Le risque électrique est majeur en l’absence d’habilitation électrique de l’entreprise extérieure et de consignation des installations électriques par l’entreprise utilisatrice, a fortiori si la coordination générale des travaux n’a pas été organisée en amont. Récit d’un accident du travail mortel survenu en PACA.

LES FAITS

Fin 2015. Depuis deux mois, un apprenti en seconde année de plomberie intervient dans le local chaufferie des services généraux d’un établissement en PACA. Cette entreprise utilisatrice (EU) a confié à son employeur (une très petite entreprise de chauffage, effectif 1 personne), la rénovation de 5 chaufferies sur l’un de ses sites.

L’installation de nouveaux matériels (2 pompes de charge) a nécessité le déplacement imprévu des anciens matériels (3 circulateurs et une vanne 3 voies). Avant de les raccorder électriquement, l’employeur de l’entreprise de chauffage demande à un ouvrier de maintenance de l’EU présent sur place la mise hors tension des installations. Ce dernier valide la coupure d’alimentation électrique. L’employeur montre à son apprenti comment raccorder les câbles électriques aux 3 circulateurs et à la vanne 3 voies, puis il quitte le site, laissant seul son apprenti.

Tandis que ce dernier manipule des fils électriques dénudés, l’ouvrier d’entretien vient lui demander de baisser le son. La radio est trop forte. C’est alors que l’apprenti lui dit : « j’ai pris le jus ». Il manifeste de grands malaises. L’ouvrier d’entretien accourt auprès d’un barman présent dans les locaux, qu’il sait pompier volontaire. L’apprenti est coincé entre le mur et les tuyauteries de chauffage. À deux, ils ont de grandes difficultés à l’extraire. Leurs tentatives de réanimation seront vaines. L’un des câbles électriques était resté sous tension : 220 V. L’apprenti est décédé par électrocution. Il avait 17 ans.

L'ANALYSE

Le préventeur du secteur a établi un rapport d’enquête qui engage la responsabilité de l’EU et de l’entreprise extérieure (EE).

  • Absence de coordination des interventions de la part de l’EU, entre EU et EE

La rénovation des 5 chaufferies a été divisée en deux lots chauffage et électricité. L’EU a confié à un bureau d’étude, le MOE (Maître d’Oeuvre), une mission technique pour l’organisation et le suivi de la réalisation des travaux.

Aucune mesure de sécurité liées à la coordination des différents intervenants est mentionnée dans les comptes rendus du MOE.

L’EU n’a pas prévu ni confié de gestion de la prévention des risques professionnels au MOE.

Pas d’organisation des secours et pas de SST (Sauveteur Secouriste du Travail) sur site.

  • Les travaux électriques n’étaient pas prévus par l’EU et le MOE

Les travaux électriques sur la nouvelle installation (les 2 pompes de charge) n’étaient pas prévus dans le lot chauffage. L’entreprise d’électricité a tiré deux liaisons électriques supplémentaires pour alimenter les 2 pompes de charge, mais elle a refusé de les raccorder, car l’entreprise de chauffage n’avait pas fourni les schémas de câblage des pompes. Elle ne voulait pas assumer la responsabilité de la garantie du matériel.

Le MOE a confié l’exécution de ces travaux électriques à l’entreprise de chauffage « en présence de l’électricien » comme il est indiqué sur un compte rendu. L’entreprise d’électricité n’était pas présente au moment de l’accident.

Le raccordement électrique des nouveaux matériels a amené l’entreprise de chauffage à connecter les anciens matériels, les 3 circulateurs et la vanne 3 voies à l’origine de l’électrocution. Rien n’a été précisé par le MOE pour raccorder électriquement ces anciens matériels.

  • L’entreprise de chauffage n’avait aucune habilitation électrique

L’employeur de l’entreprise de chauffage n’était pas habilité à intervenir sur les réseaux électriques, hors ou sous tension.

Il a confié les travaux électriques à un apprenti sans habilitation électrique.

Il n’a pas vérifié l’absence de tension dans les câbles électriques sur lesquels intervenait son apprenti, qu’il a laissé seul sur le chantier.

Il n’a pas demandé la coordination des travaux à l’EU.

  • Absence de consignation des installations électriques

L’appareil de coupure de la vanne 3 voies était à l'intérieur d’une armoire fermée à clé et sous tension. La mise hors tension est impossible par une entreprise extérieure sans les clés et sans les schémas d’installation avec repérage précis.

Ces plans sont à disposition près de l’armoire électrique, mais ne sont pas remis à jour lors des transformations. Jaunis par le temps, ils semblent dater de l’origine de l’installation.

La clé de l’armoire est disponible au service Maintenance. Une habilitation électrique est obligatoire pour accéder dans l’armoire. Or l’entreprise de chauffage ne possédait pas d’habilitation électrique.

L’EU n’a pas confié de mission d’intervention au service Maintenance pour gérer ces travaux.  L’ouvrier d’entretien de l’EU qui a validé la mise hors tension des installations électriques le jour de l’accident n’était pas missionné. Cet ouvrier d’entretien a une habilitation électrique BR et BC et connaît parfaitement bien le site.

LES PRECONISATIONS

Sur la base de ce rapport d’enquête, la Carsat Sud-Est a demandé la mise en œuvre de mesures de prévention, à la fois à l’EU et à l’EE de chauffage.

À l’entreprise de chauffage, il a été demandé :

  • D’établir un modèle d'évaluation des risques professionnels, afin d'intégrer la spécificité de chaque chantier ou chaque intervention dans une EU et la coordination générale prévue par le MOE.
  • D’établir une procédure de consignation et de déconsignation des installations électriques, intégrant les condamnations et consignations communes avec les propriétaires des installations. (cf. guide INRS ED 6109 - lien en fin d’article).
  • De suivre un stage d’habilitation électrique, afin de pouvoir intervenir sur les réseaux électriques, hors ou sous tension, selon les travaux électriques à réaliser dans le cadre de son activité. (cf. guide INRS ED 6127, lien en fin d’article).

À l’entreprise utilisatrice, il a été demandé :

  • D’établir des procédures de mise en œuvre de la coordination générale en cas d’interventions d’EE sur ses sites, afin de prévenir, avant le début des travaux, les risques liés à l'interférence entre les activités, les installations et les matériels des différentes entreprises opérant sur un même lieu de travail.

Si une EE intervient dans l’EU, un plan de prévention doit être établi entre les parties. La partie EU indique ses risques et les mesures de prévention applicables dans son établissement. La partie EE indique les risques et les mesures de prévention applicables aux travaux à effectuer. La partie commune consigne en particulier l'analyse de l'interférence entre ces risques. (cf. guide INRS ED 941 et recommandation R 429 de la CNAMTS, liens en fin d’article).

Si les travaux relèvent d'un chantier de BTP, l'obligation de mettre en place de la coordination SPS (Sécurité et Protection de la Santé) impose en particulier la désignation d'un coordonnateur SPS compétent et l'établissement d'un PGCSPS (Plan Général de Coordination en matière de Sécurité et de Protection de la Santé) à adapter en fonction du niveau de coordination.

  • D’établir une procédure de consignation et de déconsignation des installations électriques, afin de s'assurer que les condamnations et consignations soient efficientes et qu'il n'y a pas de possibilité de remise sous tension intempestive.

Cette procédure intègre obligatoirement :

les condamnations et consignations communes avec les entreprises extérieures,

l’identification du responsable de l’opération désigné en interne,

les mesures de secours aux électrisés par des SST (Sauveteur Secouriste du Travail) formés,

les équipements et les matériels de consignation nécessaires à son personnel habilité BC afin que les condamnations et consignations soient physiquement possibles. Une consigne orale ou un affichage est insuffisant en termes de mesure de prévention des risques électriques. (cf. guide INRS ED 6109, lien en fin d’article).

L’EU doit fournir à la Carsat Sud-Est la copie des procédures de consignation et les plans électriques mis à jour suite aux travaux réalisés. Ou tout autre moyen d'efficacité équivalente.

À l’entreprise d’électricité, il a été adressé un courrier rappelant l’obligation de coordination générale du Maître d'Ouvrage, et les mesures s’y rapportant, dans les deux cas pré-cités : intervention d’une EE dans l’EU ou travaux relevant d'un chantier de BTP.