Les travaux de couverture et d’étanchéité des bâtiments exposent les salariés à des risques de chute de hauteur, en particulier si les matériaux contiennent de l'amiante. L’accident de travail survenu cette année sur le toit d’une usine en Paca aurait pu connaître une issue fatale. L’analyse et les préconisations de la Carsat Sud-Est.

LES FAITS

L’usine date des années 1970. Le donneur d’ordres, une entreprise de taille importante, a décidé de remplacer une cuve de la chaufferie du site en l’extrayant par le toit du bâtiment. La toiture de ce bâtiment se compose de plaques en fibrociment reposant sur une charpente métallique et d’un lanterneau de désenfumage. Situées en bout de toiture, trois cheminées de la chaufferie sont soutenues par des haubans.

Depuis un an et demi, le donneur d’ordres a conclu un contrat avec une entreprise intervenante de 6 salariés pour l’entretien des toitures (nettoyage des chéneaux, retension des haubans, étanchéité). Il la missionne pour déposer la toiture afin de permettre à une autre entreprise de découper la charpente métallique, sortir la cuve et la remplacer par une nouvelle.

Le jour de l’intervention, 3 couvreurs sont présents sur le toit. Ils sont équipés d’un harnais, d’une longe antichute de 10 mètres avec absorbeur de choc et de planches de couvreur. Les plaques en fibrociment contiennent de l’amiante. Par mesure de sécurité, ils s’accrochent au lanterneau durant toute l’intervention de dépose des éléments de couverture.

Une fois que la toiture est entièrement déposée, les couvreurs entreprennent de tendre les haubans. Mais ceux-ci sont situés à une vingtaine de mètres du lanterneau. Ils sont donc obligés de se décrocher et de cheminer à pied sur la toiture. Et c’est alors qu’une plaque cède. L’une des couvreurs passe à travers, fait une chute de 8,70 mètres et atterrit sur le sol de la chaufferie.

Heureusement, la victime, âgée de 24 ans, s’en est sortie avec une fracture du radius au bras droit et des hématomes sur tout le corps. Elle était affectée à ce poste et dans le métier depuis deux ans et demi.

L’ANALYSE

Alerté par l’inspection du travail, un contrôleur de sécurité à la Carsat Sud-Est est intervenu sur les lieux deux jours après l’accident. Il a été reçu par le référent Sécurité et le responsable Travaux du donneur d’ordres. Le lendemain, il a rencontré les responsables de l’entreprise intervenante.

Son diagnostic met en avant deux manquements essentiels :

1. L’évaluation des risques est incomplète :

  • L’entreprise utilisatrice a évalué les risques par simple visualisation des toitures, à partir de silos situés le long de la toiture. Les risques ont été évalués en surface, sans réellement se rendre sur la toiture.
  • Sur le risque amiante : non connaissance, ni prise en compte des matériaux contenant de l'amiante (MCA). L’entreprise utilisatrice ignorait que les plaques en fibrociment contenaient de l’amiante. Pourtant, il existait un Dossier Technique Amiante qui avait identifié cette toiture en amiante. Mais ce DTA datait de décembre 1998, il n’avait pas été mis à jour, ni exploité depuis cette date. Le repérage et l’évaluation de l’état de vétusté des MCA n’avaient donc pas été intégrés au plan de prévention élaboré avec le donneur d’ordres.
  • Sur le risque de chute de hauteur : absence de points d’ancrage sur la toiture ; absence de garde-corps en périphérie de toiture ; absence de fillet de sécurité en surface. Les couvreurs avaient un harnais, mais ils n’étaient pas accrochés. De plus, il y a une tour d’accès unique pour l’ensemble des 32 toitures, dont 5 ont des plaques en fibrociment. Pour accéder à certaines toitures, il faut obligatoirement traverser une toiture amiantée.
  • Le plan de prévention est très incomplet : risque de chute de hauteur uniquement.

2. Le travail réel diffère du travail prescrit :

  • La retension des haubans figure bien dans le contrat annuel, mais cette opération est impromptue, elle n’était pas prévue dans le cadre de cette mission.
  • La longe des couvreurs, d’une taille de 10 mètres, était trop courte pour atteindre la zone des haubans, distante de 20 mètres de la zone initiale.
  • Les couvreurs ont cheminé sur la toiture sans ancrage et sans planche de couvreur.

LES PRECONISATIONS

Suite à ce diagnostic, la Carsat Sud-Est a demandé le mise en œuvre de mesures par voie d’injonction, à la fois au donneur d’ordres et à l’entreprise intervenante.

À l’entreprise intervenante, il a été demandé, dans un délai de 2 mois :

  • de formaliser une procédure permettant d’intégrer systématiquement le risque amiante : DTA, rapport de repérage avant travaux / avant démolition. Cette entreprise spécialisée dans la charpente n’avait aucune qualification sur l’amiante.
  • de rédiger un mode opératoire type permettant, pour tout chantier, lors de l’établissement du devis, de formaliser les travaux à réaliser, les risques identifiés (dont amiante) et les mesures de prévention à mettre en place (avec des mesures de prévention collectives prioritaires sur les individuelles).

Ce mode opératoire permettra d’élaborer suivant les cas : le plan de prévention du donneur d’ordres, le PPSPS, le mode opératoire (voir le point Réglementation).

  • de constituer une fiche d’exposition à l’amiante dans le dossier du salarié, de façon à ce qu’il en garde une trace au cas où une maladie se déclencherait des années plus tard.
  • Cette injonction est assortie de mesures complémentaires : avant les travaux, présentation systématique aux salariés des documents d’évaluation des risques, procédure de gestion des aléas de chantier, formation adéquate pour intervention sur des MCA, formation aux travaux en hauteur et au port des EPI.

Avec l’appui technique du contrôleur de sécurité, l’entreprise intervenante a produit une grillle d’évaluation des risques de chute et du risque amiante. Elle a également transmis une liste de chantiers en cours. Le contrôleur va suivre l’entreprise. Des visites inopinées sont prévues.

Au donneur d’ordres,  il a été demandé, dans un délai de 3 mois :

  • d’identifier les situations dangereuses de travail liées aux interventions sur l’ensemble des 32 toitures, en particulier les accès, les cheminements, les différents travaux (étanchéité, remplacement de plaques,…).
  • de définir des mesures de prévention pérennes, établir les modes opératoires correspondants et former les salariés à ceux-ci.
  • Le résultat de l’évaluation et le plan d’actions doivent être transmis à la Carsat Sud-Est.

Cette injonction est assortie de mesures complémentaires : mise à jour du DTA, formation des donneurs d’ordre au renseignement exhaustif du plan de prévention, formation des donneurs d’ordre au suivi des travaux.

Le donneur d’ordres a communiqué un plan d’actions à la Carsat Sud-Est. Des responsables et des délégués de responsables ont été nommés. La Carsat a demandé d’intégrer un point obligatoire de suivi de ce plan de prévention dans la réunion trimestrielle du CHSCT.

À ce jour, le contrat annuel a été dénoncé, l’entreprise intervenante n’est pas retournée sur le site. Les travaux sont stoppés depuis plusieurs mois. Les 80 m2 de plaques sont restées sur la toiture avec les échelles de couvreurs. L’entreprise utilisatrice a recouvert la toiture d’une grande bâche pour prévenir les risques d’intempéries. L’inspection du travail sera amenée à prononcer des procès verbaux.

Point Réglementation

Décret du 4 mai 2012 relatif aux risques d’exposition à l’amiante : le code du travail, sous-section 3, impose, pour la démolition, l’encapsulage ou le retrait de matériaux amiantés, une certification et un plan de retrait en 18 points précis (Art. R. 4412-133 et suivants). Pour les interventions sur les matériaux amiantés sans retrait, le code du travail, sous-section 4, impose une formation spécialisée des travailleurs et la définition d’un mode opératoire en 9 points (Art. R. 4412-145 et suivants). (lien ci-dessous, annexe ED 6091)

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