Entretien-découverte avec le Dr André Dubois, nommé MIRT à la DIRECCTE Paca en mai 2016. Il est au cœur du réseau régional des institutions et des acteurs de la santé au travail.
Les médecins du travail sont un maillon essentiel de la prévention des risques professionnels. Comment définiriez-vous votre mission par rapport à eux ?
Ma mission essentielle est de préserver la santé des salariés, en intervenant autour de l'organisation et du fonctionnement des services de santé au travail, interentreprises (SSTI) ou autonomes. L'employeur a des obligations de moyens et de résultats sur la santé et la sécurité de ses salariés, dont il confie le suivi individuel à un SST.
Mon rôle est donc de veiller à ce que ces services soient en mesure de fournir cette prestation aux employeurs, afin de garantir aux salariés une égalité de droit à la santé au travail. J’interviens également auprès des médecins du travail en soutien technique, notamment lorsqu’ils s’apprêtent à rendre un avis d’inaptitude.
Je participe à la veille sanitaire en organisant et promouvant la contribution des médecins du travail aux grandes enquêtes épidémiologiques (SUMER notamment).
De quels moyens disposez-vous pour faire appliquer ce droit ?
En Paca, on compte 16 SSTI et une trentaine de services autonomes. Les agréments sont renouvelés tous les 5 ans. Avec l'appui de 2 médecins inspecteurs du travail de la région Nouvelle-Aquitaine, j'étudie chaque dossier de demande d'agrément et je procède à une enquête sur place auprès des différents acteurs des services de santé. C'est une mission régalienne : j'émets un avis au directeur de la DIRECCTE qui prend la décision d'agrément.
En même temps, j'accompagne et je conseille les médecins du travail au fil de l'eau. Chaque SST est tenu de nous adresser les rapports annuels d'activité de tous les médecins, le rapport annuel et financier du service, et une fiche de synthèse sur l'activité. En 2017, l’Inspection Médicale du travail s’est notamment mobilisée pour accompagner la Réforme de la Médecine du Travail portée par le Décret du 27 décembre 2016.
Avez-vous déjà émis un avis négatif ?
Les avis du MIT permettent au DIRECCTE de prendre une décision quant au bon fonctionnement des services de santé. La DIRECCTE veille à l’application du droit de la santé au travail des usagers, employeurs et salariés. Quand les conditions de cette bonne application ne sont plus réunies, nous en tirons les conséquences.
Quelles sont les thématiques collectives prioritaires ?
Je vois deux piliers : la pluridisciplinarité et l'équilibre des ressources. Le médecin du travail anime et coordonne une équipe qui intègre des infirmières de santé au travail, des collaborateurs médecins et des internes en médecine qui ont vocation à devenir médecins du travail, mais aussi tous les intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP) : ergonomes, psychologues du travail, toxicologues, métrologues, hygiénistes...
Enfin, un SST doit être en lien avec un service social du travail. Concernant les ressources, il semble difficile de changer la démographie médicale. En revanche, nous pouvons agir sur l'équilibre entre SSTI et services autonomes. On compte environ 500 médecins du travail en Paca. Chacun suit en moyenne 3500 salariés dans les SSTI et 1500 salariés dans les services autonomes. La qualité du service rendu doit être au moins équivalente entre un SSTI et un service autonome.
Les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) sont co-écrits par la DIRECCTE et la Carsat Sud-Est. Comment s'articulent-ils avec les agréments ?
Plusieurs CPOM signés en 2014 arrivent à échéance. Un bilan doit être établi, dont on va tenir compte pour la demande de renouvellement d'agrément. En fonction de la politique régionale de santé au travail et des demandes conjointes Carsat et DIRECCTE, le SST va proposer des actions sur la totalité de son périmètre géographique. En contrepartie, Carsat et DIRECCTE peuvent apporter une aide au diagnostic et des supports en collectant des éléments fournis par les SST eux-mêmes. Des réunions sont organisées entre techniciens, les ingénieurs-conseils de la Carsat Sud-Est, les médecins inspecteurs du travail et Nicole Grolleau, inspecteur du travail, qui est en charge du suivi des agréments des SST et des CPOM.
Une nouvelle instance vient de se mettre en place : le CROCT - Comité régional d'orientation des conditions de travail. Quelle est sa fonction au juste ?
La politique régionale de santé au travail est déterminée par la DIRECCTE, qui la présente au CROCT en vue d'amendements éventuels. Le souhait de Jean-François Dalvai, chef du pôle travail à la DIRECCTE Paca, est que ce processus de maturation soit participatif. Le CROCT, qui comporte plusieurs collèges, réunit les partenaires sociaux et les organismes de prévention. La prochaine réunion, en décembre 2017, sera l'occasion pour la DIRECCTE de présenter la politique régionale d'agrément, le bilan d'activité des SST et le bilan des CPOM. En parallèle, nous avons mis en place une instance non réglementaire en juin 2017 : le CRST – Comité régional Santé au travail – qui réunit des professionnels de la profession : représentants de SST, sociétés savantes et préventeurs de la Carsat Sud-Est. Ils vont alimenter les choix de la DIRECCTE, la réflexion et les avis du CROCT.
Depuis 2004, la DIRECCTE soutient le SISTEPACA, qui fait le lien entre la médecine du travail et la médecine libérale ?
Un salarié est un assuré social et un patient. Il est suivi par un médecin du travail, un médecin conseil et des professionnels du soin. Le SISTEPACA – Système d'information en santé, travail et environnement en PACA – a vocation à favoriser les échanges entre ces trois acteurs. C'est à la fois une plateforme d'information ouverte à tous publics, en particulier aux professionnels de santé pour les sensibiliser aux problèmes de santé liés au travail, et un organisme de formation agréé à destination des médecins libéraux. En 10 ans, plus de 700 médecins libéraux ont reçu une formation dans le cadre de leur formation continue.
Vous participez également au Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).
Oui, en moyenne une fois par mois, dans le cadre du 4ème alinéa, c'est-à-dire pour des pathologies ne relevant pas d’un tableau de maladie professionnelle, mais dont on suspecte un lien direct et essentiel avec le travail et qui entraîne une incapacité permanente d'au moins 25%. Cette décision collégiale doit être prise par un médecin conseil de l'assurance maladie, un professeur d'université-praticien hospitalier et un médecin inspecteur du travail.
L'avis du médecin du travail pèse-t-il sur les décisions ?
Nous nous basons sur plusieurs éléments : l'avis du médecin conseil en charge du dossier, l'avis technique de l'ingénieur conseil, éventuellement complété par l'avis de l’agent enquêteur de la CPAM qui s'est rendu sur le lieu de travail pour réaliser une enquête, et également l’avis du médecin du travail spécifiquement requis dans ce cas précis. Cet avis nous apporte de précieux éléments sur les conditions de travail auxquelles le salarié a été exposé. Ils permettent une amélioration du dispositif de reconnaissance des maladies professionnelles.
À retenir - GLOSSAIRE
CPOM : Contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens
CROCT : Comité régional d'orientation des conditions de travail
CRRMP : Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles
CRST : Comité régional santé au travail
DIRECCTE : Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi
IPRP : Intervenants en prévention des risques professionnels
MIRT : Médecin inspecteur régional du travail
PRST 3 PACA : 3è Plan Régional Santé au Travail en PACA 2016-2020
SISTEPACA : Système d'Information en Santé, Travail et Environnement en PACA
SST : Services de santé au travail (interentreprises ou autonomes)
En savoir plus :
Services de santé au travail. Dossier INRS.