Les arrêts de travail et les accidents sont fréquents chez les professionnels de l’aide à domicile. Multifactoriels, ils désorganisent les plannings et l’entreprise. De plus, c’est un secteur où le reclassement des salariés avec inaptitudes est difficile. Objectif Familles, une association basée à Aubagne, a mis en œuvre une démarche de prévention dans laquelle proximité et écoute des salariés sont au cœur de tous les processus.
LES RISQUES. Première cause de maladie professionnelle dans le secteur de l'aide à domicile, les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont liés aux gestes répétitifs et contraignants et aux manutentions manuelles. Le risque de chute est fréquent. Confrontés à des situations parfois difficiles, les salariés sont exposés aux risques psychosociaux, amplifiés par des horaires contraints et un manque de reconnaissance professionnelle. Les déplacements multiples accentuent le risque routier. D’autres risques peuvent survenir en fonction du profil des usagers, des lieux d’intervention et de la nature des prestations : risque biologique, risque électrique, risque chimique…
EN CAUSE : la nature même de l’activité. Les interventions ont lieu chez les particuliers où toutes les bonnes conditions de travail ne sont pas toujours réunies. Le matériel mis à disposition peut être défectueux ou inadapté, les produits ménagers nocifs… D’un côté, les usagers n’ont pas toujours conscience des risques, de l’autre les intervenants ont du mal à refuser. Fidélisation et « contact humain » obligent... De plus, les limites du contrat ne sont pas toujours bien définies. Dans un contexte de baisse des subventions, les interventions sont de plus en plus courtes. Il faut faire plus vite, se déplacer plus. Il peut même exister du harcèlement téléphonique ou des agressions quotidiennes qui génèrent du stress. Isolés, les salariés ont besoin de se confier, de partager leurs expériences. À condition que l’entreprise ait prévu des espaces de parole...
Objectif Familles : « Nous avons choisi la proximité avec nos collègues de travail. »
Née en 2004, Objectif Famillles intervient dans un rayon de 25 km autour d’Aubagne pour offrir 4 services à domicile : l’accompagnement de la personne âgée ou handicapée, l’aide ménagère et la garde d’enfant.
Son personnel, 100% féminin, comprend une trentaine de salariées pour 130 usagers. En refusant d’ouvrir une branche SSIAD (Services de soins infirmiers à domicile), cette association a su trouver une stabilité dans son fonctionnement. Entre 2011 et 2014, le nombre de jours d’arrêts de travail a chuté de 755 jours à 46 jours par an.
Les préconisations de la Carsat
Anne-Marie Passoni, contrôleur de sécurité à la Carsat Sud-Est, a effectué une première visite en 2011. « La direction était sensibilisée à la prévention des risques professionnels, mais il manquait une culture de prévention partagée par l’ensemble des acteurs de l’entreprise. » En particulier :
- Mettre en place une démarche qui donne à chacun un rôle dans la prévention : la directrice qui définit la politique de prévention, l’encadrement qui met en œuvre cette politique en lien avec l’ensemble des acteurs, les aides à domicile qui analysent leurs situations de travail, remontent les risques et font des propositions d’amélioration ;
- Procéder à une évaluation détaillée des risques liés au domicile et à la nature de l’intervention, puis les formaliser dans un recueil (cf. grille de repérage INRS en fin d’article) ;
- Définir les contours de la mission pour limiter l’émergence de conflits ;
- Trouver des solutions adaptées ;
- Sensibiliser le personnel à travers des réunions collectives ou le tutorat pour les nouveaux arrivants (cf. dépliants de sensiblilisation en fin d’article).
« Le gage de réussite de la maîtrise des risques professionnels est d’agir sur trois leviers : le technique, l’organisationnel et l’humain. »
L’idée a fait son chemin. Laetitia Grenier, secrétaire polyvalente de l’association (photo), a pris ses fonctions en 2011. « Beaucoup d’arrêts de travail étaient liés à la pression psychologique. » Des mesures organisationnelles ont été mises en place.
« La Carsat nous a également proposé une aide financière pour le dispositif de formation CPS/ CRPS et l’achat de matériel. Nous n’avons aucun moyen financier. Pour nos salariées, c’était aussi une reconnaissance professionnelle. »
Bonnes idées organisationnelles
- Le repérage des risques : « Pour chaque affectation, nous analysons les besoins de l’usager, nous visitons les lieux afin de repérer les risques et les formaliser dans un recueil. Nous demandons aux salariés de nous informer pour tenir à jour ces diagnostics. »
- Le contrat cerne le périmètre des missions (courses, entretien, repas, sortie) et fixe trois interdictions : ne pas monter au-delà de 3 marches sur un marchepied, ne pas déplacer des meubles lourds, ne pas lessiver les murs. « Pour le reste, il faut s’adapter à l’usager. C’est le côté humain. » Une fiche de mission, établie par le chef de secteur, et remise aux salariées, recense les particularités (pathologies, préférences,…). « On leur dit tout. »
- La gestion du planning. « Pour réduire le poids psychologique, nous affectons plusieurs salariées à un même usager. Pour limiter les déplacements, les missions à proximité de leur domicile sont privilégiées. En cas de panne, deux véhicules sont à leur disposition. »
- Le règlement intérieur interdit de confier le numéro de portable personnel de l’aide à domicile à l’usager.
- Libérer la parole. « Nous incitons les salariées à communiquer entre elles et faisons remonter les avis positifs des familles. Nous-mêmes nous les remercions. Notre bureau est ouvert 7/7 jours, notre portable toujours allumé. Elles se sentent moins seules. En cas de problèmes personnels, on peut modifier les plannings. La flexibilité, c’est aussi de la reconnaissance. Et c’est réciproque. Elles aussi peuvent nous faire des concessions. On organise une petite fête tous les six mois, un barbecue, un repas… Enfin, nous allons mettre en place une réunion mensuelle en présence du délégué du personnel. »
- Les formations sont très valorisantes. « Les bases de l’intervention à domicile » ; « Limite des tâches » ; « Aide culinaire »… « Les salariées nous les demandent, avec une préférence pour les sessions collectives. »
Un dispositif de formation spécifique qualifiante CPS/CRPS
En 2014, 21 salariés ont obtenu le Certificat Prévention Secours. Valable 24 mois, le CPS vise à réduire les risques professionnels et à améliorer le confort et la sécurité de la personne aidée. Les sessions, dispensées par un organisme de formation habilité (lien en fin d’article), se sont déroulées par groupes de 7 sur 3 journées en interne. Le chef de secteur et la directrice ont également obtenu le Certificat Référent Prévention Secours (CRPS).
L’enseignement reprend notamment les principes des « gestes et postures » – « très appréciés des salariées ; au final, elles s’économisent » – et les bases du secourisme. « Il y a trois mois, une personne âgée est devenue violette et sans voix, prise de vomissements. Régine, notre salariée, a communiqué avec elle par les mains. Cette formation lui a permis d’avoir les bons réflexes et d’appeler les Secours. »
« La difficulté est de convaincre les usagers et leur entourage qu’ils peuvent améliorer les conditions de travail des aides à domicile. » Anne-Marie Passoni, contrôleur de sécurité, Carsat Sud-Est
Du matériel adapté
- Les plans d’action de ce secteur d’activité proposent rarement des mesures techniques de prévention. En aidant l’association à investir dans du matériel, la Carsat Sud-Est a visé en priorité la diminution des risques TMS.
- Procédé ergonomique de nettoyage des sols : 50 seaux de lavage Elara avec balai essoreur.
- Aide à la manutention des courses, y compris dans les escaliers : 50 chariots de courses à trois roulettes.
- Intervention depuis le sol, sans escabeau : 50 raclettes avec perche télescopique pour le lavage des vitres.
- 1 aspirateur à disposition, en cas de panne de l’aspirateur du bénéficiaire et en attente de la réparation ou du remplacement.
- Protection, hygiène et signe de reconnaissance professionnelle : 100 blouses professionnelles.
Les retours sont globalement positifs. « Ce matériel est cadeau pour nos usagers. Nos salariées se cassent moins le dos pour le même résultat ! »
€ Investissement Objectif Familles, Aubagne (13400)
Secteur Aide à domicile, 130 bénéficiaires, 33 salariées (dont 20 CDI 90h00)
Formation CPS : 6 000 € (coût pédagogique)
Achat de matériel : 9 830 €
En savoir plus :
- Grille de repérage des risques professionnels à domicile, INRS, 2010.
- Des outils pour l’aide à domicile : quiz, guide de bonnes pratiques, 7 dépliants de sensibilisation.
- Devenir CPS intervenant à domicile, Carsat Sud-Est.