Retour sur une chute de hauteur mortelle en 2015 à Marseille sur un chantier de rénovation chez un particulier. Ce drame nous rappelle que la priorité dans les TPE/PME est la sensibilisation aux risques professionnels, notamment dans le BTP où la prise de conscience de l’évaluation des risques est plus que jamais nécessaire pour préserver la santé et la sécurité des travailleurs.

LES FAITS

Mars 2015. Une petite entreprise de gros œuvre récemment créée intervient sur un chantier de rénovation à Marseille chez un particulier. Au 1er étage de la maison, la terrasse est en construction. Large de 3 m., longue de 10 m., elle est située à une hauteur de 2,5 m. du sol.

En milieu d’après-midi, trois salariés sont présents sur le toit terrasse. Deux d’entre eux découpent le ferraillage de la dalle tandis qu’on demande au troisième d’aller jeter les chutes de ferraillage en bas de la terrasse. Celui-ci s’exécute, en se déplaçant sur le côté latéral avec le ferraillage.

Pendant ce temps, les deux autres salariés terminent leur opération (retourner le chaînage, ranger les fers en attente…) puis rentrent à l’intérieur de la maison. Quelques minutes plus tard, un quatrième salarié demande où est passé le troisième. C’est alors qu’ils le découvrent par terre, inanimé, sur un sol composé de terre et de gravats.

Fracture de la clavicule, saignements de la tête… La victime, âgée de 55 ans, est décédée des suites d’un arrêt cardiaque. Ce cuisinier de profession était affecté à ce poste depuis 3 semaines en contrat CDD à temps partiel. Aucun salarié présent sur le chantier ne l’a vu chuter de la terrasse.

L'ANALYSE

Thierry Moussy, contrôleur de sécurité à la Carsat Sud-Est, a fait une visite coordonnée avec l’Inspection du travail sur les lieux de l’accident quelques jours plus tard. Il a rencontré la gérante de l’entreprise et les salariés présents le jour de l’accident sur le chantier. « Les circonstances exactes de la chute demeurent floues. L’élément déclenchant n’est pas connu. »

Son rapport d’enquête analyse les causes de l’accident en se basant sur le risque de chute, selon une modélisation chronologique de l'accident du travail :

  1. Le danger : le sol en terre situé au pied de la terrasse à  2.5 m en contrebas.
  2. La situation dangereuse : la victime se déplaçait sur la terrasse pour se rapprocher de son extrêmité afin de jeter une chute de ferraillage. Il note « l’absence de garde-corps sur la périphérie de la dalle béton, l’absence d’un échafaudage périphérique, l’absence de formation des salariés au montage, démontage des échafaudages, l’absence de goulottes d’évacuation de gravats en hauteur ».
  3. L’élément déclenchant n’est pas connu.
  4. L’événement dangereux : la chute de 2.5 m de hauteur. « Les salariés ne disposaient pas de dispositifs de protection contre les chutes de hauteur et n’avaient pas reçu de formation au travail en hauteur. »
  5. Les lésions : clavicule fracturée, saignements à la tête, arrêt cardiaque. « De plus, les salariés n’ont pas reçu de formation SST (Sauveteurs Secouristes du Travail), de façon à pouvoir donner les gestes de premiers secours avant l'arrivée des secours. »

Plus globalement, Thierry Moussy note l’absence d’un coordonnateur de chantier et d’un plan général de coordination. « Aucune évaluation des risques n’a été réalisée en amont du chantier. Pour soutenir la terrasse, des bouts de bois inadaptés étaient positionnés dans le mauvais sens sur des parpaings creux ! Ce métier ne s’improvise pas. La victime travaillait dans la restauration depuis 1975. Les salariés n’avaient reçu aucune formation professionnelle… »

post it TMoussy« Une bonne évaluation des risques est primordiale pour adapter les mesures de prévention à la situation réelle de travail. Cet accident du travail mortel révèle encore une fois qu’un travail important reste à effectuer avec les petites entreprises afin qu’elles intègrent dans leurs pratiques quotidiennes la prévention des risques professionnels. Sensibilisation à l’évaluation des risques, montée en compétence, choix du matériel adapté aux travaux à réaliser, afin de développer une culture de prévention dans le temps, et ce quelle que soit la taille de l’entreprise » Thierry Moussy, Contrôleur de sécurité, Carsat Sud-Est.

LES PRECONISATIONS

A la suite de l’enquête, la Carsat Sud-Est a demandé à l’entreprise de mettre en œuvre des mesures de prévention par voie d’injonction. « Les demandes formulées visent à la fois une réponse immédiate à la situation de travail et un accompagnement durable de l’entreprise dans le temps par le contrôleur de sécurité de la Carsat Sud-Est. »

À l’entreprise, il a été notamment demandé :

Pour les travaux en toiture terrasse : la mise en place immédiate de protections collectives autour des zones à risque de chutes de hauteur.

Pour rappel le choix du matériel doit être conforme aux normes en vigueur.

Exemples :

  • pour les garde-corps périphériques temporaires, la norme à respecter est la NF EN 13374
  • pour les plates-formes de travail en encorbellement la norme a respecté est la PTE : NF P 93-351

Pour les travaux en façades d'ouvrages : la mise à disposition des salariés de plans de travail sûrs et de protections collectives contre le risque de chute de hauteur.

Exemples :

  • pour les échafaudages de pied dont la conformité aux exigences minimales de solidité, de stabilité et de sécurité fera référence aux normes des séries NF EN 12810-1 et 2* et NF EN 12811-1 à 3* en ce qui concerne les configurations « Façade »

Pour les travaux ponctuels, on prendra en compte les normes suivantes :

  • PIR : NFP 93-352*, pour les plates-formes individuelles roulantes
  • PIRL : NFP 93-353* pour les plates-formes individuelles roulantes légères

(* Retrouvez tous les liens des normes d’équipements en fin d’article.)

Une démarche de prévention pérenne

Dans le cadre du suivi de chantier, Thierry Moussy a pu constater sur le terrain que des garde-corps avaient été mis en place. « Le chef d’entreprise a entrepris une démarche d’évaluation des risques, accompagnée par l’OPPBTP. Le Document Unique (DUER) a été rédigé et il a engagé des actions de formation aux risques professionnels pour ses salariés. »

Cette petite entreprise fera l’objet d’un suivi par le contrôleur de sécurité de la Carsat Sud-Est. « Il s’agit de pérenniser la démarche de prévention des risques professionnels, à la fois pour le chef d’entreprise et pour les salariés. »

En savoir plus :

Recommandation R 408 : montage, utilisation et démontage des échafaudages de pied. CNAMTS, 2004.

Échafaudages et plates-formes individuelles. dossier INRS.

Travaux en toiture terrasse :

Garde-corps périphériques temporaires – NF EN 13374, année 2013.

Plates-formes de travail en encorbellement et supports - NF P93-351, année 2014.

Travaux en façades d’ouvrages :

Échafaudages de façade à composants préfabriqué – NF EN 12810, année 2004.

  • Partie 1 : spécifications de produits
  • Partie 2 : méthodes particulières de calcul des structures

Équipements temporaires de chantiers – NF EN 12811, août 2004.

  • Partie 1 : échafaudages - Exigences de performance et étude, en général
  • Partie 2 : information concernant les matériaux
  • Partie 3 : essais de charges

Travaux ponctuels :

Plates-formes individuelles roulantes (PIR), NFP 93-352, décembre 2009.

Plates-formes individuelles roulantes légères (PIRL), NFP 93-353, janvier 2016.

Formation :

Devenir SST (Sauveteur, Secouriste du Travail)

Mettre en œuvre les mesures de prévention liées à l’installation d’échafaudages de pied

Financement :

Aide financière simplifiée (AFS) « Echafaudage + »