu’il a vécu dans la semaine, évoque sans tabou les problèmes rencontrés. Et nous y réfléchissons ensemble. Le but : que tous se sachent écoutés et disposent d’une même information. Résultat ? Des aides-soignantes avaient glissé sur un sol fraîchement lavé ? Nous avons acheté des plots de signalisation. Le personnel de nuit souhaitait un éclairage permanent ? Nous l’avons installé.

Former

La formation fait aussi partie intégrante de la politique de prévention de l’établissement : des sessions pour réfléchir à la fin de vie, comprendre la démence, l’agressivité des résidents et des familles ; une formation Humanitude, pour travailler sans tension avec des patients difficiles, sera bientôt dispensée à tout le personnel.

Éviter que le personnel se sente seul

Nous faisons aussi intervenir des professionnels extérieurs. Une psychologue et un ergothérapeute de la Médecine du Travail viendront prochainement écouter le personnel et analyser des demandes de renforcement des effectifs. Je vais aussi monter un comité de pilotage de la prévention. Il sera multidisciplinaire, conduira des enquêtes, des analyses de risque, et étudiera l’impact des manipulations répétitives. Un large programme, pour des métiers difficiles mais passionnants. »

La formation de Patricia COUADIER, Référente Prévention de l’Ehpad Canto Maï, a été assurée par la Carsat Sud-est. Pour toute précision sur les formations et les aides financières proposées par la Carsat, consultez le site www.carsat-sudest.fr, rubrique Entreprises.

Voir l'interview de Abdelali SEGMANI - Directeur de l'EHPAD CANTO MAI d'OLLIOULES