Un salarié intérimaire meurt écrasé par une chargeuse lors d’une opération de levage dans une tranchée. Décryptage.

LES FAITS

Un chantier de viabilisation d’un terrain en PACA Corse. Depuis 3 mois, une entreprise de Travaux Publics ouvre des tranchées par tronçon pour poser des réseaux (eau, électricité, télécoms…) avec remblayage-compactage par couches successives. Il est 10h15 quand 2 salariés intérimaires sont dans une tranchée  de 50 cm de profondeur. Ils doivent à nouveau sortir le compacteur (double bille, 700 kg). L’un d’eux l’a élingué avec une sangle textile pour le manutentionner – à l’aide d’une chargeuse sur pneus à châssis articulé. Le conducteur de l’engin est également salarié intérimaire. La configuration du terrain et la présence d’autres postes de travail à proximité lui font positionner son engin de biais par rapport à la tranchée. L’engin n’est pas équipé pour le levage d’une charge. Le godet est toujours en place. Les salariés vont positionner l’autre extrémité de la sangle textile sur une dent du godet, afin de soulever le compacteur.

Dans la fouille, l’un des intérimaires guide le compacteur par le timon. D’après les informations recueillies, la victime veillait à ce que l’élingue reste en place sur une dent du godet. Au moment de soulever le compacteur, la chargeuse se couche sur le côté et le godet écrase le salarié. Bassin et jambes broyés. L’homme, âgé de 37 ans, décèdera à l’hôpital après une semaine de soins.

L'ANALYSE

Le rapport d’enquête effectué par le contrôleur de sécurité de la Carsat Sud-Est a mis en lumière 6 causes majeures à l’origine de l’accident mortel.

  1. Absence de modes opératoires de levage et d’examen d’adéquation pour les opérations de levage. Inadéquation entre les moyens de levage et d’élingage présents sur site et les travaux à réaliser. Chargeuse articulée : la benne frontale ne permet pas de manutentionner une charge avec un apparaux de levage de type sangle ou élingue. Le poids du compacteur a déplacé son centre de gravité au-delà du point d’équilibre. Compacteur : la notice d’utilisation préconise de soulever la machine uniquement avec un crochet et ce modèle ne peut pas se déplacer lorsque le terrain n’est pas plat.
  2. Absence d’autorisation de conduite en adéquation avec l’engin utilisé, de catégorie 4 (supérieure à 4,5 tonnes). Le conducteur était titulaire d’un CACES R 372 modifié catégorie 1 et l’entreprise utilisatrice lui avait délivré une autorisation pour la catégorie 2.
  3. Absence de formation à l’élingage des salariés concernés.
  4. Autonomie des salariés intérimaires pour réaliser les travaux. Les tâches prévues initialement dans les contrats des intérimaires mentionnaient « travaux de coffrage, maçonneries diverses, manœuvre », et n’étaient donc pas en adéquation avec les tâches réellement effectuées sur chantier.
  5. Manque de coordination avec l’agence d’emploi sur la définition des besoins et la réalité des tâches à effectuer sur chantier.
  6. Accueil des intérimaires formalisé sur une fiche, mais absence d’information sur le contenu, la durée, l’évaluation et les compétences de l’accueillant.

LES PRECONISATIONS

La Carsat Sud-Est a demandé par voie d’injonction la mise en œuvre d’un ensemble de mesures auprès de l’entreprise utilisatrice et de l’agence d’emploi.

À l’entreprise utilisatrice, ces demandes sont liées à 2 risques :

1. Risque lié aux manutentions lourdes ou répétitives :

  • Établir les modes opératoires de levage et d’élingage avec les notices d’utilisation rédigées par les constructeurs pour l’ensemble des compacteurs du parc matériel de l’entreprise.
  • Dispenser à l’ensemble des salariés concernés une formation à l’élingage respectant les exigences du « Mémento de l’élingueur » de l’INRS ED6178 – chapitre 6 *.
  • Recenser les salariés devant se faire délivrer un CACES pour l’ensemble de ses engins de levage de chantier et délivrer les formations adaptées et les autorisations de conduite (tenue du fichier à jour).

2. Risque lié à la conduite de véhicules et d’engins sans formation et autorisation adaptées :

  • Mettre en œuvre une fiche liaison avec les agences d’emploi, répondant aux recommandations du guide de bonnes pratiques « Vous avez recours à l’intérim »*.
  • Mettre en application la recommandation R460 de la CNAM-TS « Fonction d’accueil et d’accompagnement des nouveaux en entreprise »*.

(* Liens en fin d’article)

À l’agence d’emploi, ces demandes portent sur :

  • la fiche de liaison (suivant les mêmes recommandations),
  • les fiches d’aptitudes médicales, en adéquation permanente avec les postes de travail occupés par les salariés intérimaires,
  • le recyclage périodique des salariés permanents de l’agence à la prévention des risques professionnels,
  • les bilans de fin de mission, abordant en particulier l’adéquation entre le poste prévu initialement au contrat et le poste réellement occupé.

En savoir plus :

Recommandation R 372 modifiée : Utilisation et entretien des engins de chantier. CNAM-TS, 2002.

ED 6178 : Mémento de l’élingueur, accessoires de levage. INRS, 2014.

Recommandation R 460 : Fonctions d'accueil et d'accompagnement des nouveaux en entreprise. CNAM-TS, 2012.

Vous avez recours à l'intérim. Guide de bonnes pratiques, Assurance Maladie Risques Professionnels.

Fiche de liaison : caractérisation de poste. Assurance Maladie Risques Professionnels Professionnels.

Intérim : guide à l'usage des agences d'emploi. Assurance Maladie Risques Professionnels.