Cet hiver, un accident du travail lié à la circulation extérieure dans l’enceinte d’une entreprise a fait un mort. Retour sur les mesures de prévention que tout employeur a obligation de mettre en œuvre pour éviter les risques de collision entre piétons et véhicules.

LES FAITS

Hiver 2014. La pluie tombe dru sur cet établissement public protégé au titre des monuments historiques. Après avoir franchi la barrière d’entrée, un stagiaire marche en direction d’un pavillon pour sa prise de poste. Il emprunte un étroit chemin montant bordé de pavés. Il n'y a aucun trottoir, la largeur de la voie n’est pas suffisante pour être utilisée en commun par des véhicules et des piétons.

Au même moment, une navette de livraison interne s’apprête  à monter ce chemin en marche arrière pour livrer des repas. Pour le chauffeur de ce camion de 20 m3, de type châssis-cabine, qui appartient à l’établissement, c’est une habitude. En effet, arrivé en haut, sur l’aire de stationnement du pavillon, des véhicules en stationnement empêchent toute manœuvre de retournement.

Sa montée en marche arrière est lente. La pluie rend difficile toute visibilité dans les rétroviseurs extérieurs. Le stagiaire, qui lui tourne le dos, ne l’a pas aperçu. L’arrière du camion le heurte de plein fouet. La victime meurt écrasée sur le coup.

post it icompiegne« Les circulations extérieures dans l’enceinte d’une entreprise doivent faire l’objet d’une évaluation des risques approfondie, au même titre que les circulations à l’intérieur des locaux. » Isabelle COMPIEGNE, Contrôleur Sécurité, Carsat Sud-Est

L’ANALYSE

Bien qu’il travaillait dans un établissement public, cet élève stagiaire était affilié au régime général.  Cet accident du travail entre donc dans le champ d’action de l’Assurance Maladie – Risques Professionnels.

Isabelle Compiègne, contrôleur de sécurité à la Carsat Sud-Est, a été alertée lors d’un comité régional de prévention des risques professionnels. « Après un premier entretien avec la directrice de l’établissement, il ressort que les causes de l’accident sont liées aux interférences entre piétons et véhicules lors des circulations extérieures au sein de l’établissement. »

Son enquête fait apparaître de nombreux manquements aux obligations réglementaires de l’employeur relatives aux actions de prévention des risques professionnels, aux actions d'information et de formation et à la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés (articles L.4121-1 et 2 du code du travail).

En l'occurrence, l’employeur avait connaissance du risque. « Le CHSCT avait alerté à plusieurs reprises sur les risques de collision entre piétons et véhicules lors des circulations dans l’établissement. » Or le risque lié à la circulation interne a été sous-évalué, les règles de circulation n’ont pas été établies, le devoir d’information et de formation des personnels de l’entreprise n’a pas été respecté et aucun moyen technique n’a été mis en œuvre pour combattre le risque à la source. Les causes de cet accident du travail sont donc multiples.

  • Au niveau organisationnel, les voies de circulation présentaient de nombreuses interférences entre piétons et véhicules : des voies communes, non pourvues de cheminements distincts entre piétons et véhicules, encombrées par des véhicules de personnels ou de visiteurs en stationnement.
  • Techniquement, l’absence de visibilité ou la présence d’angles morts lors des manœuvres en marche arrière n’étaient pas palliées par des équipements de recul sur les camions.
  • Les salariés n’avaient pas connaissance du risque. Bien qu’à certains endroits il existe des voies destinées aux piétons, celles-ci n’étaient pas utilisées de manière régulière ou formelle. Au moment de l’accueil, les nouveaux (élèves stagiaires, intérimaires, CDD,…) ne recevaient pas d’information sur les règles générales de sécurité du site.

LES PRÉCONISATIONS

Suite à cette analyse, la Carsat Sud-Est a adressé un courrier d’injonction à l’établissement pour qu’il mette en place impérativement des mesures de prévention dans un délai d’exécution de trois mois.

Ces mesures ont porté sur les trois volets identifiés dans l’analyse des risques, à savoir :

1.    Des mesures organisationnelles

  • Evaluer les risques liés aux circulations des piétons et véhicules sur l’ensemble du site.
  • Définir et mettre en œuvre des voies de circulation distinctes entre véhicules et piétons (trottoirs, voies séparées…), soit en modifiant ou renforçant certaines voies qui n’étaient plus utilisées pour les piétons, soit en créant des cheminements.
  • Mettre en place une signalétique horizontale et verticale.
  • Définir et faire respecter les règles de stationnement des véhicules sur le site afin d’éviter l’encombrement des voies de circulation.
  • Formaliser un plan de circulation (lien en fin d’article) devant être diffusé à l’ensemble des personnes intervenant sur le site : salariés, élèves stagiaires, visiteurs, transporteurs extérieurs.

2.    Des mesures techniques

  • Équiper l’ensemble du parc de véhicules utilisés en interne d’un avertisseur sonore de recul, d’un radar de recul et/ou d’une caméra de recul.

3.    Des mesures humaines

  • Informer tous les salariés sur les règles spécifiques au plan de circulation et aux aires de stationnement dans l’établissement et faire respecter leur application.
  • L’accueil des nouveaux : avant sa mission, le nouveau en entreprise doit bénéficier d’un accueil et d’une information adaptée, destinés à lui transmettre les consignes générales de sécurité, intégrant les règles propres à la circulation au sein de l’établissement (accès à l’entreprise, règles de circulation interne, plan de circulation, transports en commun, etc.).
  • La remise d’un livret d’accueil, formalisé dans une fiche de suivi, doit notamment permettre d’expliquer les risques et les nuisances auxquels le salarié sera exposé durant son activité.

« Toutes les mesures demandées ont été réalisées dans les délais fixés par voie d’injonction », indique le contrôleur de sécurité, pour qui cet établissement public fait désormais l’objet de visites régulières. « Un nouveau plan d’accès à l’établissement est en cours de validation par l’exploitant du site, sous réserve de validation par l’architecte des bâtiments de France. »

Point Réglementation

Pour les entreprises extérieures, les articles R. 4515-1 à 11 du code du travail prévoient certaines dispositions qui s’appliquent aux opérations de chargement et de déchargement en provenance ou à destination d’un lieu extérieur à l’enceinte de l’entreprise d’accueil. Celles-ci doivent faire l’objet d’un document écrit, dit « protocole de sécurité », remplaçant le plan de prévention (lien en fin d’article).

Conseil + du préventeur : Radar de recul ou caméra de recul ?

Le radar de recul utilise des ondes ultrasonores qui détectent les obstacles à l’arrière du véhicule et les signalent au conducteur par un bip sonore. Si l’obstacle n’entre pas dans le champ du radar, le chauffeur n’est pas alerté. Son champ est relativement restreint par rapport à la caméra de recul qui donne au chauffeur une vue grand angle sur l’environnement arrière du véhicule.

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