Depuis 60 ans, Calibrex conçoit et fabrique des machines de calibrage pour le conditionnement des fruits et légumes frais. Silencieuses, simples d’utilisation, ces machines très performantes intègrent les exigences de santé et sécurité au travail dès la phase de conception. Les risques sont combattus à la source.

Calibrex est une entreprise familiale de 17 salariés dirigée par Chantal et Michel Durand, tous deux ingénieurs. Depuis une dizaine d’année, ils n’ont cessé d’innover dans l'électronique et l'ergonomie de leurs produits, des calibreuses destinées au conditionnement de fruits et légumes frais (pommes, prunes, abricots, cerises, pêches…).

Le tri se fait en mode dynamique, en fonction du poids des produits. Très performantes (jusqu'à 4 tonnes de fruits calibrées par heure en abricots), ces calibreuses « pondérales » offrent un rapport qualité / prix à la portée des petites et moyennes exploitations agricoles et des expéditeurs. La conception et la fabrication sont réalisées sur le même site à Cavaillon (84).

Philippe Demazeau, contrôleur de sécurité à la Carsat Sud-Est, suit l’entreprise depuis 4 ans.  « Les concepteurs de machines industrielles ont un rôle à jouer en matière de santé et de sécurité au travail. Dans la réglementation européenne – directive machines – les exigences portent surtout sur la machine en exploitation (production, maintenance, nettoyage). Calibrex intègre et étudie aussi les risques des salariés qui les fabriquent, dans une démarche permanente d’amélioration des conditions de travail. »

PAROLE DU PROFESSIONNEL : « La santé et la sécurité au travail s’inscrivent dans un cercle vertueux qui intègre la productivité, la qualité et le management. » Patrick Brouillet, responsable de production, Calibrex

Pilotage par écran tactile

n15 reportage photo1 320pxCette démarche de prévention a commencé en 2003, lorsque Calibrex a introduit l’écran tactile pour piloter les calibreuses. Une petite révolution qui a radicalement simplifié leur utilisation.

À l’écran noir & blanc a succédé la couleur pour une visibilité plus immédiate. En cas d’arrêt automatique de sécurité, l’automate identifie instantanément l’origine du défaut. L’ergonomie est grandement améliorée.

Du soudage à l’assemblage

n15 reportage photo2 miniEn 2008, c’est la deuxième révolution : le passage à la technique d'assemblage par visserie. L’écrou-vis a permis de supprimer les ports de charges lourdes et a réduit considérablement l’activité de soudage. « De 4 soudeurs à plein temps, on est passé à 1 soudeur ». Ce saut qualitatif a eu de nombreuses répercussions sur l’organisation du travail. Patrick Brouillet se souvient : « Auparavant, les structures mécano-soudées impliquaient la manutention de tapis très lourds et imposants. La découpe et le pliage étaient réalisés sur site. Le soudage des feuilles de tôle, en inox, émettaient des fumées nocives pouvant causer des maladies respiratoires. En particulier, l’huile anti-corrosion sur les tubes métalliques. « Ils dégageaient beaucoup de fumée. Il fallait les laver. »

Du soudage à la baguette (arc avec électrode enrobée), le procédé a évolué vers la soudure TIG de l’inox (les électrodes au tungstène thorié ne sont plus utilisées aujourd'hui). Les risques sont connus : rayonnements, brûlures, asphyxie… Avec la technique d'assemblage, tout le process a été revu. Le bureau d’études modélise les pièces en 3D pour découpe au laser par un sous-traitant, puis Calibrex reçoit les pièces découpées et effectue le montage complet sur site. Le gain en termes de productivité, de qualité et de sécurité est évident. Plus légères, ces pièces en tôle sont aussi plus maniables. Quant à la soudure TIG de l’inox, elle est devenue marginale. « Le soudeur est équipé d’un masque de protection individuelle et il s’isole près d’une fenêtre ouverte vers l’extérieur. »

Risques liés aux manutentions : généralisation des palettes

n15 reportage photo3 miniL’aire de stockage (en photo) a été entièrement revue pour la réception des pièces, le contrôle et la dépose dans des racks à palettes au moyen d’un palan. « Plus rien ne dépasse ! Nous imposons à tous nos fournisseurs des livraisons sur palettes. » L’achat d’engins de levage a également permis de sécuriser les manutentions. « Seuls quelques salariés ont reçu la formation CACES® pour les conduire, à la tôlerie ou l’atelier électricité, des postes qui reçoivent beaucoup de palettes. »

Dans tout l’atelier, des matériels permettant de manipuler les matériaux sans effort sont mis à disposition des salariés : servantes à rouleaux, bacs à transpalettes. Les tréteaux, très lourds, ont été remplacés par des tréteaux plus légers et pliables, avec un support de rangement. Pour le transport des machines, des « patinettes » sont également à disposition, que ce soit vers les quais de chargement ou sur les salons d’exposition. « Calibrex livre dans toute la France. Les machines peuvent mesurer jusqu'à 35 mètres. Elles sont tronçonnables, ce qui facilite leur transport. »

Pour améliorer le confort au travail, des tables de transport, à plusieurs étages, sont réglables en hauteur. Tous les salariés ont suivi un stage de formation « gestes et postures ». « Une demi-journée suffit… à condition de la renouveler régulièrement. » Des tables de travail ont été disposées dans chaque atelier, avec un fauteuil réglable. « Il y a 3 000 références. » Afin de réduire la charge mentale due au risque d’erreur, l’étiquetage fait l’objet d’un soin tout particulier dans le local de stockage des composants.

Pour sécuriser le travail en hauteur, des barrières écluses ont été installées sur la mezzanine de l’atelier électrique. Elles forment un sas de sécurité, à la fois pour l'opérateur qui travaille en hauteur et pour les éventuels collaborateurs qui se trouveraient au-dessous. Un stockage adapté des tourets électriques diminue le risque de chute de plain pied lié aux câbles « qui traînent » sur le sol.

Le respect du silence

« Nos machines sont probablement les plus silencieuses du marché », se félicite Patrick Brouillet. Le silence est une marque de fabrique chez Calibrex. Il profite aux utilisateurs futurs des calibreuses, mais également aux salariés qui réalisent en permanence des tests et des démonstrations en atelier.

La manipulation d’outils et de pièces métalliques expose les salariés à des niveaux sonores élevés, engendrant du stress et de la fatigue supplémentaire.

Le laboratoire inter régional de la Carsat Sud-Est (LIRC) est intervenu pour réaliser une étude acoustique. « Le sol se désagrégeait, engendrant de la poussière et du bruit. Il a été entièrement changé par un revêtement en plastique. » Les allées de circulation sont identifiables en bleu.

La réduction de l’exposition au bruit passe par de nombreux autres détails : tables à roulettes gommées, revêtements viscoélastiques sur tous les supports métalliques. « Le bac à chutes d’éléments métalliques faisait caisse de résonance. Il a été garni de caoutchouc. » Même le porte-tréteaux en est équipé !

Un problème demeure : « la clé à chocs portative est très bruyante. On a remplacé le modèle électrique par un modèle pneumatique. Mais ce n’est pas suffisant. » Sur le conseil de la Carsat Sud-Est, le casque antibruit à haute performance a été expérimenté. « Les résultats sont très satisfaisants. Nous avons sensibilisé tout le personnel et son usage a été adopté par tous. »

La pénibilité au travail peut-être liée aux conditions d’éclairage. Des ouvertures ont été ajoutées dans le plafond pour laisser filtrer la lumière naturelle. Tous les néons ont été remplacés par un éclairage plus doux. Sur certains postes de travail, des éclairages individuels ont été ajoutés. Enfin, les locaux sociaux ont été entièrement rénovés : isolation des murs, vestiaires, points d’eau, douches, wc et local de restauration.

PAROLE DU PROFESSIONNEL : « La sécurité des machines est réglementaire. Compte tenu de notre savoir-faire, on a également un œil sur la santé et la sécurité de nos équipes. » Michel Durand, co-gérant de Calibrex.

L’utilisation et l’appropriation par le client

n15 reportage photo4 mini« Aujourd'hui on ne peut plus se permettre de faire l’économie de la sécurité. Nos machines sont protégées au niveau électrique, des carters protègent la mécanique, la transmission par chaîne a été supprimée. Elle est en prise directe sur l’axe moteur », indique Patrick Brouillet.

« Tout est prépositionné », résume Michel Durand.

  • Simples d’utilisation et d’entretien, ces machines silencieuses ont un procédé d’assemblage qui limite les risques dus aux erreurs de montage. Après la généralisation du pilotage par écran tactile, la miniaturisation de l’électronique a amélioré le confort au travail.
  • Modulaires et évolutives, ces machines ont été pensées pour l’ajout de périphériques : vide-caisse, vide-palox, monte-fruits, table à rouleaux, dégrenailleur, brosseuse, convoyeurs de plateaux, modules d’emballage… Autant de tâches manuelles qui sont supprimées chez le client. Comme ce séparateur de queues de cerises (mécanique). Il supprime le labeur du démêlage et de la séparation à la main.
  • Ces machines s’adaptent à tout type de hangar. « Les locaux sont parfois exigus dans les petites exploitations agricoles. Nos clients peuvent choisir de ne travailler que d’un côté du tapis, ou inversement, des deux côtés. » La modularité des bacs de réception le permet. « Les clients apprécient. C’est un gain en termes d’ergonomie, d’espace et de manutention. »
  • Le silence, l’assemblage et l’arrondi. Une attention toute particulière est apportée à la finition, afin de réduire les risques de chocs, de coupures ou de postures contraignantes :

des bords arrondis. Tous les angles droits ont été supprimés sur les calibreuses.

L’ébavurage de tôles. « La tôle coupée à la cisaille fait des bavures très tranchantes. Nous avons acheté une machine pour « ébavurer » les tôles. »

Tous les bacs de réception sont réglables en hauteur. De même pour le versage, réglable en hauteur lui aussi, ou la trémie de triage « à pan cassé ». « Parfois nos clients travaillent en famille. Ils y sont très sensibles. »

  • L’appropriation par le client. Toutes les fonctions de maintenance sont étudiées pour rendre l’utilisateur final autonome. « Lors du montage de la machine chez le client, nous dispensons une formation technique qui intègre la sécurité. Cette formation, qui dure deux heures, s’adresse au responsable de production. « C’est indispensable. » Par la suite, il peut appeler l’assistance téléphonique en cas de doute. Un suivi client a également été mis en place. « Nous sommes sensibles au retour d’expérience client. » Ces REX contribueront aux idées d’innovations futures. Calibrex n’en manque pas.

Calibrex, Cavaillon (84300)

Conception et fabrication de machines agricoles.

Création : 1955. 17 salariés.

Chiffre d'affaires 2015 : 1.5 M€ euros.

Surface : 2 000 m2.

Point Réglementation

Le Code du travail définit 9 principes généraux de prévention des risques liés aux machines (article L. 4121-2) :

  1. Éviter les risques ;
  2. Évaluer les risques qui ne peuvent être évités ;
  3. Combattre le risque à la source ;
  4. Adapter le travail à l’homme ;
  5. Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
  6. Remplacer ce qui est dangereux par ce qui est moins dangereux ;
  7. Planifier la prévention ;
  8. Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
  9. Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

En savoir plus :

Conception et utilisation des équipements de travail, ED 4450, INRS, 2014.