Le maître d’ouvrage Bouygues Immobilier déploie un dispositif innovant de protection contre les chutes de hauteur dans son programme de construction de maisons individuelles. Interview de Jean-Philippe Zeh, directeur technique de la région Provence chez Bouygues Immobilier.
Bouygues Immobilier assume financièrement un dispositif de protection des trémies d'escaliers en PACA. En quoi cela consiste-t-il ?
Dans une maison individuelle R+1, il y a un grand trou dans le plancher de l’étage, qui correspond à la réservation pour l’escalier d’accès lorsqu’il n’est pas en béton. Il est posé à la fin du chantier. Il faut donc le protéger pendant toute la durée du chantier. La meilleure solution consiste à le boucher au moyen d’un podium*(voir photo). Il sert de coffrage perdu à l’étage, et deux trappes permettent un accès sécurisé des ouvriers et du matériel.
Pourquoi avoir privilégié cette solution plutôt qu’une autre ?
Bouygues Immobilier opère depuis des décennies. En PACA, c’est le promoteur le plus actif, avec une vingtaine de chantiers par an, en moyenne de 60 à 80 maisons individuelles, jusqu'à 1000 logements dans le collectif. Sur toutes nos opérations de maisons, les systèmes de protection de trémie étaient perfectibles.
Dans un précédent programme à Salon-de-Provence, une autre entreprise nous avait proposé un système de protection de trémies basé sur la fixation de sabots supportant des bastaings. Mais il n'y avait pas de trappe, le trou était plus important, et au final, c’était beaucoup moins sécurisant. Quant aux garde-corps, trois jours après, ils sont retirés ! Ce système de podium est bien plus performant au plan qualitatif.
Quel a été l’élément déclencheur ?
L’influence de la Carsat Sud-Est, avec laquelle nous avons eu deux réunions dans nos locaux en 2013. [Sur la photo, Anne-Marie Passoni et Olivier Trojani, contrôleurs de sécurité à la Carsat Sud-Est, échangent avec M. Zeh devant un podium de trémie d’escalier sur le chantier de Saint-Martin-de-Crau, juin 2015.] La protection contre les chutes de hauteur était un point sur lequel les préventeurs ont insisté. Et c’est justifié.
J’ai conduit des travaux de gros œuvre pendant dix ans, et je suis très sensibilisé à la protection des trémies d’escaliers. Un gros souci. De plus, cette démarche avait déjà été initiée en région parisienne par la COMET, qui est notre constructeur en PACA. Le résultat est là.
Quels avantages en tirez-vous ?
La sécurité avant tout. Quand un chantier est en sécurité, les ouvriers travaillent mieux. Je pense aussi au second œuvre, les électriciens, plombiers, plaquistes et menuisiers sont également exposés aux risques de chute de hauteur. Maintenant que nous avons défini un catalogue de maisons économiques, simples à construire, nous allons pouvoir reproduire cette solution de façon systématique sur tous nos chantiers.
Les entreprises qui ont participé à leur conception technico-économique ont été sélectionnées par Bouygues pour les construire. Grâce à cette organisation, ce sont toujours les mêmes entreprises qui se retrouvent sur les chantiers pour réaliser les mêmes ouvrages. Elles connaissent le produit par cœur. Cette proximité entre les différents corps d’état, cette régularité, créent une émulation. Tout le monde s’entraide et se respecte.
Vous allez intégrer le podium dans tous vos programmes de construction en PACA ?
Tout à fait. Le concept de nos « maisons modèles » repose sur un plan que nous avons commencé à élaborer en 2013 pour les villas Indigo à Châteauneuf-les-Martigues. Nous l’avons optimisé en termes de coûts et de facilité d’exécution.
C’est une démarche conjointe avec l’entreprise de construction COMET PACA et toutes les entreprises qui interviennent sur le second œuvre. Les améliorations portent sur l’organisation du garage, l’usage de briques au lieu du béton, une gaine technique unique pour la plomberie… et donc la protection des trémies d’escaliers.
Le podium est actuellement utilisé dans plusieurs de nos programmes de construction, à Istres (26 maisons), à Châteauneuf-les-Martigues (20 villas Sona et 28 Castel d'Azur) et à Saint-Martin-de-Crau (58 maisons).
Vous êtes un acteur national. Allez-vous répliquer le concept partout en France ?
Absolument. Chez Bouygues Immobilier, nous exportons notre catalogue de maisons et tout ce qui l’accompagne : le concept, les plans, l’organisation du chantier, y compris les devis de nos entreprises. Mes collègues de Bouygues vont intégrer cette solution sur tout l’arc méditerranéen.
À Toulouse, deux opérations sont en cours sur ce modèle, et il y en a une dans le Var. Une opération se lance aussi à Bordeaux. En région parisienne également, si Bouygues réalise ces maisons, ils les feront avec COMET, et donc avec les podiums.
À votre avis, pourquoi cette solution n’est-elle pas plus répandue dans le secteur du BTP ?
L’élément financier. 700 euros par unité, main d’œuvre comprise pour la pose et la dépose, cela représente 1% du coût global de la construction d’une maison. C’est un investissement. Et il faut un podium dans chaque maison. Pour l’instant, il n’est pas réutilisable. À la fin du chantier, le podium est détruit. Mais nous réfléchissons à une solution de réemploi. Pour être viable économiquement, il faudrait le réutiliser sur une quinzaine de maisons d’après la COMET.
Vos chargés d’affaires sont-ils formés aux risques professionnels ?
Ma direction gère la conception, l’appel d’offres et le SAV. La sensibilisation de nos équipes se situe plutôt au niveau de l’exécution. Les responsables de programme et les techniciens de réalisation suivent régulièrement des formations. Nos coordinateurs SPS font des points réguliers en début de chantier. Ils ont des inspections communes initiales. Mais il est vrai que des choix de mesures de prévention doivent s’opérer en amont, à la conception.
Avez-vous mis en place d’autres mesures de prévention innovantes ?
Oui. On a abandonné les clôtures de chantier Heras. Désormais des panneaux grillagés sont scellés à demeure dans le béton tout autour du chantier. C’est très dissuasif, pour toutes sortes d’intrusions. Un second point important est l’organisation du chantier. Comme je l’ai dit, du fait de cette démarche de maisons modèles, les équipes se connaissent.
Le maçon connaît le couvreur, qui connaît le plombier, etc. Il y a une répétitivité des tâches. Tout le monde travaille vraiment ensemble. C’est important pour la sécurité. Quand il n'y a pas de surprise, l’ouvrier peut travailler sereinement.
Et dans le logement collectif ?
C’est très différent, car l’escalier est en béton. Au fur et à mesure qu’il se construit, on construit la cage d’escalier en béton autour de la trémie. Ce qui protège les ouvriers.
Par contre, les trémies de planchers pour le passage des tuyauteries sont bouchées en amont par du béton cellulaire dans lequel on perce les trous à la taille désirée sans retirer la protection, ce qui se passe quand elle est en platelage bois. Ce procédé permet de protéger les salariés des chutes de hauteur et des chutes d’objets pendant toute la durée du chantier.
A lire aussi en rubrique Bonnes Pratiques : « COMET PACA monte sur la première marche du podium »
En savoir plus :
Formation MOA « Rôles et responsabilités des maîtres d’ouvrages, assistants et délégataires du BTP, et intégration des bonnes pratiques autour du socle commun de prévention. » 1 jour, Carsat Sud-Est.