Le temps de lire ces lignes, quelque part en France sur un chantier de BTP, un salarié sera victime d’une chute de hauteur. Avec plus de 22.000 accidents, c’est, en moyenne, une chute toutes les cinq minutes qui affecte ce secteur.

Des chutes qui font mal

cdh photo 1Cinquante décès par an, et près de 3,3 millions de journées de travail perdues dans le même temps : les conséquences des chutes dans le BTP sont dramatiques pour les salariés, les entreprises et la collectivité.

Depuis dix ans, l’Assurance-Maladie a déclaré prioritaire la réduction de ce risque. Toutefois, malgré les mesures de prévention déjà engagées, les progrès stagnent et la sinistralité reste élevée. En particulier dans les structures de 20 à 49 salariés, qui concentrent les plus forts indices de fréquence et de gravité.

255 entreprises à la loupe

La situation est également préoccupante dans le Sud-est, avec, en 2013, 560 accidents du travail suivis d’un arrêt d’au moins quatre jours. Pour y remédier, la Carsat Sud-est et l’OPPBTP Paca Corse ont décidé de conjuguer leurs efforts.

Le 3 décembre dernier, une convention de partenariat a été signée. Objectif : cibler les 255 structures de 20 à 49 salariés de la région et y entreprendre une action concertée et de longue durée. Chacun des deux organismes se chargera d’une moitié de la cible.

Une évaluation objective

Quinze conseillers en prévention côté OPPBTP, et quarante contrôleurs de sécurité côté Carsat, vont se répartir la tâche. À partir du mois de janvier, ils se rendront aux sièges des entreprises ciblées, ainsi que sur leurs chantiers, pour établir tout d’abord un état des lieux. Les critères d’évaluation seront très objectifs, et identiques pour toutes les entreprises visitées, que ce soit par l’OPPBTP ou la Carsat.

Organisation des chantiers, protection des trémies, détention du Caces® (Certificat d’Aptitude à la Conduite En Sécurité), mode d’utilisation des échelles... soixante trois points de contrôles seront passés en revue. Les appréciations seront motivées. Chaque entreprise sera évaluée, et se verra proposer, selon ses besoins un accompagnement, des conseils, des aides financières simplifiées, ou des contrats de prévention. Les entreprises seront suivies jusqu’en 2017. Une nouvelle évaluation permettra alors de mesurer les progrès réalisés.

Les entreprises ont tout à y gagner

La prévention est un investissement rentable. On travaille mieux et plus vite quand on est installé sur une surface stable et sûre. C’est vrai de plain-pied, et plus encore en hauteur. Investir dans des équipements adaptés augmente le rendement et limite les risques d’accident. Le plus souvent, ce n’est pas la volonté qui manque aux entreprises, mais le temps, l’argent, voire les deux.

L’action qui démarre contribuera à lever ces blocages : l’OPPBTP et la Carsat arriveront avec des conseils pratiques, des mesures de terrain réalistes, et aussi des dotations importantes pour l’achat d’échafaudages, de plates-formes individuelles, d’escaliers de chantier, de stop-chutes à ancrage mobile, et d’autres équipements de protection contre les chutes de hauteur. Des formalités réduites et des délais rapides : en six semaines, les dossiers sont traités, et l’entreprise peut repartir sur des bases saines.

Les majors invités à soutenir les sous-traitants vertueux

Les deux organismes rencontrent également les majors, grands donneurs d’ordres des entreprises visées par l’action. Ils les informent de cette campagne, et les invitent à la soutenir en privilégiant la sélection de prestataires respectueux des règles de prévention.

Des aides financières significatives

La Carsat peut subventionner jusqu’à 40% de l’acquisition d’échafaudages. L’OPPBTP pourra prendre en charge jusqu’à 50% de l’achat de plates-formes individuelles, d’escaliers de chantier, de stop-chutes ou d’EPI.

Les Très Petites Entreprises (TPE) aussi

Dans le programme de l’Assurance-Maladie, les TPE ne seront pas oubliées. Elles recevront bientôt de leurs organisations professionnelles un courrier qui les incitera, techniquement et financièrement, à s’orienter vers de bonnes pratiques de prévention.

Triangle, au sommet de la prévention

cdh photo 2Triangle est une entreprise pointue, à plus d’un titre. Cette SCOP* gardannaise assure depuis 32 ans sa renommée par des méthodes de travail très professionnelles. En parallèle à ses activités traditionnelles de charpente et de couvertures, elle investit avec succès le marché innovant de la construction à ossature bois. Derrière les soixante salariés de l’entreprise, Olivier Raphaël, un directeur qui mise sur la qualité des prestations. Mais aussi sur un idéal social et sur de bonnes pratiques au travail.

« Quand on parle de chutes de hauteur, on parle de la vie des salariés, dit-il. Et on ne vient pas au travail pour se faire mal. Avant le bâtiment, j’ai travaillé dans des secteurs industriels sensibles, où l’organisation et la sécurité sont essentielles. Peut-être ma culture vient-elle de ce passé. Toutefois, je crois surtout que c’est une question d’état d’esprit personnel. Je refuse simplement qu’un de nos hommes tombe. »

La prévention est-elle rentable ?

« Si on cible bien ses investissements, la prévention ne coûte pas si cher, répond-il. Un chantier bien organisé permet de retrouver de la rentabilité, et les moyens mécaniques de levage redonnent de la marge. C’est compliqué de travailler en hauteur ; tout ce qui réduit l’instabilité et le risque de chute fait gagner du temps. Bien sûr, face aux concurrents qui travaillent en bradant les prix et la vie humaine, on ne passera pas. Mais de toute façon, la vie des collaborateurs n'a pas de prix. C’est un choix, économique et éthique, de notre part et de la part du client. »

Un choix auquel les donneurs d’ordre devraient penser davantage avant de signer un contrat.

*Société coopérative et participative

En savoir plus...