Quel que soit le mode opératoire utilisé (baguette, MIG/MAG, TIG), le soudage émet un mélange de gaz et de particules métalliques (chrome 6, nickel, plomb, cadmium, zinc…) susceptible de nuire à la santé et d’être à l'origine de pathologies professionnelles (inflammation bronchique, sidérose, cancer,…). L’entreprise TECMI (13) a établi un contrat de prévention avec la Carsat Sud-Est. Le point avec Jean-Noël Gatto, animateur Sécurité.
Quel était le contexte de prévention quand TECMI a démarré en 1999 ?
TECMI a commencé à sous-traiter dans le bassin pétrochimique de Fos-Martigues avec un atelier et deux soudeurs spécialisés dans la chaudronnerie. La fumée s’évacuait en remontant par le toit. Au fil du temps, on s’est spécialisé dans la tuyauterie. La cadence s’est accélérée.
Quand vous passez la journée à souder, la fumée est là. Le brouillard était permanent. Aujourd'hui, TECMI a 1 atelier chaudronnerie à Fos et 3 ateliers à La Mède : chaudronnerie, mécanique et tuyauterie-charpente. 10 soudeurs travaillent à temps plein. Ils réalisent au minimum 20 000 heures de soudure par an.
Nous avons d’abord équipé les ateliers d’extracteurs de fumée portables de type Cobra. Mais parfois, c’est impossible de les installer. Le tuyau d’évacuation doit être déroulé dehors, ce qui encombre le sol. Puis nous avons installé trois bras aspirants à Fos, sans vraiment bien connaître toutes les solutions. Nous avons alors fait appel à la Carsat.
Qu'est-ce que la Carsat Sud-Est vous a apporté ?
D’abord une expertise technique. En 2012, nous avons fait intervenir M. Fina, du laboratoire interrégional de chimie de la Carsat Sud-Est, pour nous assurer de l’efficacité des bras aspirants à Fos. Ses mesures étaient concluantes. Il nous a conseillé d’utiliser cette méthode de captage sur le site de La Mède en nous aidant notamment à dimensionner le débit des bras aspirants.
À la suite d’une série d’études et de devis, nous avons conclu un contrat de prévention avec l’aide de M. Caporali, contrôleur de sécurité à la Carsat. L’aide financière versée par la Carsat Sud-Est s’élève à 30% de l’investissement total.
Il y a 8 bras aspirants à La Mède, avec une différence notable dans la conception : dans l’atelier chaudronnerie, les 3 bras sont indépendants alors que dans l’atelier tuyauterie-charpente, les 5 bras sont reliés à un collecteur fixe. Pour éviter que les fumées ne reviennent dans l’atelier, il est équipé d’un moteur de reprise qui tire les poussières vers l’extérieur.
Comme il fonctionne en permanence, il sert aussi de ventilation générale dans l’atelier, même quand il n'y a pas de soudage. Toutes les poussières, vapeurs et gaz sont dilués à l’air libre. Aujourd'hui, le brouillard a complètement disparu des ateliers.
Les soudeurs ont-ils facilement adhéré à cette démarche ?
Oui. L’installation a duré une semaine et le personnel a été formé en une matinée. Ces bras aspirants sont faciles d’utilisation. Très flexibles, ils peuvent être déplacés au plus près de la fumée. On peut même s’en servir comme aspirateur. Bien sûr, comme à chaque fois qu’on apporte une innovation pour la santé ou la qualité du travail, le salarié a d’abord l’impression qu’on cherche à lui imposer quelque chose.
Mais nous avons certains soudeurs qui ont travaillé sans bras aspirant pendant des années. Pour rien au monde, on leur retirerait le bras. Aujourd'hui, un soudeur ne peut pas comprendre qu’on ait pu travailler sans cette protection. De plus, on a demandé au fournisseur d’intégrer une lampe au bout du bras.
Cette idée vient de M. Caporali. C’est un confort supplémentaire très apprécié. Surtout quand il fait encore nuit tôt le matin, ils voient beaucoup mieux le poste à souder. Si aujourd'hui on leur coupe la lumière, ils arrêtent de souder ! C’est comme les cagoules ventilées. Un soudeur voit d’abord les contraintes : où poser le moteur, le tuyau... Mais dès qu’il respire de l’air sain, ventilé, frais, surtout en été, c’est très agréable pour lui. Il n'y a plus d’odeur. Il ne quitte plus sa cagoule.
Sur les chantiers, la situation est différente.
En effet, la Carsat nous a conseillé d’investir dans des cagoules ventilées sur les chantiers. Le soudage en plein air ne pose pas vraiment de problèmes. Dans les grandes halles, pour éviter que la fumée ne stagne, nous avons acheté des gros ventilateurs que l’on pose sur pied à une distance d’environ huit mètres. Mais sur certains sites, le danger peut provenir de l’environnement de l’entreprise lui-même.
Chaque soudeur est équipé d’un détecteur 4 gaz : H2S (hydrogène sulfuré), CO (monoxyde de carbone), O2 (oxygène), EXPLO (explosimètre). Je contrôle l’étalonnage en fonction de la nature du gaz. La réglementation fixe la valeur limite d’exposition au CO à 50 ppm (partie par million). Mais chez nous, le détecteur de CO est étalonné à 25 ppm. À 50 ppm, ils quittent le lieu de travail.
Et pour le soudage en milieu confiné ?
Certaines soudures ne supportent pas l’air, au risque de créer des bulles d’air. En cas de travaux à la flamme, toute projection incandescente est prohibée. Dans ces cas-là, il faut cabaner.
Quand c’est possible, ces cabanages sont équipés d’extracteurs portables Cobra. Sinon le soudeur devra porter une cagoule ventilée. Nous allons en acheter six supplémentaires. Tous les soudeurs me la demandent. En dernier recours, quand la cagoule ventilée ne passe pas entre les tuyaux, on utilise une cagoule portefeuille, mais c’est une pratique très rare.
Envisagez-vous d’autres solutions de captage des fumées à l’avenir ?
Nous souhaitons aller plus loin sur les chantiers. Des groupes aspirants de type camion ou container sont utilisés dans le nucléaire. Le soudeur se brancherait dessus comme un scaphandrier. Pour l’instant, cela pose des problèmes techniques. L’air que l’on pompe doit être filtré. C’est encore à l’étude.
Par ailleurs, TECMI va ouvrir un troisième site à Salon-de-Provence en reprenant une société spécialisée dans la remise en état d’échangeurs thermiques. Pour nous, c’est un complément d’expertise. Nous allons de nouveau faire appel à la Carsat pour évaluer les risques et définir les mesures de prévention appropriées.
€ Investissement : TECMI
Secteur Tuyauterie, Charpente, Chaudronnerie, Mécanique, Serrurerie
2 sites (La Mède, Fos-sur-Mer), 90 salariés, 3 animateurs Sécurité
Achat de 11 bras aspirants, 6 cagoules ventilées, 5 ventilateurs chantier
Aide de la Carsat : 16 000 € (contrat de prévention)
Coût total de l’investissement aidé : 55 000 €
POINT REGLEMENTATION. L’employeur a obligation de capter les fumées de soudage au plus près de leur source d’émission (préconisation à 20 cm) et aussi efficacement que possible. À défaut, il doit mettre en place une ventilation générale mécanique. Les valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP) ne doivent pas dépasser 5 mg/m3 pour la totalité des particules sur une période de 8h00. Ces niveaux de concentration sont fixés par le ministère du travail et la CNAMTS. Ils varient en fonction des polluants.
En savoir plus :
- Fumées de soudage et techniques connexes, INRS, 2012.
- Dispositif régional d’Aide Financière Simplifiée CMR - Fumées de soudage
- Consultez également la vidéo sur "Les fumées de soudage dans l'entreprise Tecmi"