En 2012, un poteau électrique se renversait sur un chantier en centre ville. Bilan : un accident du travail mortel. L’analyse et les mesures de prévention préconisées par la Carsat Sud-Est.
LES FAITS
Octobre 2012. Le chantier d'aménagement du centre ville touche à sa fin. Une entreprise spécialisée dans l’éclairage public doit procéder à la dépose d’une ligne électrique provisoire. D’une longueur de 150 m., cette ligne compte 7 poteaux en bois espacés de 25 mètres. Elle est tenue par un hauban aux deux extrémités et chaque poteau est enfiché dans un plot en béton.
Ce matin-là, la nacelle est sur place, mais le monteur-électricien et son chef d’équipe entreprennent de grimper aux poteaux à l’aide de la « grimpette » pour aller défaire les connecteurs. Dans un premier temps, l’électricien grimpe aux poteaux intermédiaires n°2, 4 et 6.
Lorsqu’il grimpe en haut du poteau n°5, celui-ci se renverse. L’homme, âgé de 37 ans, écrasé par le poteau et sa chute de 10 mètres, décèdera à l’hôpital trois jours plus tard.
Les coûts directs : 480 000 euros dont rente d’ayant droit en capital. Coûts indirects : estimés à 1 million d’euros (choc psychosocial, arrêt de la production, frais de justice, etc.)
L'ANALYSE
Un contrôleur de sécurité de la Carsat Sud-Est s’est rendu sur les lieux et a notamment participé à une réunion du CHSCT. Son diagnostic porte sur des éléments techniques et organisationnels.
- Techniquement, le plot en béton pèse 1,3 tonne et le poteau mesure 10 m. Pour rester en équilibre, ce poteau ne devait pas introduire de moment de renversement supérieur à 585 kg.m. En faisant le choix de détacher les connecteurs une portée sur deux (n°2,4,6), le poids du câble a été doublé entre les poteaux impairs, passant de 25 à 50 kg (flèche rouge). Lorsque l’électricien a grimpé en haut du poteau n°5 (en pointillés), son poids a augmenté la force horizontale (flèche noire) qui a fait dépasser le moment de renversement et chuter le poteau n°5.
- Le plan de prévention entre l’entreprise utilisatrice et celle qui est intervenue prévoyait l’usage de la nacelle (d’ailleurs cette protection collective avait été utilisée lors du montage de la ligne). Mais ce jour-là, la nacelle n’a pas pu être utilisée. Sans en référer au conducteur de travaux, le monteur électricien et son chef d’équipe ont utilisé la « grimpette ». Cet équipement nécessite une protection individuelle, le harnais et son point d’ancrage sur le poteau.
Cependant, la ligne à déposer était à l’intérieur d’un chantier clos où une autre réglementation s’applique pour les entreprises appelées à des interventions simultanées ou successives dans l’acte de construire proprement dit.
Il est à préciser que le maître d’ouvrage du chantier a rempli son obligation de désigner, dès la phase de conception de l’opération, un coordonnateur SPS (Sécurité et de Protection de la Santé) pour définir les modalités de coopération avec les différents intervenants (à formaliser dans un document joint à leur contrat) et prévenir tous risques issus de la coactivité.
Ce coordonnateur a procédé à une inspection commune préalable avec les deux entreprises utilisatrice et intervenante.
« Toute modification de mode opératoire imposée par une situation d’aléa de chantier, doit faire l’objet d’un accord de l’encadrement désigné. » Charles ROSSI, Contrôleur de sécurité, Carsat Sud-Est
« C’est un cas d’école en ce que rien ne permet d’affirmer que l’une ou l’autre de ces règlementations lui est applicable, explique le contrôleur de sécurité Charles Rossi. « Nous restons dans l’attente d’une réponse des autorités compétentes à ce sujet. »
LES PRECONISATIONS
La Carsat Sud-Est a demandé la mise en œuvre des mesures de prévention validées par le CHSCT :
- Utiliser la nacelle telle que prévue dans le mode opératoire.
- Assurer la stabilité des poteaux en toutes circonstances par un haubanage triple, avant de couper le câble, même si on travaille en nacelle.
- Ne pas défaire les attaches ou connecteurs de câbles électriques sur poteaux une portée sur deux, sauf en cas de dépose avec poulies de déroulage.
- En cas de modification des modes opératoires prévus, établir une procédure d’analyse des risques permettant de donner des instructions ou consignes strictes au personnel et encadrement sur la conduite à tenir.
- Préciser les modes opératoires en adéquation avec les travaux à effectuer : pose ou dépose de ligne ou câbles électriques aériens ; poteaux bois ou béton ; scellés dans le sol ou enfichés sur plots en béton.
- Établir un processus de mise à jour des plans de prévention avec l’entreprise utilisatrice afin d’y intégrer éventuellement des compléments/modifications des modes opératoires.
POINT REGLEMENTATION. Les principes généraux de prévention demandent de prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle.
En savoir plus :
- Recommandation 430 : Dispositifs d’ancrage pour les équipements de protection individuelle contre les chutes de hauteur.
- Recommandation 431 : Utilisation des systèmes d’arrêt de chutes.
- Coordination SPS : Une obligation du maître d’ouvrage pour les opérations de BTP, INRS, 2012.
- Nacelles et plates-formes élévatrices. INRS, 2014.