A compter de 2016, les entreprises du secteur privé ont l’obligation de déclarer les salariés exposés à certains facteurs de pénibilité sur l’année 2015. 6 nouveaux facteurs de pénibilité sont entrés en vigueur au 1er juillet 2016. Ils s’ajoutent aux 4 facteurs déjà en application dans le Compte Prévention Pénibilité. La Direction Retraite de la Carsat Sud-Est travaille en complémentarité avec la Direction des Risques Professionnels afin d’accompagner les employeurs et salariés dans leurs démarches déclaratives. Un nouveau métier émerge : conseiller-enquêteur.

Le cadre réglementaire

Des dispositions concernant la pénibilité au travail ont été introduites dans le Code du travail suite à la réforme des retraites de 2014. 10 facteurs de risques ont été définis. Ils sont liés à des contraintes physiques marquées, un environnement physique agressif ou certains rythmes de travail. Chaque facteur de pénibilité associe un seuil d’exposition qui est défini par deux critères : son intensité minimale (mesurée en décibels pour le bruit, en kilogrammes pour les manutentions manuelles, etc.) et sa temporalité (durée minimale de l’exposition). Le salarié est considéré comme exposé s’il dépasse ces seuils réglementaires, après application des mesures de protection collectives et individuelles.

Les 10 facteurs de risques professionnels

Au 1er janvier 2015, 4 facteurs de risques sont entrés en vigueur dans le Code du travail :

  • le travail de nuit,
  • le travail en équipes successives alternantes,
  • le travail répétitif,
  • les activités exercées en milieu hyperbare.

Au 1er juillet 2016, 6 autres facteurs entrent en vigueur :

  • les manutentions manuelles de charges,
  • les postures pénibles,
  • les vibrations mécaniques,
  • les agents chimiques dangereux (y compris les poussières et fumées),
  • les températures extrêmes,
  • le bruit.

Toutes les précisions sur les seuils sont consultables en fin d’article.

La déclaration employeur. Depuis janvier 2016, l’employeur doit déclarer par voie dématérialisée, pour chaque salarié via la DADS (et à terme la DSN) le ou les facteurs de risques dépassant les seuils de pénibilité réglementaires, ainsi que la période d’exposition.

Le cumul des points. Chaque trimestre d’exposition donne droit à des points qui aliment le Compte Prévention Pénibilité du salarié. Ce compte est créé automatiquement. La CNAV adresse chaque année au salarié un relevé de points qu’il peut consulter sur son espace personnel.

1 année d’exposition à un facteur de risque = 4 points

1 année d’exposition à 2 facteurs de risque ou plus = 8 points

Ce système permet de financer une formation professionnelle qualifiante, un passage à temps partiel ou anticiper un départ en retraite.

10 points = 1 trimestre de retraite complémentaire (maximum 2 ans)

10 points = 1 trimestre à mi-temps sans réduction de salaire (maximum 2 ans)

Les 20 premiers points sont acquis à la formation professionnelle (maximum 500 heures de formation)

En juillet 2016, 500 000 salariés exposés à la pénibilité au titre de l’année 2015 ont reçu leur relevé de points. L’entrée en vigueur de 6 nouveaux facteurs au 1er juillet 2016 va entraîner une augmentation du nombre de salariés déclarés exposés à la pénibilité dans les déclarations sociales.

Les cotisations. À compter du 1er janvier 2017, une cotisation de base est due par toutes les entreprises au titre de la solidarité interprofessionnelle. Son taux est fixé à 0,01% de la masse salariale. Une cotisation additionnelle est due depuis 2015 par les entreprises déclarant des salariés exposés au-delà des seuils : 0,1% sur la rémunération d’un salarié exposé à un seul facteur (monoexposé), 0,2% pour un salarié exposé à plusieurs facteurs (polyexposé). Au 1er janvier 2017, ce taux passera à 0,2% pour un salarié monoexposé et à 0,4% pour un salarié polyexposé.

Ce mécanisme vise à inciter les entreprises à réduire les facteurs de risques. Pas de cotisation additionnelle pour les entreprises qui passent en dessous des seuils réglementaires.

L’offre de service en ligne

Afin d’accompagner les employeurs et les salariés dans leurs démarches, la CNAV a mis en place :

  • le portail www.preventionpenibilite.fr : il regroupe l’ensemble de l’information et de la réglementation sur le Compte Prévention Pénibilité et offre un accès aux espaces personnels ;
  • l’espace personnel salarié à partir de 2016 : créé par le salarié concerné par le dispositif, il permet de consulter en ligne l’historique du nombre de points acquis, de suivre les demandes d’utilisation de points et d’envoyer des demandes d’information ;
  • l’espace personnel employeur à compter de 2017 : il permet de consulter l’historique des déclarations, d’envoyer des demandes d’informations et de suivre les demandes de remboursement (par exemple, concernant le passage d’un salarié à temps partiel, l’employeur rémunère celui-ci comme un temps plein et sera remboursé chaque mois).
  • Un numéro de téléphone unique est à disposition des employeurs et des salariés pour répondre à toute question relative à la déclaration.

La mise en œuvre du dispositif

C’est la Direction Nationale Pénibilité, créée en 2014, qui pilote le dispositif du Compte Prévention Pénibilité. L’offre de service est mutualisée :

  • la plateforme téléphonique (Carsat Centre-Ouest) s’adresse aux salariés et aux entreprises. Depuis 2015, des techniciens ont été formés pour répondre aux questions des employeurs, des salariés et des partenaires.
  • Le centre de gestion (Carsat Bretagne) prend en charge la recevabilité des réclamations et la régularisation des points ainsi que leur conversion.

42 conseillers-enquêteurs ont été déployés dans le réseau des Carsat. Ils ont une mission de conseil aux entreprises et de contrôle. Contrôle de l’effectivité et ou l’ampleur de l’exposition aux facteurs de pénibilité, contrôle de l’exhaustivité des données déclarées par l’employeur suite à une réclamation.

Les réclamations

Le salarié a la possibilité de porter réclamation auprès du centre de gestion en cas de non-déclaration de son employeur ou s’il estime avoir été lésé dans l’attribution des points. Il peut alors contester la période d’exposition déclarée ou le facteur de risque.

Tout au long de l’année 2015, Sonia Montarello, manager opérationnel au département Carrière et Déclarations de la Carsat Sud-Est, a veillé à la mise en place du compte Prévention Pénibilité sur son aspect législatif. Elle distingue deux phases dans le processus de réclamation : une phase amiable et une phase pré-contentieuse. « Si le salarié n’a pas reçu son relevé de points, il doit se rapprocher de son employeur. Nous encourageons au dialogue social. En cas de désaccord persistant, le salarié a la possibilité de saisir le centre de gestion mutualisé de la CNAV (Carsat Bretagne) pour porter réclamation. » Cette demande se fait par écrit auprès de celui-ci. Après étude des critères de recevabilité, la réclamation est transmise à la cellule Pénibilité de la Carsat dont il dépend géographiquement. Un conseiller-enquêteur l’étudiera.

Au sein du département Carrière et Déclarations de la Carsat Sud-Est, la cellule « Pénibilité » compte désormais 3 conseillers-enquêteurs. « Chacun se voit attribuer un portefeuille de réclamations. Il étudie le dossier sur pièces et peut être amené à se déplacer chez l’employeur. À partir de 2018, des contrôles spontanés seront possibles. »

Un nouveau métier : conseiller-enquêteur

Les conseillers-enquêteurs sont agréés et assermentés. Ils ont reçu une formation théorique et pratique incluant des modules spécifiques sur les 4 premiers facteurs de pénibilité. Une mise à jour est prévue en 2016 pour approfondir les 6 autres facteurs. « Pour compléter leur formation, nos conseillers-enquêteurs effectuent régulièrement des visites d’entreprise avec les préventeurs de la Direction des Risques Professionnels, indique Sonia Montarello. Dans l’attente de la montée en charge des réclamations, nous allons multiplier ces sorties sur le terrain. Nos actions sont complémentaires. Les conseillers-enquêteurs accompagnent les entreprises sur l’aspect législatif et déclaratif du Compte Prévention Pénibilité. Outre leur fonction conseil, ils ont pour objectif de contrôler l’effectivité et l’ampleur de l’exposition aux facteurs de risque professionnels ou l’exhaustivité des données déclarées. Le rôle du préventeur de la DRP est d’accompagner les entreprises. »

Julien Labourayre, conseiller-enquêteur à la Carsat Sud-Est

« Dans le cadre de notre ancienne activité, nous avions déjà une relation privilégiée avec les entreprises pour les accompagner dans la déclaration annuelle de leurs données sociales, sur la DADS, puis sur la mise en place progressive de la DSN. Aujourd’hui, en tant que conseiller-enquêteur, il est tout aussi important de les accompagner sur les facteurs d’exposition à la pénibilité. Ce type de contrôle est une dimension nouvelle. Avec l’accord de l’employeur, nous sommes autorisés à entrer dans l’entreprise pour consulter certains documents afin de mener à bien nos enquêtes : fiches de poste, contrats de travail, DUER… Nous pouvons être amenés à demander des rapports d’analyse et vérifier l’exposition du salarié sur son poste de travail, par exemple pour mesurer si un travail est exposé au bruit. En cas d’absence de rapport d’analyse, nous pouvons faire appel à un laboratoire accrédité pour réaliser le rapport d’analyse. À l’issue de l’enquête, nous rédigeons un rapport qui est présenté pour avis à la Commission de Réclamation du Compte Pénibilité (CRCP). Cette commission est paritaire. In fine, c’est le directeur de la Carsat Sud-Est qui prend la décision pour statuer sur la réclamation. »

Les Matinées Employeurs en région PACA

Pour communiquer sur ce dispositif, la Carsat Sud-Est a organisé une dizaine de réunions avec les entreprises de la région Paca-Corse entre novembre 2015 et juin 2016, afin de présenter le Compte Prévention Pénibilité dans chaque département et de répondre à toutes les questions. « Ces rendez-vous d’échanges et d’information sont un succès. Près de 1 000 employeurs ont déjà participé. Il a été décidé de reconduire un cycle de Matinées Employeurs sur le dernier trimestre 2016. » (calendrier en fin d’article)

Une question récurrente revient chez les employeurs : la complexité de l’outil de déclaration pour évaluer les facteurs de risques. Jacques Catani, Ingénieur Conseil à la Direction des Risques Professionnels de la Carsat Sud-Est, intervient lors des Matinées Employeurs. Sa réponse est sans équivoque : « Dès lors que vous avez réalisé un Document Unique d’Évaluation des Risques, vous n’avez aucun problème pour évaluer l’exposition de vos salariés à ces dix facteurs de pénibilité. »

L’évaluation des risques professionnels

Jacques Catani insiste sur le fait que le Compte Prévention Pénibilité ne doit pas soustraire les employeurs à leurs obligations, en particulier :

  • le Document Unique d’Évaluation des Risques : obligatoire depuis 2001, la formalisation des résultats de l'évaluation des risques dans un document unique comporte « un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement » (article R. 4121-1 du Code du travail). Ce document comprend : la méthode de classement choisie, l’inventaire des risques identifiés et évalués, les actions à mettre en place.
  • le plan d’actions : le document unique est un préalable à la mise en œuvre concrète des mesures de prévention dans l’entreprise, techniques, humaines et organisationnelles. « Si les actions ont été correctement mises en œuvre, vous n’aurez, dans de très nombreux cas, pas de facteurs de pénibilité à déclarer, hormis des facteurs organisationnels comme le travail de nuit par exemple. »

En définitive, « si vous évaluez vos risques et mettez en œuvre les mesures de prévention adéquates, vous diminuez de facto l’exposition aux facteurs de pénibilité. »

POINT REGLEMENTATION : du nouveau sur le DUER

Par décret du 30 décembre 2015 (n°2015-1885 - art. 2), l’employeur doit consigner, en annexe du document unique :

  • les données collectives utiles à l’évaluation des expositions aux facteurs de pénibilité de nature à faciliter la déclaration, le cas échéant, à partir de l'identification de postes, métiers ou situations de travail figurant dans un accord collectif de branche étendu ou un référentiel professionnel de branche homologué,
  • la proportion de salariés exposés à ces facteurs au-delà des seuils. (article R. 4121-1-1 du Code du travail).

Tendre vers zéro facteur de pénibilité

Pour Sonia Montarello, le dispositif de prévention de la pénibilité devrait encourager la rédaction du document unique. Jacques Catani attire cependant l’attention sur deux écueils à éviter à tout prix.

  • Ne pas négliger les autres facteurs de risques. D’autres facteurs de risques existent. Le danger serait que l’employeur se focalise sur les dix facteurs de pénibilité et qu’il ne se préoccupe plus des autres facteurs de risques auxquels sont exposés ses salariés. Jacques Catani revient sur la procédure. « C’est la CNAV qui adresse chaque année au salarié son relevé de points pour l’informer des facteurs de pénibilité auxquels il est exposé. Cela ne doit pas entraîner un désengagement de l’employeur. »
  • Ne pas s’arrêter aux seuils réglementaires. Même en deçà des facteurs de pénibilité tels qu’ils ont été définis par décret dans le Code du travail, il y a des risques pour les salariés. À titre d’exemple, Jacques Catani évoque deux cas de figure dans le circuit de reconnaissance des maladies professionnelles où les seuils pris en compte par la CRRMP (Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles) sont bien en deçà des seuils de pénibilité réglementaire :
  • une affection chronique du rachis lombaire provoquée par la manutention manuelle de charges lourdes peut être reconnue d’origine professionnelle par le CRRMP si le salarié cumule une charge d’1 tonne par jour (Tableau 98 du Régime général). Or les facteurs de pénibilité réglementaires fixent ce cumul de charge à 7,5 tonnes par jour sur une durée minimale de 120 jours.
  • Un cancer peut être reconnu d’origine professionnelle par le CRRMP si le travailleur est exposé à un produit cancérogène identifié, même s’il n'y a pas de mesure d’exposition, parce que le produit est utilisé dans l’entreprise et que le salarié a été exposé sur une période définie. Or les facteurs de pénibilité imposent un contrôle réglementaire de la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) qui doit révéler une valeur supérieure ou égale à 30% de la VLEP (étant précisé que lorsqu’un équipement de protection individuelle est utilisé, la concentration à contrôler est la concentration théoriquement mesurable de l’air inhalé à l’intérieur du masque). Là encore, nous sommes bien au-delà des critères pris en compte lors de la reconnaissance des maladies professionnelles.

Les référentiels professionnels de branche

Lors des Matinées Employeurs, Sonia Montarello a relevé une attente forte des employeurs : les référentiels professionnels de branche. « Ils sont destinés à faciliter le recensement des postes, métiers ou situations de travail exposés aux facteurs de pénibilité au-delà des seuils. »

  • Ces référentiels de branche seront opposables aux organismes de sécurité sociale. Concrètement, un employeur qui respecte le référentiel de branche dans sa déclaration annuelle ne pourra pas faire l’objet d’une réclamation par un salarié.
  • À ce jour, ces référentiels professionnels de branche sont en attente de publication. Elaborés par des organisations professionnelles telles que l’UIMM (métallurgie), l’UIC (industries chimiques), la fédération du BTP…, ces référentiels devront toutefois être homologués par arrêté conjoint des ministres chargés du travail et des affaires sociales après avis du Conseil d'orientation des conditions de travail (COCT) placé auprès du ministre chargé du travail et de la Direction de la Sécurité Sociale.
  • À défaut d’accord collectif de branche étendu ou de référentiel professionnel homologué dans la branche de l’employeur, charge à l’employeur d’évaluer l’exposition de ses salariés à la pénibilité, au-delà des seuils réglementaires, au regard des conditions habituelles de travail caractérisant le poste occupé.

BON A SAVOIR : une commission de pénibilité pour les IPP supérieures à 10%

Depuis le 1er juillet 2011, une commission pluridisciplinaire statue sur les demandes de retraite à taux plein dès l'âge de 60 ans pour les salariés justifiant d'un taux d’incapacité permanente (IPP) compris entre 10 et 20% reconnue au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail. Si le taux d’IPP est supérieur ou égal à 20 %, la pénibilité est acquise. Cette commission pluridisciplinaire est composée d’experts : représentants de la Carsat Sud-Est, DIRECCTE PACA, un médecin-conseil et un praticien hospitalier. Elle est chargée d'apprécier la validité de la preuve et l'effectivité du lien entre l'incapacité permanente et l'exposition à un risque professionnel inclus dans un tableau de maladies professionnelles.

En savoir plus :

Le portail du Compte Prévention Pénibilité.

Critères et seuils.

Calendrier des Matinées Employeurs en PACA - 4ème trim. 2016.

Pénibilité au travail, dossier INRS, Juin 2016.

Evaluation des risques professionnels, dossier INRS, 2016.

Questions-réponses sur le document unique, ED 887, INRS, 2004.