Première cause de maladie professionnelle, les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont des pathologies multifactorielles qui coûtent cher aux entreprises. L’Assurance Maladie a mis en œuvre le programme national « TMS Pros » sur la période 2014-2017. Ouvert à toutes les entreprises, il cible en priorité 8 100 établissements ayant une sinistralité avérée. Objectif : agir dans la durée et gagner en autonomie de prévention du risque TMS. En PACA-Corse, 327 établissements ciblés TMS Pros bénéficient d’un accompagnement personnalisé par la Carsat Sud-Est.

Les TMS représentaient 35% des accidents du travail en 2012 et 77% des maladies professionnelles en 2013. Leur nombre a explosé en 20 ans, de 3 000 en 1993 à près de 45 000 maladies professionnelles réglées en 2013. D’un point de vue médical, les TMS désignent essentiellement toutes pathologies affectant les tissus mous : nerfs, tendons, muscles. Environ 40% des pathologies sont localisées au niveau de la main et du poignet, 37% à l’épaule, 21% au coude et 1,3% au genou.

Des pathologies multifactorielles

Le déclenchement d'un TMS est le résultat d’un long processus physiologique. Dès lors qu’une articulation est sollicitée, son enveloppe va s’échauffer, que l’on soit en position dynamique ou statique. Les efforts musculaires vont créer des micro-lésions, que ces efforts soient fournis (pour soulever une masse), subis (par vibration d’un engin) ou amplifiés (bruit, basse température). Dans la vie courante, le corps humain se réserve des phases de repos pour récupérer son intégrité physique.

Mais en milieu professionnel, cette capacité « d’auto-réparation lésionnelle » peut être entravée par de multiples facteurs : les facteurs biomécaniques liés au poste de travail (répétitivité des gestes, efforts maintenus), l’organisation du travail (une cadence trop soutenue par rapport aux capacités physiques du salarié), mais aussi les facteurs psychosociaux, le stress, la fatigue, les troubles du sommeil… et enfin l’équation personnelle, un critère à prendre en compte dans un contexte de vieillissement de la population active.

Les conséquences pour les salariés sont la douleur, une prise en charge médicale, des séquelles handicapantes, et peuvent aller jusqu'à la perte d’emploi, ou la reconversion.

Pour de plus amples informations sur l’aspect médical, lire l’interview du Pr Gilles Bouvenot, médecin universitaire, membre du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP)

Un coût indirect estimé 3 à 5 fois supérieur au coût direct

Pour la Sécurité sociale, le coût direct d’un accident du travail lié à la manutention avec arrêt est estimé à 4 500 €. Un syndrome du canal carpien reconnu par le tableau 57 des maladies professionnelles coûte environ 11 000 €, une lombalgie 50 000 €, et une épaule raidie 80 000 €.

Pour l’employeur, ces coûts directs se répercutent sur son assiette de cotisation, mais les conséquences financières ne s’arrêtent pas là. Les TMS ont un coût de production (absentéisme, désorganisation du travail, heures supplémentaires, baisse de la productivité), un coût de remplacement (recrutement, reclassement, formation des nouveaux arrivants), ils peuvent entraîner des frais de gestion (enquête, réunions CHSCT, audits) et un temps considérable à l’évaluation et à la réparation des dommages.

Pour l’employeur, le coût indirect est estimé 3 à 5 fois supérieur au coût direct. L’image de l’entreprise peut être atteinte. Et l’impact juridique est bien réel. En cas de faute inexcusable de l’employeur, une reconnaissance de maladie professionnelle peut entraîner une majoration du capital ou de la rente ainsi qu’une indemnité en capital pour préjudices annexes.

Les chiffres clés des TMS en PACA-Corse

  • 2 069 maladies professionnelles réglées en 2013, soit 77% de l’ensemble des MP.
  • 16 242 accidents du travail liés à la manutention manuelle en 2012, soit 31% de l’ensemble des AT.

Depuis 2012, les TMS reconnus en tant que maladies professionnelles sont en baisse de 4,5% au niveau national, et de 17% en PACA-Corse. Cette inflexion a plusieurs raisons.

« Dans la région Sud-Est, les secteurs d’activité concernés en priorité par les TMS sont la grande distribution, l’aide à domicile (y compris EHPAD et SSIAD), le BTP et le secteur de la propreté, des secteurs qui emploient beaucoup de temps partiel avec pour conséquence des durées d’exposition réduites », explique Jean-Claude Stéfani, ingénieur conseil à la Carsat Sud-Est. De plus, « la grande distribution a fait des efforts ces dernières années en termes de prévention du risque TMS ».

Enfin, les critères administratifs du tableau 57 pour une reconnaissance de maladie professionnelle ont été révisés : en 2011 pour les pathologies de l’épaule ; en 2012 pour les pathologies du coude, impactant en particulier la durée d’exposition.

Une démarche de prévention structurée

La complexité du processus de survenance et la multifactoralité des TMS nécessitent la mise en œuvre d’un véritable « projet d’entreprise » à la base de toute démarche de prévention. Jean-Claude Stéfani insiste sur la nécessité de « mobiliser tous les acteurs de l’entreprise, à travers la constitution d’un groupe participatif pluridisciplinaire impliquant la Direction, les salariés, le CHSCT et les représentants du personnel ».

La seconde phase consiste à « repérer les situations de travail accidentogènes », de façon à « définir une cartographie des postes à risque TMS ». Pour parvenir à ce diagnostic, l’entreprise peut faire appel à des compétences en interne, en nommant un référent TMS par exemple, ou des ressources extérieures (cabinet de conseil ou ergonome).

Chaque situation de travail identifiée doit ensuite faire l’objet d’une analyse approfondie en lien avec les salariés directement concernés. Dès lors, le référent TMS, ou le consultant externe, est en mesure de « formaliser un plan d’actions sur trois volets : organisationnel, humain et technique ». Un pilote est désigné et le plan d’actions peut suivre un échéancier précis, jusqu'à son évaluation à terme.

Cette évaluation permet d’une part de s’assurer de la mise en œuvre des actions préconisées, et d’autre part d’en évaluer la pertinence. L’objectif final étant de limiter, voire de supprimer les facteurs de risques dans l’entreprise.

jc stefani« La démarche de prévention TMS doit s’axer sur l’observation des situations réelles de travail et sur l’écoute des salariés. » - Jean-Claude Stéfani, Ingénieur Conseil, Carsat Sud-Est

327 entreprises sont accompagnées dans le Sud-Est

Chacune de ces étapes structure le dispositif « TMS Pros » mis en œuvre par l’Assurance Maladie à la fin 2014. Ce programme national met à la disposition de toutes les entreprises une offre de service basée sur une démarche de prévention et des outils téléchargeables sur le site tmspros.fr.

D’autre part, il a ciblé en priorité 8 100 établissements ayant eu plus de 2 maladies professionnelles liées aux TMS entre 2010 et 2012. Pour les aider à suivre le programme TMS Pros, le réseau des Carsat/Cramif s’engage à les accompagner pour qu’elles valident chacune des étapes, jusqu’à l’évaluation finale en 2017.

« L’ambition de TMS Pros a été de créer un programme autoporté pour que les entreprises puissent se l’approprier de façon autonome et dans la durée », souligne Jean-Claude Stéfani, qui pilote ce programme pour la région Sud-Est. « Cette approche est particulièrement adaptée aux entreprises de grande taille, qui ont une ressource en interne. Par contre, pour les petites entreprises, un accompagnement de proximité est nécessaire. »

C’est le cas en PACA-Corse, où les 327 établissements de la liste nationale TMS pros font l’objet d’un accompagnement personnalisé par un contrôleur de sécurité de la Carsat Sud-Est (visites, envois de courriers, relances, etc.). « Chaque préventeur a en charge un portefeuille d’entreprises ciblées TMS Pros dans son secteur géographique. En moyenne, 5 visites sont effectuées par an. Cet accompagnement individualisé est une particularité de la région Sud-Est, rendu possible par le nombre d’entreprises à suivre, relativement à d’autres régions. »

2 entreprises témoignent :

Bientôt une aide financière nationale pour les entreprises de moins de 50 salariés

Jean-Claude Stéfani a également piloté le groupe de travail « AFS TMS  Nationale » : « Cette Aide Financière Simplifiée a été validée et entrera en vigueur en avant la fin de l’année 2015. » Les régions pourront accompagner financièrement les entreprises de moins de 50 salariés sur 3 volets : le diagnostic (financement à hauteur de 50% de l’investissement global), la formation de personnes ressources (à hauteur de 50%) et l’acquisition de matériel issu du plan d’actions (à hauteur de 40%). Cette aide sera plafonnée à 25 000 euros.

Conseil + du préventeur : Le réseau TMS PACA

Créé en 2012 à l’initiative de la Carsat Sud-Est, le comité de pilotage du réseau TMS PACA se compose de quatre acteurs majeurs dans le domaine de la prévention : la Carsat Sud-Est, la DIRECCTE PACA, ACT Méditerranée, les MSA Provence-Azur et Alpes-Vaucluse.

Plusieurs fois par an, il se réunit pour référencer une liste d’experts, cabinets de conseil et ergonomes, susceptibles d’accompagner les entreprises dans leur démarche de prévention selon la méthodologie INRS. La liste commune est publiée en début de chaque année sur les quatre sites internet partenaires. (lien en fin d’article)

logo tmsprosA RETENIR TMS Pros : Agissez en 4 étapes

  • Etape n°1. État des lieux et inscription dans la démarche. Avant de vous inscrire dans une démarche de prévention, l’INRS vous propose l’outil « Tableau de bord TMS » pour évaluer l’impact des TMS dans votre entreprise.
  • Etape n°2. Définition de vos objectifs et de vos priorités. L’INRS vous propose son outil de dépistage en ligne. La Carsat Sud-Est propose plusieurs dispositifs de formation pour conduire un projet de prévention des TMS ou devenir acteur PRAP (Prévention des Risques liés à l’Activité Physique).
  • Etape n°3. Élaboration d’un diagnostic approfondi et d’un plan d’actions. Ce diagnostic est basé sur l’observation du poste de travail et sur un échange avec les salariés directement concernés. Deux outils en ligne vous aident à repérer et à hiérarchiser les situations de travail à risque : « la méthode d’analyse de la charge physique de travail » et RITMS 3 (Repères pour l’Intervention en prévention des Troubles Musculo-Squelettiques). Le plan d’actions peut agir au niveau du poste de travail, d'une ligne de production, de l'entreprise, voire de ses sous-traitants.
  • Etape n°4. Évaluation finale. Les résultats attendus par votre entreprise doivent répondre à deux questions : Quelle est l’efficacité des actions engagées ?  Comment pérenniser la démarche engagée ? L’INRS propose deux outils : « Tableau de bord TMS » et « Évaluation de la démarche de prévention des TMS ».

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