Afin d’obtenir une meilleure indemnisation de son préjudice, suite à un accident de travail ou une maladie professionnelle, un salarié peut faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur qui en est à l’origine.

Cet article vous propose un tour d’horizon des points clés de la faute inexcusable et des dernières décisions en termes de jurisprudence…

Définition

Le Code de la Sécurité sociale ne donne pas de définition de la faute inexcusable, c'est la jurisprudence qui en a défini les contours.

En 2002, des arrêts rendus concernant l’exposition à l’amiante, ont précisé cette faute inexcusable. Ainsi, l’employeur en vertu du contrat de travail, a une obligation de sécurité de résultat à l’égard de ces salariés aussi bien en ce qui concerne les maladies professionnels que les accidents de travail.

Cependant, un arrêt récent de la Cour de Cassation du 25 novembre 2015 semble assouplir cette obligation de sécurité de résultat. La Cour retient dans le cadre des risques psychosociaux, que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes mesures prévues par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail. Cette analyse semble transformer l'obligation de résultat de l'employeur en une obligation de moyens renforcée au regard des mesures prévues par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail.

(Cass. 2e civ., 25 novembre 2015)

Critères

Pour que la faute inexcusable de l'employeur soit reconnue par les juridictions de sécurité sociale, il appartient à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle de démontrer :

  • que son employeur avait, ou aurait dû avoir connaissance du danger auquel il était exposé ;
  • qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Juridiction compétente

La faute inexcusable est de la compétence exclusive des juridictions de sécurité sociale.

(Cass.soc., 5 octobre 2015 et Cass.ch.mixte, 9 janvier 2015)

Procédure de reconnaissance

L’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur doit être engagée dans un délai de deux ans (article L.431-2 du Code de la sécurité sociale).

Ce délai commence à courir à compter :

  • pour les accidents du travail, du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ;
  • pour les maladies professionnelles, de la date de la première constatation par le médecin traitant de la modification survenue dans l'état de la victime, sous réserve, en cas de contestation, de l'avis émis par l'expert ou de la date de cessation du paiement de l'indemnité journalière allouée en raison de la rechute.

Après une tentative infructueuse de conciliation, la caisse invite la victime à saisir le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale compétent.

Conséquences

Lorsque la faute inexcusable de l'employeur est reconnue, la victime obtient, outre les prestations auxquelles elle avait déjà droit en application du Code de la Sécurité Sociale, une indemnisation complémentaire.

Les préjudices indemnisables sont les seuls visés à l'article L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale à savoir :

  • souffrances physiques et morales,
  • préjudice esthétique,
  • préjudice d’agrément,
  • perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle.

Suite à deux arrêts de la Cour de cassation en 2014 et 2015 :

  • Les frais d’assistance d’un médecin lors d’opération d’expertise s’ajoutent à cette liste des préjudices indemnisables.

Par contre, l’indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent n’est pas prise en compte, car celui-ci est couvert par l’attribution d’une rente majorée par la CPAM.

Enfin, les frais d’expertise pour l’évaluation des chefs de préjudice subis par la victime à cause de la faute inexcusable de l’employeur, sont avancés par la Caisse primaire qui en récupérera ensuite le montant auprès de celui-ci.

(Cass. 2e civ. 18 décembre 2014 et Cass 2e civ. du 9 juillet 2015)

Notion de réserve de l’employeur

Cette notion de « réserve motivée » permet à l’employeur de déclencher une enquête administrative de la CPAM suite à un accident de travail et éviter une prise en charge d’emblée de celui-ci.

Trois arrêts de la cours de Cassation en 2015 viennent préciser cette notion.

Ainsi :

  • toute contestation du caractère professionnel de l’accident portant sur les circonstances de celui-ci ou l’existence d’une cause étrangère au travail constitue des réserves motivées.
  • pour les affaires, où une décision de prise en charge est déjà  intervenue, alors que l’employeur avait notifié des réserves motivées,  la prise en charge intervenue sans instruction est inopposable à l’employeur.

(Cass. 2e civ., 12 février 2015  - Cass. 2e civ., 8 octobre 2015 - Cass. 2e civ., 17 décembre 2015)

Contestation du caractère professionnel

L’employeur s'il peut en rapporter la preuve, peut invoquer l’absence de caractère professionnel de l’accident ou de la maladie afin de s’exonérer des conséquences financières d’une faute inexcusable.

Dans un arrêt de 2004, la Cour de Cassation avait reconnu cette possibilité qu’elle a confirmé dans un arrêt du 5 novembre 2015.

(Cass. 2e civ., 5 novembre 2015)