AMP, gestionnaire de la plateforme aéroportuaire, impose une solution innovante et sécurisée pour limiter la vitesse des chariots à bagages et améliorer la qualité de l'air.
20 minutes, c'est le temps d'escale d'un avion. C'est aussi le temps imposé aux « assistants » de manutention pour décharger et recharger les bagages dans l'avion.
« Depuis le 11 septembre 2001, le tri bagages est devenu de plus en plus sophistiqué, avec l'ajout de machines de contrôle tout le long des tapis convoyeurs », observe Olivier Azemard, chef du service sécurité et technique de l'environnement à l'AMP. Les bagages passent à l'enregistrement et au scanner via un carrousel qui descend en galerie au sous-sol.
Tri bagages, une forte coactivité
L'AMP compte 5 zones indépendantes de tri bagages le long des pistes (halls 1 à 4 et MP2). Dans ces espaces confinés, c'est une ronde incessante de chariots, où circulent des véhicules légers, des manutentionnaires et des piétons. « Il y a beaucoup de casse matérielle. » D'un poids supérieur à 2 tonnes, un tracteur de chariot atteint vite 25 km/h. En l'absence d'amortisseur, il tressaute au moindre défaut du sol.
Au-delà des risques de collision, les conducteurs sont soumis à des vibrations continues et des chocs pouvant être à l'origine de troubles musculo-squelettiques (TMS), lombalgies, etc. Le bruit, causé par l'entrechoquement des crochets reliant les wagons, est un paramètre supplémentaire des contraintes de l’activité.
« En 2012, à l'Aéroport d’Orly, un agent assis sur une glissière dans une zone de tri bagages a eu les jambes fauchées. » La prise de conscience est partagée par tous : gestionnaires d'aéroport, compagnies, assistants, sous-traitants, intérimaires.
Des responsabilités partagées
« En tant que gestionnaire de l’infrastructure, notre devoir est d'inciter les compagnies et leurs assistants à sécuriser leurs activités, estime M. Azemard. Dès 2013, nous avons recherché des solutions pour limiter la vitesse. »
Dans un premier temps, AMP installe des ralentisseurs au sol de type trapézoïdal. Mais ce procédé n'est pas adapté. «Très bruyant, ce sursaut infligeait des chocs brutaux aux conducteurs. Certains agents les contournaient, ce qui était dangereux. »
Un système Bluetooth de limitation automatique de vitesse
En 2016, un fournisseur leur présente un équipement Bluetooth, composé de 3 éléments :
- une borne capteur bluetooth, placée en entrée et en sortie de zone de ralentissement ;
- un module embarqué dans le véhicule : boîtier électronique dans le moteur + antenne-relais sur le toit du chariot ;
- un serveur central relié au réseau de capteurs surveille l’ensemble.
À l'approche de la borne, le véhicule ralentit de 25 à 8 km/h.
« Contrairement au WiFi, ce système Bluetooth est entièrement sécurisé. »
- Toute tentative de retrait de l'équipement (démontage des câbles) active une alerte. Le contournement n'est pas possible.
- Le Bluetooth cible chaque zone de façon indépendante. Pas de risque d'interférence.
- En cas d'anomalie sur le réseau de bornes, le serveur central est alerté.
Obtenir l'adhésion de toutes les parties prenantes
Les premiers essais débutent au printemps 2016 dans le hall 4. Tous les ralentisseurs physiques sont retirés, des bornes sont placées en entrée et en sortie de zone, et un limiteur est installé sur le tracteur de chaque « assistant ». Au bout de 3 mois, l'essai s'avère concluant.
Une consultation générale est organisée pour présenter le produit aux 3 compagnies, charge à elles de relayer l'information à leurs « assistants ».
Un bordereau de prix est négocié entre AMP et le fournisseur pour que tous les types de tracteurs bénéficient de tarifs préférentiels.
« Ce système ne fonctionne que sur l'électrique. En 2016, encore 30% des chariots étaient thermiques. » Aidé par une évolution de la réglementation européenne, AMP réussit à imposer le tout électrique et l'utilisation d'un limiteur de vitesse compatible avec l'infrastructure en place. « Un arrêté de police, signé en novembre 2016, les a rendus opposables à toutes les compagnies et assistants. » En cas de non-respect, la gendarmerie des transports aériens (GTA) a pouvoir de dresser procès-verbal.
18 mois pour déployer
À fin 2016, AMP a terminé les travaux d'infrastructure dans les 4 zones de tri bagages, à savoir :
- suppression de tous les ralentisseurs physiques au sol ;
- installation des bornes bluetooth (« dans les deux sens, au cas où un chariot entrerait en sens interdit ») ;
- réfection des sols : « On en a profité pour remettre à niveau l'état des sols, défauts, trous,... précise Alain Gontard, préventionniste sécurité au travail à l'AMP. Les vibrations ont été fortement réduites. »
De leur côté, les compagnies et leurs assistants suppriment progressivement leurs chariots thermiques, les flottes passent à l'électrique et s'équipent d'un limiteur de vitesse.
Investissement
- Coût total des travaux d'infrastructure : 25 000 €
- Coût du module (boîtier électronique + antenne) : 300 € par chariot
Olivier Azemard : « Les résultats sont spectaculaires. Depuis novembre 2017, l'ensemble du parc est équipé d'un limiteur de vitesse. Très bénéfique au plan humain, ce dispositif s'avère également rentable au plan matériel. »
- Aucune collision depuis l'installation des équipements Bluetooth.
- Le bruit a baissé de 5 décibels. « L'ambiance en sous-sol est beaucoup plus sereine. La conduite est plus douce. »
- Le nombre de chocs matériels a diminué, et donc « il y a moins de dégradations, ce qui constitue un axe de rentabilité ».
- La qualité de l'air s'est améliorée : 100% de chariots électriques.
- Une nouvelle demande de borne a été formulée par un assistant dans une zone extérieure, « ce qui est assez inattendu ».
Cerise sur le gâteau, la solution a fait des petits. « L'aéroport Nice-Côte-d’Azur a intégré ce dispositif en 2017, et cette année, l'aéroport Toulouse-Blagnac va également l'adopter. »
Le mot du préventeur : « La réfection des sols, le retrait des obstacles et le limiteur de vitesse ont diminué les risques de vibrations et le bruit. » Fabrice Borel, contrôleur de sécurité, Carsat Sud-Est
Un système évolutif
À l'avenir :
- le fournisseur va fournir une douchette de contrôle permettant de vérifier localement que chaque tracteur est bien équipé et chaque balise est opérationnelle ;
- de nouvelles zones pourraient être couvertes ;
- d'autres véhicules seront équipés, en particulier les véhicules légers.
Vers une centralisation du tri bagages
D'ici 2023, AMP prévoit une augmentation du trafic de 9 à 11 millions de passagers. Un projet d'extension de l'aéroport est en cours, à hauteur de 500 millions € sur 10 ans. Afin d'améliorer la sûreté et l'enregistrement, une zone de tri bagages unique est prévue dans le cœur d'aéroport, ce qui suppose la refonte des modes de fonctionnement. « Le système Bluetooth de limiteur de vitesse sera pérennisé », assure Olivier Azemard.
Chiffres clés Aéroport Marseille Provence, 13727 Marignane
Secteur activité aéroportuaire, 5 500 emplois, dont 400 salariés de la société gestionnaire AMP
36 compagnies aériennes, 150 lignes, 9 millions de passagers / an
En savoir plus
Les activités aéroportuaires, dossier Travail et sécurité, INRS 2014.
ED 6180. La coactivité autour des avions en escale : référentiel des risques et mesures de prévention. INRS, 2014.
Qualité de l'air extérieur en milieu aéroportuaire – étude métrologique. Références en santé au travail, n°144, 2015.
Rayonnements ionisants, dossier INRS.