Le commerce de détail de bricolage est très accidentogène, particulièrement en régions Paca-Corse où il fait l’objet d’un plan d’action prioritaire régional mis en place par la Carsat Sud-Est. Au magasin Leroy Merlin à Aubagne, l’agrandissement des surfaces est l’opportunité de mettre en place une série de mesures de prévention qui seront déclinées au niveau national. Les travaux seront terminés prochainement. Avant-goût, avec un zoom particulier sur la menuiserie et la cour des matériaux.
LES RISQUES
Globalement dans le commerce de détail, la fréquence des accidents du travail est supérieure dans les magasins de bricolage. Exposés aux manutentions manuelles, au port de charges lourdes, les salariés utilisent aussi des appareils de levage, des chariots et transpalettes, qui accentuent les risques si l’organisation n’a pas été réfléchie en amont.
L’état des sols et les obstacles temporaires peuvent générer des chutes de plain-pied, l’usage d’échelles ou d’escabeaux mobiles des chutes avec dénivellation, les outils des blessures. Le stockage en hauteur de matériaux volumineux peut s’avérer dangereux. Les employés sont soumis parfois aux violences de certains clients, facteurs de stress et de risques psychosociaux.
Les intempéries dans une cour des matériaux ouverte, impactent fortement les conditions de travail. À la menuiserie, où la manipulation de panneaux de bois lourds est permanente, les employés sont également exposés aux poussières de bois, susceptibles de provoquer des maladies respiratoires et des cancers à long terme, principales causes de maladies professionnelles dans ce secteur d’activité, avec les troubles musculo-squelettiques.
Au niveau de l’approvisionnement, la circulation des poids lourds, les opérations de chargement/déchargement sur les quais, peuvent causer des accidents graves (collision, écrasement, chute de hauteur) s’ils ne sont pas maîtrisés. Tout cela dans un contexte de coactivité où viennent s’approvisionner sous-traitants, clients, entreprises et particuliers, plus ou moins sensibilisés à la prévention de ces risques.
Leroy Merlin à Aubagne : les bonnes pratiques s’appliquent en amont
Depuis deux ans, Leroy Merlin Aubagne agrandit le magasin par tranches successives. Mickaël Georget, contrôleur de gestion chez Leroy Merlin, a été missionné sur l’ensemble des travaux. « La surface de vente intérieure va augmenter de 1 000 m² pour atteindre 10 000 m², la surface de vente extérieure (centre matériaux + jardin) va atteindre 5 200 m² et la surface des réserves pour le retrait marchandises 3 000 m². »
De nouveaux espaces de vie ont été conçus en concertation avec le personnel pour favoriser le bien-être au travail : salle de sport, vestiaires avec douches, salle zen, salle de convivialité, salle de repas, cafétéria… « Ils correspondent aux souhaits des équipes », indique Roselyne Cahuzac-Duhen, RRH du magasin.
L’achat d’une nouvelle surface a également permis de déplacer la cour des matériaux et de revoir entièrement sa configuration. Désormais, elle est couverte, et un parking a été créé sur la terrasse. « Le parking aérien devrait être réservé aux salariés ».
Le circuit d’approvisionnement a pu être revu lui aussi, afin de limiter les manœuvres dangereuses des camions. À l’atelier de découpe de bois et verre, la surface a été quadruplée. « Ce nouvel aménagement a permis d’installer le matériel le plus performant pour diminuer les manutentions manuelles et assainir l’atmosphère, certes plus imposant, mais beaucoup plus efficace. »
Le Service Conception de la Carsat Sud-Est a apporté des éléments techniques et de confort au travail. Enfin, concernant la mise en rayon, une nouvelle organisation du travail est en test depuis le 1er octobre.
Parole du professionnel : « La reconfiguration de la cour des matériaux, entièrement couverte, est une opportunité pour améliorer les conditions de travail, le confort des salariés et l’efficacité au service de la clientèle. C’est une innovation pour notre enseigne. » Roselyne Cahuzac-Duhen, RRH, Leroy Merlin Aubagne.
Zoom sur l’atelier de découpe
Empoussièrement : deux types d’aspiration sont prévus.
- Un système d’aspiration intégré à la scie à panneaux (en photo). Lorsque l’opérateur alterne des coupes verticales et horizontales sur les panneaux de bois, une puissante aspiration va prendre les poussières à la source et les renvoyer dans une centrale d’aspiration située à l’extérieur dans des bacs de récupération à roulettes.
- Un système d’aspiration haute dépression pour outils portatifs (au fond sur la photo). Le bras articulé, clamé sur un poteau d’une hauteur de 3 mètres, contient les différents câbles d’alimentation. Placé en bout de bras, un coffret mobile permet à l’opérateur d’avoir à portée de main l’électricité, l’air comprimé et l’aspiration pour raccrocher ses outils portatifs. La poussière est aspirée au plus près de la zone de travail et récupérée dans un sac de nylon placé dans un bac métallique. L’air est rejeté à l’extérieur.
Manutentions manuelles : une console de manipulation de panneaux.
Les panneaux de bois sont rangés horizontalement sur des racks de stockage. Auparavant, les opérateurs devaient les manutentionner à la main, à deux si nécessaire, ou les soulever au moyen d’un engin de manutention non spécifique pour les déposer sur la scie à panneaux.
Ce lève-plaque (en photo) supprime ces deux types de manutention. Deux rails croisés placés au-dessus des racks couvrent toute la surface des étagères. Suspendue à un système de pont-roulant, la console à orientation multidirectionnelle est équipée d’un bras de ventouses coulissant qui va se fixer au panneau dans le rayonnage, le fait pivoter et va le poser en toute sécurité sur la scie à panneaux.
Le pilotage s’effectue depuis le pupitre de commande équipé d’un écran vidéo, ce qui évite à l’opérateur de lever la tête.
La cour des matériaux est couverte
« Les salariés et les clients sont protégés des intempéries, du froid en hiver et des fortes chaleurs en été. » À l’intérieur, le marquage au sol délimite les voies de circulation et les zones de stationnement des véhicules clients afin de laisser les allées bien dégagées au moment du chargement des marchandises.
À la sortie, les caisses et la cabine d’accueil ont été climatisées. À la demande des collaborateurs, une signalétique a été posée devant la barrière pour signaler au conducteur de couper le moteur à l’arrêt, ce qui limite la pollution par les gaz de pot d’échappement.
Dans le cadre de la prévention des TMS, pour diminuer les contraintes posturales, les palettes ont été surélevées au moyen de rehausseurs, afin de limiter les flexions, inclinaisons du tronc (photo). Sur les racks de stockage, des barrières de sécurité stabilisent les marchandises, ce qui évite tout risque de basculement.
Circulation des camions à sens unique
Cette nouvelle surface a également permis de revoir le circuit d’approvisionnement. Auparavant, les camions entraient et sortaient par le même portail lors des déchargements. À présent, la circulation des camions s’effectue à sens unique.
« En supprimant les croisements de flux de camions et les manœuvres, on limite les risques de collision et d’écrasement », observe Jean-Michel Scotto d’Aniello, service Conception Carsat Sud-Est. Il suivra la progression du magasin jusqu’à sa finition.
Prochaine étape : les quais de livraison.
Organisation du travail : les vendeurs ne manutentionnent plus le matin.
La mise en rayon constitue un moment clé de l’activité chaque matin. Sur la base d’une étude préalable réalisée par un chef de projet national (mesure des palettes, allées-et-venues en réserve,…), une nouvelle organisation a été mise en place dans le magasin.
Entre 13 et 20h, un salarié prépare toutes les palettes dans une zone de mise à disposition. C’est le « dispatcheur de l’après-midi ».
À la fermeture, ces palettes sont tirées dans le magasin, de façon à ce que le lendemain matin, entre 6 et 13h, une équipe logistique de 14 salariés puisse effectuer la mise en rayon.
Ils sont aidés du « dispatcheur du matin » chargé de mettre en rayon les compléments de palettes et de faire le ramassage des cartons dans le magasin. Résultat : les circulations sont limitées, les manutentions de charges des vendeurs sont réduites, et leurs missions ne sont pas perturbées.
Des rolls en bout de linéaires. En fin de matinée, certains produits sont dépalettisés et déconditionnés dans une zone de préparation en dehors de la surface de vente.
Ils sont stockés sur des rolls et placés en bout de linéaires (photo). Montés sur roulettes, ils facilitent le transport des marchandises jusqu’au rayon et diminuent le nombre de prises en main du produit. « Le vendeur peut continuer d’approvisionner les rayons dans la journée tout en restant au plus près du client, sans faire des allées-et-venues en réserve », indique la RRH. De plus, « les produits sont positionnés sur les étages du rolls en fonction de leur position sur le linéaire ». Les postures contraignantes sont limitées.
Intégrer les nouvelles habitudes d’achat
Au service retrait marchandises, Mickaël Georget indique que « les surfaces vont être triplées. De 1 000 m2, on va passer à 3 000 m2 pour le stockage des produits. L’accueil retrait client va s’agrandir lui aussi, de 50 à 300 m2. »
Deux nouveaux espaces de retrait sont en cours de construction : le « Retrait 2h en magasin » offre au client la possibilité de venir retirer sa marchandise 2 heures après une commande en ligne. Le Drive va lui aussi faire l’objet d’un aménagement particulier dans l’angle du magasin. Après avoir passé commande à distance, le client pourra venir effectuer son retrait en voiture. « C’est un gain en confort d’achat. Cela évite au client de sortir avec un énorme caddie par les caisses. »
Fin des travaux en avril 2016.
€ Investissement Menuiserie
Leroy Merlin Aubagne, 210 salariés, surface totale 18 000 m2
Aspiration haute dépression 8 000 €
Aspiration de la scie à panneaux 30 000 €
Lève-plaque à ventouses 40 000 €
En savoir plus :
Prévention des risques professionnels dans les magasins de bricolage. CRAM/FMB, 2004.
Commerces de détail : petite et grande distribution. Dossier INRS.
Prévenir les risques liés aux poussières de bois. Dossier INRS.