Créé en 2014 à l’initiative de trois préventeurs en Corse, Pierre Lecullier, Stéphane Crouin (Carsat Sud-Est) et Lionel Cottenceau (IGeSA - Institution de gestion sociale des armées), le club des préventeurs de Corse réunit les institutions de la Santé & Sécurité au Travail et près d’une vingtaine de grosses entreprises représentant plus de 14 000 salariés. Un partenariat prometteur.
Depuis 18 ans, Pierre Lecullier, contrôleur de sécurité à la Carsat Sud-Est, forme des préventeurs dans différentes entreprises corses. « Souvent ils travaillent de façon isolée. C’est un métier qui demande beaucoup de méthodologie, d’échanges d’informations et de retours d’expériences. » Au fil des ans, des liens se sont créés entre certains préventeurs corses. Pourquoi ne pas les réunir pour échanger les connaissances, les savoirs, les informations ? L’idée a germé.
La rencontre avec Lionel Cottenceau-Bartoli, responsable national de la prévention à l’IGeSA, a été le déclic.
« La direction nationale de l’opérateur social des armées est basée à Bastia. Lors d’une réunion, Lionel Cottenceau a exprimé le besoin de partager sa façon de voir les choses avec les autres préventeurs, connaître leurs méthodologies de travail… »
Pierre Lecullier l’a pris au mot. Le club des préventeurs était né.
Une naissance presque naturelle
La première réunion a lieu en mars 2014 au village club IGeSA de la Marana (Haute-Corse). Une dizaine de préventeurs formés par la Carsat Sud-Est répondent présents, tous issus de grosses entreprises corses. Côté institutions, Sandrine Dupeyroux, médecin du travail de l’hôpital de Bastia (Services inter entreprise de santé au travail – SIST Haute Corse), assiste aux débats.
Pierre Lecullier et Stéphane Crouin (Carsat Sud-Est, secteur Sud) présentent les objectifs du club. Le commandant Guidicelli, service départemental d'incendie et de secours (SDIS), propose une analyse des risques dans les établissements recevant du public (ERP).
Laurent Cottenceau choisit de s’exprimer autour de la création d’un système de management de la sécurité. « La participation a été constructive entre les intervenants et les préventeurs en entreprise. Chacun a présenté un thème, sans aucune appréhension. Initialement prévus 2 heures, les débats se sont prolongés pendant 4 heures. La mayonnaise a pris. » Le but était atteint : échanger entre professionnels de la Santé & Sécurité au Travail.
Le partenariat se renforce en 2015
Cette année, le club a souhaité aller plus loin en structurant la journée de travail annuelle autour de thèmes d’actualité.
« En Corse, les problématiques de prévention sont les mêmes que sur le continent, indique Pierre Lecullier. Nos sujets s’alignent sur les priorités nationales. »
L’organisation, le choix des sujets, tout est décidé de façon collégiale.
Porter le message de l’Institution
Côté institutions, le projet est reçu favorablement par la Direction des Risques Professionnels de la Carsat Sud-Est. Le 16 octobre 2015, les préventeurs de la Carsat sont venus prêter main-forte aux débats à travers 3 interventions : l’évaluation des risques professionnels, par Thierry Buonomo (contrôleur de sécurité et formateur, Carsat Sud-Est), un focus sur le compte Pénibilité, par Régine Bin (ingénieur conseil, Carsat Sud-Est), et une approche sur les risques psychosociaux, par Florence Nesa (psychologue du travail, Carsat Sud-Est).
Nadia Koufane, ingénieur de prévention à la DIRECCTE, a rejoint le club. Son intervention a porté sur la réforme des instances représentatives du personnel. Enfin, le commandant Guidicelli (SDIS) a présenté une analyse du risque incendie dans les ERP.
« L’intérêt de ces réunions est de se rencontrer dans un contexte convivial et de mettre des visages sur des noms : inspection du travail, médecine du travail, Carsat Sud-Est, SDIS, mais aussi tous les préventeurs en entreprise. »
Un esprit d’ouverture et d’échanges
Pour cette deuxième édition, le public s’est élargi. 18 préventeurs en entreprise étaient présents en 2015, « avec toujours une écoute intéressée de leur part. C’est la première fois que je voyais autant de préventeurs réunis autour de la table. »
18 entreprises représentant 14 200 salariés en Corse.
De nombreux secteurs sont représentés, privés et publics : la fonction publique (CGDFP2B), le palais de justice, le conseil général, la chambre de commerce et d’industrie, l’office hydraulique (OEHC), le secteur hospitalier (hôpital de Bastia), la grande distribution (Leclerc, CODIM), les télécommunications (Orange), le transport (Air Corsica, Filac, CFC), le tourisme (Tourista), l’aide à domicile (CORSSAD), la construction (Colas), la Brasserie Pietra, les Salaisons Réunies, BCMO en charge des opérations de manutention sur le port, sans oublier l’IGeSA (4 000 salariés).
« Les préventeurs sont très demandeurs. Grâce à ce réseau d’échanges, les méthodologies de travail sont partagées. Ils n’hésitent plus à appeler les institutions pour obtenir des informations pratiques… sur l’élaboration du Document Unique d’Évaluation des Risques par exemple. C’est vraiment du vécu. Et cela permet d’avancer plus vite. »
« Échanger et partager les méthodologies de travail entre préventeurs, faire passer les messages de l’Institution, telle est la vocation du club des préventeurs de Corse. »
- Pierre Lecullier, contrôleur de sécurité, Carsat Sud-Est
Un club d’experts
Pour autant, n’entre pas qui veut. « On a refusé certains préventeurs. Tant que la direction de l’entreprise ne montrera pas une implication dans la prévention des risques professionnels, ou que celle-ci se limitera à la sécurité des biens et des personnes, l’accès sera refusé. »
Pour faire partie du club, « le préventeur doit avoir reçu une formation, il a les compétences, les moyens, les responsabilités, et il est poussé par sa direction. C’est un club d’experts. Le but est d’offrir un espace d’échanges entre professionnels de la prévention autour de sujets de fond. »
Dans le cadre de ses visites, un préventeur institutionnel peut aussi être amené à rencontrer un préventeur en entreprise présentant un bon niveau de compétences. Dans ce cas, l’adhésion au club peut lui être proposée. « Généralement, ils sont preneurs. »
Un compte sur LinkedIn
En 2016, le réseau de préventeurs va se développer sur les réseaux sociaux. Un compte professionnel a été ouvert sur LinkedIn. « Cette base d’échanges permettra aux membres du club d'apporter des propositions de sujets à traiter, des actualités, des informations réglementaires, des actions de formation, des salons pour les préventeurs… ».
Une newsletter a également été créée, elle circule entre les préventeurs et les chefs d’entreprise de la région. L’an prochain, le club réfléchit à d’autres types de réunions. « Toujours la réunion annuelle d’une journée sur des grands thèmes de prévention, et peut-être une ½ journée spéciale sur le terrain, des réunions plus informelles... »
De nouvelles pistes de travail sont à l’étude.
TEMOIGNAGE :
Lionel Cottenceau-Bartoli, responsable national de la prévention à l’IGeSA
Pourquoi un club des préventeurs de Corse ?
Avant 2014, j’avais rencontré Pierre Lecullier à plusieurs reprises dans un cadre professionnel lié au système de management de la sécurité mis en place à l’IGeSA. C’est à l’issue de ces rencontres que nous avons réfléchi à un moyen de diffuser des informations entre préventeurs.
Créer un réseau, c’était notre premier objectif. Non pas avec des entreprises commercialisant des missions liées à la prévention (par exemple : formations S&ST, rédaction de document unique, etc.), mais avec des préventeurs qui, comme moi en entreprise, sont confrontés à l’application de la réglementation HSE, au suivi et à l’analyse des indicateurs pro et réactifs, à la gestion opérationnelle de la prévention sur le terrain.
Le travail de prévention en Corse a-t-il des spécificités ?
Le travail de préventeur n’est pas différent, nous appliquons les mêmes référentiels que sur le continent. L’une des différences par rapport à certaines régions résulte du faible nombre d’entreprises disposant d’un service dédié à la prévention.
Vos relations avec les préventeurs ont-elles changé grâce à ce club ?
Complètement. Auparavant, j’avais peu de contact avec les autres préventeurs des entreprises en Corse. Maintenant, je les rencontre et je peux connaître leur façon de travailler. Par exemple, leurs expériences sur la mise en œuvre des référentiels appliqués dans le secteur industriel (comme MASE, OHSAS 18001, ISO...), bien qu’ils n’entrent pas directement dans mon domaine d’activité, m’a permis de faire évoluer mon propre système de management.
De plus, au-delà d’échanger un numéro de téléphone ou un courriel, le fait de se réunir autour d’un repas ou d’un café, permet de mettre à la fois un visage sur un nom et d’échanger plus librement sur les difficultés de préventeur auxquelles nous pouvons être confrontés.
Et avec les institutions ?
C’est le deuxième objectif de ce club : organiser la rencontre entre les préventeurs et les autorités de contrôle et d’inspection dans un contexte différent. Par exemple, lorsque l’inspection du travail se rend en entreprise, c’est souvent pour réaliser un audit, une inspection liée à la sinistralité de l’entreprise voire intervenir dans le cadre d’un conflit.... Concernant la CARSAT, elle peut intervenir pour effectuer des visites de contrôle ou vérifier l’avancée d’un contrat de prévention.
Pour les visites périodiques de la commission de sécurité et d’accessibilité dans un ERP, l’analyse des risques réalisés par le SDIS va statuer sur la conformité de votre établissement. C’est pour tout cela que l’objectif du club des préventeurs est de nous faire rencontrer ces personnes sous un angle de conseil et non de contrôle. Cette approche pédagogique apporte directement aux membres du club une plus-value sur l’analyse qu’ont ces autorités administratives de par leur expertise.
Qu'est-ce qui manque le plus aux préventeurs que vous avez rencontrés à votre avis ?
D’une manière générale, c’est le manque de temps que l’on peut consacrer au suivi et à l’avancée des mesures de prévention. En effet, le contexte budgétaire actuel avec la multiplication de tâches transversales conduisent les préventeurs à passer de plus en plus de temps sur les suivis administratifs et ils ont le sentiment de s’éloigner progressivement des opérateurs de terrain. Or le cœur du métier de préventeur se fait par la mise en œuvre de démarches de prévention collectives et participatives avec les acteurs internes et externes à l’entreprise.
Pensez-vous que ce type de partenariat soit reproductible dans d’autres régions ?
Clairement oui. Au cours de ma carrière, j’ai eu l’occasion d’exercer mon métier de préventeur dans d’autres régions. Et j’aurais vraiment apprécié pouvoir participer à ce genre de club. C’est très utile dans mon quotidien, les intervenants nous apportent toutes leurs connaissances sur des problématiques concrètes qu’ils n’ont pas foncièrement le temps d’aborder lors de leurs visites de contrôle ou d’inspection.
En savoir plus :
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