Dans les secteurs où le transport-logistique n'est pas le cœur de métier, les opérations de chargement / déchargement de marchandises ou matières premières entre les camions et les bâtiments présentent des risques réels pour les opérateurs de quais et les chauffeurs. La conception ou la rénovation de solutions de transbordement parfaitement sécurisées nécessite une expertise et des investissements adaptés à l'activité. Trois entreprises de la région PACA témoignent : Cerexagri (agrochimie), Pyrame (maintenance de Poids Lourds), Imerys (industrie).
Hangars non dimensionnés, chariots élévateurs à même le sol sans système de rehausse, absence de barrières de protection sur le quai, protocole de sécurité imprécis entre chauffeurs et opérateurs... Ces mauvais choix peuvent entraîner des risques de chutes (du quai en l'absence de barrière), d'écrasement (entre le camion et le quai lors d'une manœuvre) ou de renversement du chariot (sur une rampe mobile par exemple).
Voici trois entreprises qui ont su adapter à leur activité des solutions de transbordement sécurisées.
Au sommaire
Agrochimie : Cerexagri supprime sa rampe mobile désuète et crée un quai fixe de transbordement sécurisé desservie par une rampe en béton
Spécialisé dans la fabrication de produits phytosanitaires, le site de CEREXAGRI Marseille charge 700 containers par an de palettes de soufre mouillable dans tous types de camions : plateau, bennes, ou semi-remorques.
« Auparavant, les caristes utilisaient une rampe mobile (*), jusqu'au jour de l'accident en 2018. Lorsque le chariot est monté sur la rampe, celle-ci est retombée brusquement, le chariot a plongé, explique Matthieu Allain, responsable QHSE. Il a eu de la chance, il s'en est sorti. »
Fatigue, stress... Les consignes de sécurité n'ont pas été respectées. Suite à cet événement, la décision a été prise de supprimer la rampe mobile désuète et de construire un quai fixe en béton.
(*) NDLR : Une rampe mobile est un dispositif temporaire de mise à niveau permettant le transbordement accéléré d’un camion lorsque l’entreprise ne possède pas de quais fixes. Elle est mise en place une fois le camion immobilisé. Dans le cas où le camion recule vers la rampe mobile, celle-ci doit-être solidement ancrée au sol.
Philippe Lauro, responsable Logistique, a réalisé l'étude d'implantation du futur quai : « Toutes les conditions étaient réunies pour créer ce quai fixe : les opérations de chargement se situent toujours au même endroit, près du hangar export ; les 2 caristes permanents ont des cadences de chargement élevées ; les chariots élévateurs superposent parfois 2 palettes, sans visibilité ; la différence de niveau à rattraper est forte ; de plus, la rampe mobile ne permettait pas de charger les containers posés au sol, ce qui avait un coût supplémentaire. Et les jours de pluie, le patinage était trop important. »
Cerexagri a fait appel à deux entreprises distinctes, une pour le génie civil et une pour l'équipement de quai. Les travaux ont débuté en mars 2019, pour une mise en service début juillet.
Longueur de la rampe fixe : 14 mètres (au lieu de 10 m.). Pente à 10% (au lieu de 15%). Charge utile du niveleur surdimensionnée à 12 T., « c'est plus costaud ».
Christophe Cougnenc, Ingénieur Conseil à la Carsat Sud-Est : « Cette rampe mobile était vieillissante et ne remplissait plus les conditions de sécurisation exigées par la Carsat actuellement. Lors de ma visite à CEREXAGRI, j'ai rappelé nos recommandations pour sécuriser le futur quai de transbordement. Toutes les mesures ont bien été respectées. Elles correspondent à celles qui sont financées par l'aide « Bonus Logistique-Quai 2020 » que nous proposons aux entreprises de moins de 50 salariés. » (lien en fin d'article)
Quai de transbordement et mise à niveau : les recommandations de la Carsat Sud-Est
- Niveleur à lèvre télescopique pour assurer le recouvrement du plancher du camion (au moins 15 cm)
- Barrière de quai dont les mouvements sont asservis à la présence du camion à quai
- Garde-corps en périphérie de la rampe d’accès
- Butoirs de quai surmontés d’un garde-corps pour préserver une zone refuge (supérieure à 50 cm)
- Guides-roues inoxydables pour faciliter la mise à quai
- Dispositif de blocage des roues pour empêcher le départ intempestif du camion
- Signalisation lumineuse extérieure visible depuis la cabine d’un camion indiquant l’état du transbordement
- Un auvent protégeant le transbordement contre les intempéries
- Escalier de quai sécurisé
Retour d'expérience
Djamal, cariste permanent chez CEREXAGRI
« La rampe mobile à 15% était raide, chaque à-coup te cassait le dos. Il fallait à chaque fois la positionner avec le chariot et attacher les chaînes, c'était épuisant à la fin. En plus, les intempéries empêchaient toute opération.
Ce quai fixe nous a changé la vie. La pente à 10% est beaucoup plus souple. On charge 1 container en 20 minutes, sans fatigue, même les jours de pluie. À présent, nous travaillons dans de meilleures conditions. »
Matthieu ALLAIN resp. QHSE et Philippe Lauro, resp. Logistique
« Désormais, les caristes sont mieux protégés et la productivité a même augmenté. Nous sommes passés de 7 containers maxi par jour, avec une fatigue physique intense, à 9 containers par jour, sans fatigue. Ce quai a été rentabilisé.
Les deux caristes permanents ont suivi une formation à l'utilisation du quai, également appliquée à chaque intérimaire. Le chauffeur ne s’occupe ni de la mise en sécurité, ni du chargement. Il lui suffit de positionner son camion dans les guide-roues, dimensionnés au plus près pour l'obliger à reculer au ralenti. »
CEREXAGRI Marseille 13014
47 salariés, dont 2 caristes permanents + intérimaires
Chargement de 3 à 8 containers / jour (20 palettes pour 1 container).
Durée de la mise en œuvre du quai fixe : 3 mois
Coût génie civil : 53 000 €
Coût équipement de quai : 17 000 €
Maintenance de Poids Lourds : Pyrame XL signe un contrat de prévention avec la Carsat Sud-Est pour financer une rampe de chargement
Basé à Aix-en-Provence, Pyrame XL regroupe des activités de maintenance et réparation de cars, bus et poids-lourds. En 2015 débute un vaste projet de reconstruction du site (1 hectare). Le remplacement de la rampe mobile de chargement/déchargement par une rampe fixe est intégré au projet.
« Avant de passer au contrôle technique, les PL (porteurs, tracteurs, semi-remorques) doivent être chargés aux deux tiers du poids total autorisé en charge, rappelle Hélène Chaudanson, responsable Qualité. Pour atteindre ce poids réglementaire, nous les remplissons de gueuses en béton. La rampe métallique sert à les charger puis à les décharger, une fois le contrôle technique terminé. »
Jusqu'à 20 chargements/déchargements peuvent être effectués par semaine.
Grégory Mériaux, responsable service convoyage chez Pyrame XL, pointe trois problèmes majeurs sur l'ancienne rampe mobile : « son instabilité, la différence de niveau avec certains véhicules trop bas, et le risque de départ intempestif du véhicule, que ce soit par défaut de communication entre cariste et chauffeur, ou des chauffeurs dans l'urgence. »
En 2017, l'entreprise a signé un contrat de prévention avec la Carsat Sud-Est sur la période 2017-2018. « Parmi les objectifs visés figurait le financement à hauteur de 25% d’une rampe fixe de chargement/déchargement des camions, indique Christophe Cougnenc. Cette installation est opérationnelle depuis 2018. Elle permet de supprimer les risques de chute de hauteur, d'écrasement entre le camion et la rampe, et de prévenir le départ intempestif du camion. »
Les points forts de la nouvelle rampe métallique fixe
- Rampe fixe en L avec grillage antidérapant et renforts béton
- Niveleur à lèvre télescopique, zone refuge anti-écrasement (50 cm)
- Asservissement des barrières de sécurité à la présence d’un camion à quai associé à un dispositif de cale-roue et feux de signalisation visible depuis la cabine du camion
- Guide-roues
- Aire de manœuvre de 32 mètres pour les semi-remorques
De plus 5 salariés ont été formés en vue de l’obtention d’un certificat d’aptitude à la conduite en sécurité (CACES®) des chariots (recommandation R 389 de la CNAMTS, remplacée depuis par la R489).
Retour d'expérience
Grégory Mériaux, responsable service convoyage chez Pyrame XL
« Une rampe solidement ancrée au sol et un niveleur étaient nécessaires. Le dispositif de cale-roue associé au feu de signalisation empêchent tout départ intempestif. La rampe en L oblige les caristes à ralentir. Des renforts béton ont été coulés au sol pour stabiliser parfaitement la rampe, et un grillage métallique a été intégré à la rampe pour éviter le patinage des roues du chariot en cas d'intempérie. C'est à nous de mettre en place le dispositif de cale-roue. Le chauffeur n'intervient pas dans la mise en sécurité. »
Pascal Pyrame, directeur — Hélène Chaudanson, responsable Qualité
« L'équipement du fournisseur ne correspondait pas initialement aux règles de sécurité. Le conseil technique et l'accompagnement de la Carsat Sud-Est nous ont été d'une aide précieuse pour mener la réflexion.
Malgré les coûts supplémentaires, le contrôleur de sécurité de la Carsat Sud-Est Johann Meissel nous a convaincu du bien-fondé de cet investissement, notamment la zone refuge et tous les équipements destinés à sécuriser cette installation.
Ces équipements de sécurité répondent aux recommandations de la Carsat Sud-Est ». Celles-ci sont reprisent dans la brochure INRS ED 6059 « Conception et rénovation des quais… »
Groupe Pyrame
6 sites à Aix-en-Provence, Les Milles et Salon-de-Provence
110 salariés, dont 52 à Pyrame XL
Durée de mise en œuvre de la rampe fixe : 2 mois
Coût total de l'opération : 44 000 €
Industrie : Imerys sécurise 2 rampes existantes
L'usine Imerys à Fos-sur-Mer produit du ciment technique (aluminate de calcium) pour le monde entier. Environ 100 tonnes / jour partent à l'export. 2 rampes, positionnées de manière rigide sur le revêtement béton, sont utilisées pour charger les containers.
Lors d'une visite d'établissement en 2017, Jean Caporali, contrôleur de sécurité à la Carsat Sud-Est, constate l'absence de sécurisation de la rampe pour les opérations de mise à quai et de transbordement. « J'ai émis des recommandations très précises pour la mise en sécurité des opérations de transbordement. En raison des contraintes du site, l'entreprise a fait le choix de sécuriser leurs deux rampes existantes. Nous avons travaillé ensemble pour sécuriser toutes les opérations : mise à quai, départ et transbordement des semi-remorques. Tous les risques ont été pris en compte. »
Un film tourné en interne chez Imerys valorise ces deux rampes. Pour voir la vidéo, cliquez ici.
3 questions à Yann El Ghaoui, directeur de l'usine Imerys à Fos-sur-Mer
Quels sont vos besoins en termes de chargement ?
140 000 tonnes/an de clinker sont broyées en ciment. Une partie est conditionnée en vrac (70 000 tonnes / an chargées dans des camions citernes), le reste est conditionné sous forme de Big Bags (20 000 T./an) ou de sacs (40 000 T./ an). Jusqu'en 2019, nous utilisions 2 rampes métalliques pour charger des palettes de Big Bags ou de sacs dans des containers.
Pourquoi avoir choisi de sécuriser vos deux rampes métalliques au lieu de construire un quai classique en béton ?
La rampe métallique est une solution intéressante quand on se greffe sur un atelier existant. Et c'est le cas à l'usine Imerys de Fos, où tout a été conçu à un niveau zéro. Construire un quai en béton aurait nécessité de rabaisser la route ou surélever l'atelier, ce qui aurait généré des travaux de génie civil importants.
De plus, ces rampes nous donnent la possibilité de les relocaliser dans l'atelier. Nos zones de stockage sont situées dans des bâtiments semi-rigides à l'extérieur, dont on peut faire varier la surface en fonction des besoins. On pourra les déplacer si nécessaire, au gré de l'évolution de notre organisation.
Les salariés sont-ils satisfaits de ce choix ?
Absolument. Une première rampe a été sécurisée en 2018, l'autre en 2019. La rampe de montée est plus large, ils peuvent mieux manœuvrer sur ces nouvelles rampes. Et surtout, Il y a un sentiment de sécurité. Toutes les recommandations ont été mises en œuvre : guide-roue, niveleur, asservissement des barrières avec feux de signalisation, zone refuge, système de blocage de la remorque à quai, tableau de commande de l'opérateur déporté sur le côté et sécurisé par une barrière... Un point important a été ajouté au cahier des charges, c'est le portillon d'accès à la rampe semi-automatique : dès qu'on l'ouvre, une barrière interdit l'accès au chariot. C'était nécessaire, car lorsqu'on fait du grand export par voie maritime pendant plusieurs semaines, deux personnes interviennent en permanence lors d'un chargement : le cariste et une personne qui contrôle la qualité du positionnement des palettes à l'aide d'air bags et de sangles. Maintenant, elle n'a plus la crainte de voir arriver un chariot à fourche.
Imerys Production - Fos-sur-Mer 13771
10 titulaires aux expéditions (caristes et contrôle qualité)
Chargement de 100 tonnes / jour
Coût total : 45 000 € par rampe
En savoir plus
. Aide Bonus Logistique-Quai, Carsat Sud-Est
. Brochure ED 6059 : « Conception et rénovation des quais pour l'accostage, le chargement et le déchargement en sécurité des poids lourds », INRS 2019
. Recommandation R 489 Chariots de manutention automoteurs à conducteur porté, INRS, 2018.
. Replay du Webinaire : « Le transbordement de marchandises - Le quai : lieu de tous les dangers ! », Carsat Sud-Est, 12 novembre 2020
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