En région Sud-Est, 327 établissements ont une sinistralité avérée en matière de troubles musculo-squelettiques. Pendant quatre ans, de 2014 à 2017, ils seront accompagnés par les préventeurs de la Carsat Sud-Est dans le cadre du programme national TMS Pros. Présentation de cette démarche de prévention avec l’ADAFMI, une association très impliquée dans la prévention des TMS, et déjà bien avancée dans ce dispositif en 4 étapes.

Depuis 45 ans, l’ADAFMI propose des services d’aide et de soins infirmiers à domicile (SSIAD) dans une soixantaine de communes du Centre Var, de Saint-Maximin à Saint-Raphaël (hors Toulon et zone littorale).

Outre le ménage-repassage des actifs, la garde d’enfants à domicile, l’entretien du logement, le jardinage et bricolage, elle propose des services de garde de nuit auprès de personnes âgées, handicapées ou malades, et dispose aussi d’une Équipe Spécialisée Alzheimer (ESA).

En moyenne, 285 salariés interviennent à domicile (dont une trentaine d’aides-soignants) pour environ 1 300 bénéficiaires (dont 120 pour les SSIAD). Même si le turnover est important, certains intervenants ont 25 ans de métier.

La prévention des TMS : des enjeux humains et économiques

En 2014, 7 maladies professionnelles ont été reconnues. Toutes liées à des TMS. « Les parties du corps les plus atteintes sont le canal carpien, l’épaule et le dos », précise Marine Mauron, référente action TMS à l’ADAFMI. Les salariés peuvent souffrir de douleurs, de pathologies avec des effets irréversibles, de séquelles handicapantes, ils sont menacés d’inaptitude et de perte d’emploi. La tranche d’âge 40-50 ans est particulièrement concernée.

Les TMS représentent également un coût important pour l’association : un coût direct pour la prise en charge des maladies professionnelles, et des coûts potentiellement indirects ayant des incidences importantes sur l’organisation du travail (absentéisme, reclassement et formation des nouveaux embauchés, baisse des performances de l’entreprise, etc.). En 2014, 779 jours d’arrêt étaient liés aux TMS.

« La difficulté de notre secteur, c’est que nous avons autant de postes de travail que de patients et de bénéficiaires, souligne Marine Mauron. Nous travaillons de l’humain vers l’humain. »

Une association impliquée dans la prévention des TMS

Bernard Péglion, contrôleur de sécurité à la Carsat Sud-Est pour le secteur Var, suit l’ADAFMI depuis plusieurs années. Il décline les nombreuses actions de prévention qui ont été mises en place pour réduire les TMS :

  • La création d’un CHSCT en 2009 : « Nos salariés sont exposés aux risques psychosociaux, et l’on sait l’influence que cela peut avoir sur les TMS. Ils ont notamment la possibilité d’alerter le CHSCT et des groupes de parole sont organisés 4 fois par an auprès d’un psychologue. »
  • La désignation d’un responsable Qualité en 2009, dans le cadre d’une démarche de certification. Son rôle est notamment d’harmoniser les pratiques professionnelles, de mieux maîtriser les situations à risque et de valoriser les métiers de l’aide à domicile.
  • La même année, de nombreuses actions de sensibilisation sont conduites : un guide INRS de bonnes pratiques de prévention est remis à chaque salarié (lien en fin d’article). Aux bénéficiaires, il est rappelé régulièrement les bonnes pratiques (matériel, consignes) sur les factures adressées.
  • A l’embauche, un kit « Passeport Santé au travail » est remis à chaque salarié, accompagné d’une lettre d’engagement. Il comprend de nombreuses consignes (gestes, postures, manutentions) relatives à l’entretien du logement, aux déplacements et aux situations d’urgence : « En cas de chute de la personne aidée, il faut théoriquement l’accompagner puis alerter les secours. Mais dans la pratique, les intervenants ont le réflexe de la rattraper, ce qui crée des dommages corporels. C’est humain. »
  • Des actions de formation sont mises en place pour la prévention de tous les risques professionnels (psychosociaux, anticipation des situations d’urgence, limites du cadre du travail), et pour les TMS, la formation « ergothérapie-manutention ».
  • En 2015, Marine Mauron devient la référente action TMS. « Cette désignation s’inscrit dans le cadre du programme national TMS Pros ciblant les entreprises ayant eu en 2012 au moins 2 maladies professionnelles inscrites aux tableaux du régime général de Sécurité sociale, précise Bernard Péglion. L’ADAFMI a eu 4 maladies professionnelles en 2012. Et dans le Var, 61 entreprises sont ciblées par ce programme. »

TMS Pros : une méthodologie structurée en 4 étapes

logo tmsprosÉtape n°1 : état des lieux et inscription de l’entreprise dans la démarche.

C’est en 2014 que Bernard Péglion organise une première réunion au siège de l’association pour présenter la démarche de prévention et les outils en ligne sur le site tmspros.fr.

« La direction est très sensibilisée aux TMS et il y a une forte implication des délégués du personnel au niveau du CHSCT, observe Marine Mauron. C’est assez naturellement que la direction s’est tournée vers moi, au service RH, pour remplir le tableau de bord TMS Pros. Cet outil en ligne n’était pas connu. Heureusement, M. Péglion était là pour nous épauler. Ensuite, il m’a contactée pour suivre une formation TMS Pros en février-mars 2015 et des réunions sectorielles ont été organisées auprès de notre personnel, elles ont notamment permis de le sensibiliser à la démarche TMS Pros. »

Étape n°2 : se fixer des objectifs et des priorités.

« La formation TMS Pros nous a apporté une vision nouvelle sur le travail de tous les salariés, tant pour le personnel administratif que pour les intervenants à domicile. Nous avons fait une analyse approfondie des accidents du travail et ré-étudié le travail effectué en décortiquant dans le détail toutes les tâches effectuées par le personnel. »

À la suite de cette formation, Marine Mauron a été désignée référente action TMS. « Je travaille en binôme avec ma responsable RH. En réalisant le dépistage des postes à risques, le transfert de patients nous est apparu comme une priorité. » En effet, « le dos est très sollicité pour accomplir cette tâche » et « cette dernière représente un nombre très important d’accidents du travail et de maladies professionnelles. » Avec la responsable du service de soins, Marine Mauron a donc analysé ce poste et cherché des solutions. « Dans un premier temps, nous allons agir en direction des aides-soignantes à domicile, proportionnellement les plus atteintes. »

Les prochaines étapes n°3 et 4.

Actuellement, l’ADAFMI est en phase de validation de l’étape 2. « Tous les objectifs sont atteints, estime Bernard Péglion : l’association s’est inscrite dans la démarche, tous les acteurs de l’association sont impliqués, la Gouvernance soutient cette démarche, les salariés sont informés de la démarche, la formation TMS Pros a été dispensée, une personne ressource a été désignée et les postes à risque TMS ont été dépistés afin de prioriser les actions. »

La prochaine étape n°3 va consister à élaborer un diagnostic approfondi et un plan d’actions. Ces actions peuvent concerner : la conception des outils ou des produits, le poste et l'espace de travail, l'organisation de la production et du travail. À terme, une évaluation finale constituera l’étape n°4. « On doit vérifier que les mesures prévues dans le plan d’actions ont été correctement engagées, mais aussi évaluer leur efficacité et leur pérennité », note Bernard Péglion.

Parole du professionnel : TMS Pros n’est pas une contrainte. C’est une démarche participative qui ouvre sur une réflexion dans la durée. Marine Mauron, référent action TMS, ADAFMI

En entrant dans ce nouveau processus, l’ADAFMI espère vraiment diminuer le nombre de TMS. Cependant, « cette démarche demande beaucoup de temps, fait observer Marine Mauron. Il faut mobiliser les équipes. Et il y a le frein financier. Certaines solutions sont coûteuses. Nous mettons tout en œuvre pour réaliser au mieux cette démarche, mais des structures plus petites peuvent se trouver en difficulté. »

« Cette démarche est complexe », reconnaît Bernard Péglion. Il propose « d’assouplir la démarche, en ciblant un poste de travail prioritaire dans un premier temps, puis en la déployant à d’autres postes dans la durée. » Cela a été le choix fait par l’ADAFMI en se concentrant sur une seule situation à risque.

Zoom sur 5 solutions envisagées à ce jour par l’ADAFMI pour améliorer le transfert de patients :

  1. Le repérage des « tournées lourdes » : il s’agit d’identifier les personnes les plus corpulentes, les plus résistantes, ou selon leur degré de perte d'autonomie (groupe GIR 1 à 4). Cette solution a été mise en place il y a déjà quelques années.
  2. La mise en place de binômes : cette solution est déjà en œuvre, elle découle du premier point. Lorsque la situation le nécessite, deux aides-soignantes peuvent se relayer chez un même patient.
  3. La demande d’équipements spécifiques. Si l’aide-soignante ne peut pas intervenir seule dans de bonnes conditions, l’ADAFMI peut encourager le bénéficiaire à mettre en place des équipements spécifiques (lève-malade, verticalisateur, lit médicalisé) sur prescription médicale en précisant le financement susceptible d’être mobilisé.
  4. Une procédure obligatoire lors de la visite de 1ère évaluation à domicile, en présence de l'infirmière coordinatrice (IDEC) et éventuellement de l’ergothérapeute. Cette action s’ajouterait à la grille INRS de repérage des situations à risques que les intervenants sont appelés à remplir avant toute intervention dans un nouveau domicile (lien en fin d’article).
  5. Création d’un groupe de travail mixte sur cette problématique du transfert de patients, puis d’autres situations de travail à risque de TMS, représenté par tous les corps de métiers : cadres, administratifs, employés, intervenants sur le terrain et la gouvernance.

Dans tous les cas, l’aménagement du planning par le responsable de secteur reste un élément clé. « Nos plannings sont réfléchis en fonction des compétences, des capacités et des qualifications de notre personnel. »

En savoir plus :

Les outils TMS Pros sont accessibles en ligne pour toutes les entreprises :